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Les Chroniques

Soleil premier, Odysseas Elytis (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 08 Juillet 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Bassin méditerranéen, Poésie

Soleil premier, Odysseas Elytis, trad. Laetitia Reibaud, bilingue, éd. Unes, 2025, 94 p., 19 €

 

Mer

Les poèmes d’Odysseas Elytis que publient les éditions Unes sont tournés principalement autour d’une mer mythique pour l’Occident, la mer Méditerranée, autour du soleil et de ses ombres si fortes et si noires, de la Grèce en général, pays attitré d’Elytis. Donc une mer lumineuse et chaude. Aux ombres fortes. Aux bains étincelants de lumière. Le poème surgit de ce terreau. Il est porté par des paysages aux forts contrastes. Son rythme est celui d’images qui se renouvellent au gré d’une logique langagière proche des classiques, avec des accents homériques. Cette écriture se dépasse elle-même comme aspirée par un rêve méditerranéen. Elle a une foi dans la locution du silence et des paysages de silence.

La Chaise vide, Thierry Martin-Scherrer (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 03 Juillet 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

La Chaise vide, Thierry Martin-Scherrer - Le Taillis Pré, avril 2025, 120 pages, 18 €

 

Un peu plus de dix ans après la mort de son frère jumeau, l'auteur (à présent septuagénaire) tente, pour la première fois, de penser ce que la vie de ce frère aura fait de la sienne. Non pas seulement changé de la sienne, mais bien :  fait d'elle, car la conduite et le maintien de ce frère disparu auront, par sa mutique supériorité et sa dédaigneuse indépendance, construit négativement, conditionné par défaut, toute la sienne. L'auteur aura ainsi dû et bien voulu ménager son jumeau toute sa vie, et le regrette, bien qu'en un sens la mort plutôt prématurée de celui-ci donne en retour raison à ces soins ou ce souci excessifs - comme si l'auteur avait tôt compris son jumeau plus mortel que lui-même, et compensé sa présumée inespérance de vie par le dédommagement préventif d'une sollicitude insistante, inquiète et maladroite. Quoi qu'il en soit, le disparu se sera "retiré sans avoir abattu son jeu" (p.87).

Ulla ou l’effacement, Andréas Becker (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 30 Juin 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Ulla ou l’effacement, Andréas Becker, Éditions d’En Bas Illustr. de couverture : Jean-Denis Bonan

 

S’effacer devant le monde, comme Ulla dans l’insoutenable absurdité de vivre, ouvre un espace scriptural vertigineux au tempo singulier. Un ravissement a lieu ici dans le laps d’effacement d’une femme, au sens d’un rapt de soi et d’une violence aussi tragique que sublime opérée dans le ravissement de la vie le long d’une descente infernale. Est sublime ce qui nous dépasse, nous terrifie, nous fascine. Ulla, personnage principal, nous sidère autant que le monde lui est jusque dans son agonie un scandale dans son affirmation de soi et de la vie. Dans Ulla ou l’effacement la langue narrative, ciselée, opère à cœur ouvert l’absence au monde progressive d’une femme que le narrateur et le lecteur accompagnent dans un mal-être irréversible. La joie de vivre pourrait-elle (re)jaillir de l’effacement, comme dans la chanson Le Mal de vivre de Barbara ?  Et, que peut dire encore la langue, que lui reste-t-il d’exprimable lorsque la vie s’en va ? Nous retrouvons ces questions existentielles (essentielles) posées par l’écrivain-essayiste-peintre-auteur-interprète et correspondant littéraire, Andréas Becker, comme il le fit par exemple dans un dialogue avec Philippe Bouret autour de la créativité, dans Je suis redevenu celui que je n’avais jamais été (éditions Douro, 2024).

Là, inaltérant, Jacques Guigou (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 25 Juin 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Là, inaltérant, Jacques Guigou, l'Harmattan, février 2025, 64 pages, 10 €

 

"Parti de nuit

visage vent du large

le pélerin de l'inaltérant

trouve son viatique

dans chaque coquille" (p.46)

 

La recherche de l'inaltérable est un sentiment plutôt religieux (car quelque chose d'immuable nous semble avoir plus de chances de nous sauver une fois pour toutes), mais ce sentiment est étranger à l'auteur : notre "pélerin" est athée.

N’est pas là, Jean Marc Sourdillon (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 24 Juin 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

N’est pas là, Jean Marc Sourdillon, éd. Gallimard, 95 p., 2025, 16 €

 

La déploration

Ce qui est constitutif dans ce recueil de poèmes de Jean Marc Sourdillon, c’est la relation entre une entité vivante et une entité morte, absente. Donc entre le poète et ceux dont il déplore la mort. Entre écrire et disparaître. Car en définitive, les absents forment des sortes de trouées, sortes d’espaces troués, de clignotements pour le poète. De syncopes. De moments alternatifs. Vide et plein, temps passé, temps présent et temps à venir. Tout cela parce que notre destin humain en passe par la déploration, consubstantielle au goût de vivre. L’absent est indispensable à cette écriture.

Par ta manière de t’adresser à lui, tu ouvres une brèche dans ton présent,

où tu ne vois rien, une béance où seule habite la voix.

N’est pas là a besoin de cette voix pour être là.

N’est pas là a besoin de toi pour t’apparaître

même si tu ne veux pas ou que tu n’as pas le temps pour ça.