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Les Chroniques

Mercurio, Philippe Mezescaze (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 14 Mai 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Roman, Mercure de France

Mercurio, Philippe Mezescaze, Mercure de France, avril 2025, 192 pages, 19 €

 

Mercurio, le personnage éponyme du dernier roman de Philippe Mezescaze, c’est Monsieur de Bougrelon. Je m’explique : dans le roman de Jean Lorrain publié en 1897 et chroniqué dans cette revue en octobre 2024, nous sommes à Amsterdam à une date indéterminée, une Amsterdam hivernale, puritaine et dévergondée à la fois. Le narrateur anonyme et son ami y font la connaissance d’un singulier compatriote, de souche normande comme eux, qui semble avoir pour préoccupation première, à travers ses discours et sa gestuelle, et en dépit de son allure décatie, d’imposer de soi et de son passé, de ses conquêtes, de sa relation de jadis avec Monsieur de Mortimer, son double embelli, une image fastueuse. Des doutes naissent sur la véracité des propos du « vieux fantoche », que l’épilogue confirmera : Monsieur de Bougrelon subsiste péniblement en tenant un humble rôle de violoniste dans un cabaret minable.

La Conversation de Bolzano, Sándor Márai (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mardi, 13 Mai 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Pays de l'Est

La Conversation de Bolzano, Sándor Márai, Editions Le Livre de Poche, 2002, trad. hongrois, Charles Zaremba, 284 pages

Sándor Márai, l’un des plus grands auteurs hongrois de la Mitteleuropa longtemps méconnu en France, victime tour à tour du nazisme et du communisme, fait un pied de nez aux tyrans avec La Conversation de Bolzano. Son roman s’inspire d’un épisode des mémoires du grand séducteur libertin du 18ème siècle, Giacomo Casanova, évadé de la prison des Plombs à Venise en compagnie d’un moine défroqué. De retour à Bolzano, le fugitif sème la zizanie dans la petite ville où il s’était battu en duel avec le comte de Parme pour l’amour de la jeune Francesca. Le roman oscille entre bouffonnerie et drame : Giacomo, qui ambitionne de devenir écrivain, se proclame « rebouteux de l’amour » et prodigue ses conseils loufoques aux bons bourgeois tandis que le comte tente de libérer sa bien-aimée de « l’envoûtement de l’amour ». La Conversation de Bolzano condense deux joutes verbales en une nuit inoubliable : le face à face de Giacomo et du comte, puis celui de Francesca face à Giacomo, remarquablement mis en scène par Jean-Louis Thamin au théâtre de l’Atalante à Paris en 2012. Dans une première tirade pleine de verve, le comte disserte sur le bref courrier d’amour destiné à sa femme qu’il a intercepté et propose à Giacomo un contrat surprenant : argent et protection en échange d’une nuit avec elle à condition de disparaître à jamais.

La Seconde guerre d’indépendance d’Israël, 7 octobre 2023, Effroi et résilience, Richard Darmon (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 13 Mai 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Histoire

La Seconde guerre d’indépendance d’Israël, 7 octobre 2023, Richard Darmon, Les Provinciales, 2024, 190 p. 18 €

Dans la Bible hébraïque (l’ensemble que les Chrétiens appellent l’Ancien Testament), plusieurs épisodes nullement mineurs font l’objet d’une duplication : la création du monde eut lieu deux fois (d’abord en six jours, ensuite après le déluge) ; les Tables de la Loi furent remises à Moïse deux fois ; la royauté d’Israël fut établie à deux reprises (avec Saül, puis avec David). Conscients de ce phénomène, des Israéliens ont considéré que la guerre commencée après la tragédie du 7 octobre 2023 pouvait être assimilée à une nouvelle guerre d’indépendance, la seconde, après celle de 1948. Elle est en tout cas le plus long conflit que l’État d’Israël ait jamais soutenu.

Ce n’est évidemment pas la même chose que d’être « sur le terrain », au milieu des cris des jeunes filles violées, des odeurs de poudre, de sang, de chair brûlée et de la terreur pure. Mais ce fut une expérience inoubliable et amère : se trouver, au matin du samedi 7 octobre 2023, à son bureau, en train de dérouler des notifications d’un réseau social (Twitter) et de voir arriver subitement des images brutes, qu’aucune modération n’a encore filtrées ou censurées, filmées quelques instants auparavant, mises en ligne aussitôt et répercutées dans le monde entier.

Ozanges, Richard Millet (par Claire Fourier)

Ecrit par Claire Fourier , le Lundi, 12 Mai 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Ozanges, Richard Millet, Est-Samuel Tastet éditeur, 2024, 124 pages, 20 €

 

Ozanges, qui pourrait s’écrire Aux anges, est un très beau livre de Richard Millet. L’histoire ? qui n’en est pas une : l’alter ego de l’écrivain, Pascal Bugeaud, est hébergé dans un château plus ou moins abandonné où il va passer une nuit, seul, en hiver. Des bruits infimes, des craquements légers qui ont l’air de chuchotements, des lueurs, des souvenirs qui reviennent, reviennent, et se ramifient. L’homme a peur, il ne dort pas et il erre jusqu’à l’aube dans les couloirs et diverses pièces du château.

Quels fantômes habitent derrière les portes tandis que, frissonnant dans l’obscurité, il monte et descend les escaliers, ouvre avec anxiété les poignées de porcelaine blanche, allume un peu de feu dans une cheminée, s’assied à une table poussiéreuse devant une bouteille de vin – soupirant après un peu de clarté et d’amour, guettant jusqu’à l’aurore une présence qui réchauffe et fasse reculer la mort ?

En Pléiade, un Descartes généreux (par Pierre Windecker)

Ecrit par Pierre Windecker , le Mardi, 06 Mai 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, Essais, La Une CED, En Vitrine, Cette semaine

 

Œuvres, Tome I (1579 pages), Tome II (1561 pages), Descartes, Collectif, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2024, éditions préparées par Jean-Marie Beyssade, publiée sous la direction de Denis Kambouchner, choix de lettres par Jean-Robert Armogathe

 

En 2024, la Bibliothèque de la Pléiade a accueilli dans ses rayons de nouvelles Œuvres de Descartes. Elles prennent le relais de celles de l’édition André Bridoux qui datait de 1937.

Il faut saluer cet événement éditorial.

Ce qui fait la valeur originale de cette édition, c’est d’abord qu’elle s’adresse, autant qu’aux amateurs et connaisseurs de Descartes, à ceux qui – philosophes ou non – ne le sont pas (ou pas encore) particulièrement.