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Verdier

 

Les éditions Verdier sont fondées en 1979 dans l'Aude, à Lagrasse, par Gérard Bobillier, Colette Olive et Michèle Planel, en dialogue avec Benny Lévy et Charles Mopsik, à qui est confiée la première collection.

Cette maison, qui possède aujourd'hui une permanence dans le XXe arrondissement de Paris, publie dans les disciplines suivantes : littérature, arts et architecture, sciences humaines, philosophie et spiritualités.


Sur la rive du Gange, Josef Winkler (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Lundi, 04 Mars 2024. , dans Verdier, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Sur la rive du Gange, Josef Winkler, Éditions Verdier, Coll. Der Doppelgänger, 2004, trad. allemand (Autriche) Éric Dortu, 249 pages, 18 € Edition: Verdier

 

« Vanité, substantif féminin : 1. Caractère de ce qui est vain, futile, illusoire. 2. Caractère de ce qui est inutile, sans efficacité. 3. Représentation picturale rappelant la précarité de la vie ».

Il est hasardeux pour un écrivain de se mesurer à l’Inde (à l’énormité indienne) tant sont constants les risques de tomber, par facilité ou inadvertance, dans les clichés commodes, substituant à l’Inde réelle celle qui conviendra aux préventions et à la paresse du lecteur et flattera son goût pour l’exotisme, la spiritualité à bon marché, le misérabilisme selon les cas. Marie Saglio s’y est essayée en 2023 avec Bombay (éditions Serge Safran), pour un résultat douteux car trop prévisible.

Sur la rive du Gange de Josef Winkler, né en 1953, n’est pas à proprement parler un livre sur l’Inde mais sur la mort ou mieux : sur la ville des morts, Bénarès, qu’on appelle aussi Kashi et Varanasi.

Lune de loups (Luna de Lobos, 1985), Julio Llamazares (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 08 Novembre 2023. , dans Verdier, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne, En Vitrine, Cette semaine

Lune de loups (Luna de Lobos, 1985), Julio Llamazares, Editions Verdier Poche, 2009, trad. espagnol, Raphaël Carrasco, Claire Decaëns, 187 pages, 10,20 € Edition: Verdier

 

Après La Pluie jaune (La Lluvia Amarilla), Llamazares continue ses sombres chemins montagneux dans cette novella aux accents obsédants de la peur et de la mort. Lune des Loups (Luna de Lobos) raconte la fuite effarée, dans les forêts du León, de quelques combattants républicains après la Guerre Civile et la victoire des fascistes de Franco. Les héros de ce roman sont les combattants dérisoires d’une guerre déjà perdue. Les résistants de ce maquis montagnard ne résistent plus à personne ni à rien si ce n’est à l’imminence de la mort promise, incarnée par les gardes civils qui les traquent inlassablement. Chaque sente est un piège potentiel, chaque hameau traversé un guet-apens possible. La peur est collée aux pas des hommes, elle suinte de leur corps, de leur esprit, de leur âme. Toute personne rencontrée est une dénonciation virtuelle, une trahison à venir.

Les deux Beune, Pierre Michon (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 31 Août 2023. , dans Verdier, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Les deux Beune, Pierre Michon, éd. Verdier, Coll. Jaune, mars 2023, 160 pages, 18,50 € Edition: Verdier

 

Le livre qui paraît aujourd’hui comporte deux parties : celle éditée en 1996, La Grande Beune, celle qui complète La Petite Beune. Ruisseaux de la région des Eyzies, paradis des grottes préhistoriques.

On retrouve dans les deux, les mêmes personnages : trois femmes, Yvonne, Mado, Hélène ; trois hommes, Jeanjean, Jean le Pêcheur, le narrateur, Pierre. L’histoire, celle du désir, se niche dans une zone, où s’entrelacent les ruisseaux et les histoires d’hommes, éblouis par les femmes. Yvonne, belle buraliste, attise le regard du narrateur jusqu’à vouloir la posséder, mais Yvonne a son Jeanjean, qui l’accueille dans sa maison perdue dans les bois. Les deux parties du livre conjoignent activement le désir de Pierre, nouvel instituteur du village de Castelnau.

La découverte du village, de ses eaux, de ses grottes, de son café du commerce où se retrouvent les mâles du canton, les figures de femmes, la vieille Hélène, la sculpturale Yvonne, la jeune étudiante Mado, tout se tresse dans une attente qui active le désir, diffère l’accouplement, nourrit le plaisir du lecteur.

Les deux Beune, Pierre Michon (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Lundi, 15 Mai 2023. , dans Verdier, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Nouvelles

Les deux Beune, Pierre Michon, éditions Verdier, 160 p. 18,50 € Edition: Verdier

 

Pierre Michon, auteur rare, aura écrit en deux temps ses deux Beune ! Quasi trente ans les séparent. Point-virgule et mots précieux se réjouissent ! Michon n’avait rien publié depuis Les Onze en 2009 !

Entre lèvres et lièvres

Pierre Michon est rare.

C’est notre autre Gracq. Leurs langues nous fascinent pour peu qu’encore la langue fascine. Langue non pas traquée ni pressée, urbanisée, mais haute langue de littérature, au plus ancien sens du terme. C’est-à-dire qu’elle entoure, enveloppe, ensorcelle voire, nous prend là, si vous voyez où là est.

Là : le ventre, les rêves, le sens du sens.

L’essentiel.

La pluie jaune, Julio Llamazares (Par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 18 Avril 2023. , dans Verdier, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne

La pluie jaune (La Lluvia amarilla, 1985), Julio Llamazares, Verdier Poche, 2009, trad. espagnol, Michèle Planel, 141 pages, 10 € Edition: Verdier

 

Le vieil homme meurt. C’est sa dernière nuit dans le village fantôme dont il est le dernier vivant. Avec lui, va s’envoler la dernière âme, le dernier cœur battant, les dernières souffrances. Le bonheur, l’espoir, la joie, eux étaient partis depuis très longtemps, depuis que Sabina, la femme du vieil homme, est morte. Ils étaient les derniers habitants du village, tous les autres étaient déjà partis au fil des années, morts ou émigrés ici ou là.

La mort traverse ce court roman, celle du vieux comme un point d’orgue à celle du village de montagne dont il est le dernier souffle vivant. La mort non comme un événement mettant fin, mais comme un lent progrès de la décrépitude, du pourrissement, de la chute. Murs, toits, poutres, portes, fenêtres font écho dans leur anéantissement à celui des êtres qui, naguère, ont vécu ici, travaillé, parlé, aimé. La mémoire du vieil homme, comme un long thrène lugubre, résonne comme la malédiction inéluctable qui s’est abattue sur le village dans un destin ténébreux : après la rudesse des hivers, la dureté des travaux, la pauvreté extrême, toutes les plaies d’une humanité oubliée, est venu l’exode inexorable, le départ des jeunes rêvant d’ailleurs, puis celui des vieux, ne pouvant plus subsister dans ce mouroir abandonné qu’est devenu Ainielle (1).