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Les Chroniques

Le Harki de Meriem, Mehdi Charef (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Lundi, 13 Mai 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Harki de Meriem, Mehdi Charef, éditions Hors d’atteinte, mars 2024, 224 pages, 16 €

 

Supplétifs algériens

L’écriture de Mehdi Charef (né à Maghnia en Algérie en 1952, écrivain et réalisateur de 11 films, doté de nombreux prix dont celui de la jeunesse au Festival de Cannes 1985, du Jean-Vigo 1985, et du César du meilleur premier film), est poignante, acérée, émouvante car si près des êtres déchus, des éclopés du prolétariat et de l’immigration. Le deuxième roman de l’auteur se situe dans une ville moyenne de province où les classes sociales sont clivées entre les immigrés, les racistes criminels (les fascistes et les identitaires) et les harkis. Des personnages brisés ont tout perdu, tout « en sueur et en larmes ». Comme par exemple, Pierre, l’alcoolique : « Sa petite tête de fouine fatiguée penchait sur son long cou comme une fleur qui se fane sur sa tige », la prostituée anonyme, « la plus belle des filles de rue (…) sa jupette violette coupée au ras des fesses et, dessous, le string presque invisible partageant deux belles parts », ou le jeune Sélim, jeté dans la fosse aux lions.

Un étranger en Olondre, Sofia Samatar (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 07 Mai 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, USA

Un étranger en Olondre, Sofia Samatar, J’Ai Lu, septembre 2023, trad. américain, Patrick Dechesne, 512 p. 8,90 €

« Doutez de la page et préservez ce doute, car un livre est une forteresse, un lieu empli de pleurs, la clé d’un désert, une rivière dépourvue de pont, un jardin de ronces ». Ainsi, par une phrase reflétant l’écriture poétique côtoyée cinq cents pages durant, s’ouvre le « Livre sixième » d’un magnifique roman sur le pouvoir des mots, écrits ou lus, mais aussi dits : Un étranger en Olondre. Plus loin dans le même chapitre, bref et intense, situé quelque quarante pages avant la fin de roman, l’autrice semble avertir le lecteur de l’accès de mélancolie qui le saisira après avoir tourné la dernière page : « Le silence. La fin de toute poésie, de toute romance. Plus tôt, effrayé, vous commenciez déjà à sentir comme une suggestion de ce silence : tant de pages ont été tournées, le livre était si lourd d’un côté, si léger de l’autre, se réduisant alors que la fin approche. Néanmoins, vous vous consolez bien vite. Vous n’êtes pas encore à la fin de l’histoire, à cette terrible page blanche comme un volet fermé. Il y a encore quelques pages sous votre pouce, qui restent à explorer et à chérir. Oh, est-il possible de lire plus lentement ? Non. La fin approche, inexorable, à la même vitesse mesurée. La dernière page, le dernier de ces mots précieux. Et là : la fin du livre. La couverture épaisse qui, une fois refermée, ne vous offre que du cuir gaufré de vieilles roses et d’écus.

M. Quelle, Pierrick de Chermont (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Mai 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

M. Quelle, Pierrick de Chermont, L’atelier du Grand Tétras, mars 2024, ill. Marianne K. Leroux, postf. Gwen Garnier-Duguy, 128 pages, 20 €

Fable

Livre curieux, que publie Pierrick de Chermont, où l’effet poétique est mis en crise par la présence d’un personnage (M. Quelle). Ce monsieur fait éclater la représentation grâce à des images personnelles, invente des situations, qui, pour finir, évidemment, sont les fruits d’un être de papier. Là tout le dilemme du livre : fable ou poème. En tout cas, présence aussi de l’écrivain qui prête vie à ce personnage de fiction, figure bizarrement attachante d’un héros plus proche du Don Quichotte que de Roland Furieux (même si des rapprochements pourraient être justifiés).

Cette relation entre le fictif, qui s’avère pure imagination (cet être ne peut pas exister) et la réalité (l’on pense à l’auteur dont les traits sont peut-être ceux de ce personnage de fantasmagorie), convient parfaitement au caractère littéraire qui trouve présence et existence justement dans le récit des extravagances de Quelle, donc à travers divers fantasmes, espèces lointaines de fatrasies, d’un curieux mélange métaphysique et ultra matériel. Ce qui laisse entendre que la vie de Quelle est tourmentée, profuse et parfois déconcertante.

L’Histoire Splendide, Guillaume Basquin (par Philippe Thireau)

Ecrit par Philippe Thireau , le Vendredi, 03 Mai 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

L’Histoire Splendide, Guillaume Basquin, éditions Tinbad, 2022, 341 pages, 23 €

 

Le poète se fait voyant par un long,

Immense et raisonné dérèglement de tous les sens.

Arthur Rimbaud

 

Pas de bonheur plus grand que commencer la lecture d’un livre qui place immédiatement le foutre au centre de tout. I-Au commencement. L’advenue au monde est immaculée, issue du souffle de l’ange Gabriel ensemençant l’oreille de Marie sainte. Verbe avant naissance. Ainsi le verbe est foutre. L’Histoire splendide de Guillaume Basquin, Éditions Tinbad, est donc d’abord l’histoire tragique de l’enfantement du monde (et suites pénibles).

Lettre (d’une mère) à un jeune poète (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 02 Mai 2024. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Poésies, Une saison en enfer, Illuminations, Arthur Rimbaud, édition de Louis Forestier, Poésie/Gallimard, 1973, 304 pages, 8,20 €

 

Monsieur,

Je n’ai pas l’honneur d’être connue de vous, ni vous de moi : aussi est-ce après mûre réflexion que je me permets de vous écrire afin de vous exprimer mon irritation, pour ne pas dire ma colère, suite à la lecture de deux de vos poèmes (Au-Cabaret-Vert et La Maline) que mon fils vient d’étudier avec sa professeure dans la perspective de l’épreuve orale de français du baccalauréat. Je ne sais d’ailleurs pas si je dois vous appeler « monsieur » car, si je suis plus jeune que vous d’une certaine façon, puisque nous ne vivons pas à la même époque, je suis cependant, étant mère, plus âgée.