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Les Chroniques

Griffes 17 (par Alain Faurieux)

Ecrit par Alain Faurieux , le Lundi, 17 Février 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Ce que je cherche, Jordan Bardella, Fayard, novembre 2024, 324 pages, 22,90 €

Un livre rassurant, normal. Qu’il ne contienne pas la réponse au titre, qu’il ne contienne rien en fait n’est absolument pas grave. La couverture est belle, l’intention noble. L’attrait du vide, l’attrait du regard en arrière. L’auteur nous propose donc un petit livre tout à fait dans l’air du temps. Reste à s’interroger sur la qualité de l’air. Quelque chose de particulier ? Non. Un petit volume à la fois creux et lisse (si, si, c’est possible). Un livre bien conçu, peu importe que Jordan Bardella l’ai écrit seul ou pas, se demande-t-on si Musso écrit 100% de ses livres ? L’objet est bien pensé et bien construit : les va-et-vient temporels créent des liens de causalité là où la chronologie les réfute et permettent un flou narratif sur les étapes de la carrière politique de l’auteur. Un premier tiers de type journal (très poussif) sur les premiers mois de 2024. Censé être quelque chose comme l’irrésistible marche vers la victoire.

Rimbaud est vivant, Luc Loiseaux (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 13 Février 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Rimbaud est vivant, Luc Loiseaux, Gallimard, novembre 2024, 271 pages, 39 €

 

Encore Rimbaud ? Oui. À croire qu’il est devenu une tête de gondole pour les éditeurs. Sans doute parce que la version affadie, commerciale de son mythe, pour reprendre le titre d’un essai d’Étiemble ayant fait du bruit en son temps, séduit nos contemporains et correspond à leur vision de la poésie et d’une carrière de poète.

Un « hôtel littéraire » à son nom (quatre étoiles) s’est ouvert à Paris, il y a quelques années : son chiffre d’affaires est florissant, paraît-il. Tant mieux pour son propriétaire, et tant pis pour lui, Rimbaud, qui a souvent dormi dans des bouges. À Charleville, son souvenir est partout, entretenu avec un sens de la réclame aiguisé. Librairie Rimbaud. Collège Rimbaud. Boulangerie pâtisserie Rimbaud. Coiffeur barbier Rimbaud. Médiathèque « Voyelles ». « Cuvée d’Arthur », même (excellente bière, au demeurant, à déguster, Place Ducale, un jour point trop pluvieux, avec un boudin blanc de Rethel).

Ainsi parlait Colette, Gérard Pfister (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 11 Février 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Ainsi parlait Colette, Gérard Pfister, Arfuyen, janvier 2025, Dits et maximes de vie choisis, 192 pages, 14

 

Le principe de cette collection (retenir d’abord les formules générales d’existence, collecter les « maximes de vie » d’un auteur) devait plutôt interdire à Colette d’y figurer – elle qui ne sait faire que dans l’immédiat, le menu, le profus et l’accident – mais le recours ici aux entretiens, à la correspondance, à son œuvre journalistique fait d’elle une sorte de philosophe obligée, qui l’aurait amusée et, de toute façon, nous enchante : peu familier de son œuvre, je note ici quelques raisons de m’être (profondément) attaché à ce recueil, libre et vif, comme elle.

« Nous ne sommes pas jolis, quand nous écrivons. L’un pince la bouche, l’autre se tète la langue, hausse une épaule ; combien se mordent l’intérieur de la joue, bourdonnent comme une messe, frottent du talon l’os de leur tibia ? Nous ne sommes pas – pas tous – élégants : la vieille robe de chambre a nos préférences, et la couverture de genoux, brodée à jours par les braises de cigarettes… » (fragment 319).

Libre, Sylvia Beretvas (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 06 Février 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, L'Harmattan

Libre, Sylvia Beretvas, Editions l’Harmattan, janvier 2025, 224 pages, 23 €

 

Le récit Libre, comme son sous-titre l’indique (« Quand un soldat de la Wehrmacht et son prisonnier deviennent frères »), fait revivre une histoire extraordinaire survenue lors de la deuxième guerre mondiale. La narratrice et auteure, Sylvia Beretvas, retrace la formidable odyssée de l’officier allemand homosexuel, Richard Abel, qui aida son père, Luigi, et quatre de ses jeunes compagnons juifs, à échapper à la mort à Tunis pendant l’occupation allemande en 1942. À l’arrivée des Alliés, le héros traqué vécut caché chez les parents du jeune juif qui l’adoptèrent comme leur fils. Mais prisonnier au Maroc, aux États-Unis, puis en Angleterre, il dût ironiquement payer les exactions commises par les nazis. C’est grâce à la dent en or donnée par sa mère adoptive juive et cousue au fond de sa doublure, qu’il fut sauvé de la mort dans un camp de travaux forcés. Il ne put retrouver l’Allemagne qu’en 1948 et demeura jusqu’à sa mort, en 2011 à l’âge de 95 ans, frère de cœur du Juif qu’il avait sauvé. L’histoire figure au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem où Richard Abel reçut le titre de « Justes parmi les nations », la plus haute distinction honorifique délivrée par l’État d’Israël et décernée à plus de vingt mille personnes depuis 1953.

Autres traces, Habib Tengour (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 03 Février 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Autres traces, Habib Tengour, éditions Non Lieu, juillet 2024, 110 pages, 12 €

 

Le passé ?

Avec les derniers poèmes qu’Habib Tengour publie chez l’éditeur parisien Non Lieu, nous sommes très vite au sein de la question du temps. Le temps est-il progressif ? Est-ce le souvenir qui agit le plus profondément en soi ? En tout cas, Habib Tengour se penche sur ses souvenirs et sur ce qu’est devenue l’Algérie après les « années noires ». Car il y a cendre, il y a destruction, il y a patrie se confondant à l’exil, il y a des morts et des vivants. J’ai pensé à cette belle phrase de Kerouac, que je cite de mémoire : comme deux pieds de neige sur le plancher, qui pourrait devenir ainsi : deux pieds de sable sur l’âme de l’Algérie. L’on voit nettement que tout cela est fragile (tout autant que des traces de neige ou des traces d’erg).