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Roman

Le Rouge et Laure, Galien Sarde (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 21 Mai 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le Rouge et Laure, Galien Sarde, Éditons Fables Fertiles, février 2025, 230 pages, 18,60 €

 

« Non loin, tout près, l’orage grondait dans l’air toujours plus électrique, un vent mauvais venait de la mer, morne et houleuse. Le ciel, désormais, était sombre, sombre et brumeux, chargé de pluie. Toutes les fenêtres étaient closes, à Lagord, les stores baissés, les machines à risque, débranchées. L’avis d’orage émis la veille par les médias avait grandement été suivi, le précédent ayant fait des dégâts. Assis dans la cuisine éclairée, survoltée, les enfants de Gaspard en entendaient grossir les signes, bientôt sur le point d’éclater. Leurs visages, semblables, étaient tristes, franchement émus, navrés par la mort de leur père ».

Le Rouge et Laure est un roman policier altier. La mort de Gaspard dans d’étranges conditions pousse un policier à lever, ou tenter de lever quelques voiles familiaux. Gaspard est riche, Laure sa compagne, qu’il devait épouser avant de subitement quitter la terre, dans sa maison de Lagord, trouble tous ceux qui la croisent, elle incarne la séduction et l’attirance volcanique.

Le Portrait de Jennie, Robert Nathan (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 20 Mai 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Joelle Losfeld

Le Portrait de Jennie, Robert Nathan, Editions Joëlle Losfeld, 2000, trad. anglais (USA) Germaine Delamain, 144 pages, 5,10 € Edition: Joelle Losfeld

 

Un passage de ce livre résume la quête, somme toute absolutiste, de son personnage principal : « N’existe-t-il peut-être qu’une seule âme entre toutes – entre toutes celles qui ont vécu, à travers les nouvelles générations, d’un bout du monde à l’autre – et qui doit nous aimer ou mourir ? Que nous devons aimer à notre tour, que nous devons espérer toute notre vie, aveuglément, avec nostalgie, jusqu’à la fin » (p.92).

Eben Adams est un peintre de vingt-huit ans, qui vit dans un profond dénuement. Nous sommes en 1938 : New York est une ville qui résiste durement au talent d’Eben. Celui-ci ne parvient pas à vendre les toiles qu’il compose et il s’interroge, les déceptions répétées le plongeant dans un très grand désarroi. La « faim » qu’il a de s’accomplir est, cependant, plus dévorante que la faim du corps elle-même ou que le froid. Un soir de cet hiver-là, revenant d’une journée à nouveau stérile, il erre dans ce qu’il appelle « le Mail », tout à fait déserté :

Tweet n°1 (classé) X, Guillaume Basquin (par Claire Fourier)

Ecrit par Claire Fourier , le Lundi, 19 Mai 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Tinbad

Tweet n°1 (classé) X, éditions Tinbad, 2025, 112 p., 16 euros . Ecrivain(s): Guillaume Basquin Edition: Tinbad

 

Guillaume Basquin est un bourreau du travail et un derviche tourneur. Un érudit et un danseur sur lignes. Il est sage et il est fou. C’est un virtuose de la réflexion et des mots. Où trouve-t-il donc le souffle dont il fait preuve ?

« Mon âme est une étrange usine. » Il y a du génie dans cet homme excentrique… qui recentre.

Tweet n°1, (classé) X, son dernier livre, se donne pour mission celle que Kafka intimait à l’écrivain : « Hacher en nous la mer gelée ». Basquin, effacé en public et défonçant plume en main, chauffe la température à fond, et la mer gelée bouillonne dans un tourbillon de phrases où cet homme singulier, ce « monsieur cent mille volts » et cependant très doux, ausculte le cœur de son époque. Ça roule et se déroule, ça tournoie, ça galope. Basquin, l’insurgé, le dissident, le mutin, le psychopompe à qui vous « donneriez le bon Dieu sans confession », examine et pose un regard implacable et sans pitié sur les grands traits de notre monde et de celui qui se profile.

À Contrevie (Contravida, 1994), Augusto Roa Bastos (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 14 Mai 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Seuil, En Vitrine, Cette semaine

À Contrevie (Contravida, 1994), Augusto Roa Bastos, Le Seuil, trad. espagnol (Paraguay), François Maspéro, 254 pages . Ecrivain(s): Augusto Roa Bastos Edition: Seuil

 

Le support de ce roman est un train de mort. Lent, bringuebalant, inquiétant, il porte en ses flancs le narrateur – l’auteur assurément – unique survivant d’un massacre lors d’une évasion de prisonniers politiques d’une prison. Survivant, dans ce roman, n’a de sens qu’ontologique. La survie est la condition humaine et, par définition, elle n’est que sursis. En compagnie de personnages étranges et inquiétants, le narrateur va. Où ? Il ne sait pas, au moins au départ. Loin, dans tous les cas, loin des lieux où on le traque.

Entre les scènes de son compartiment et ses rêves pendant ses endormissements, il est assailli par un flot de souvenirs qui déferle comme un torrent, portant avec lui une enfance erratique et des images obsessionnelles des parents, des amis d’alors, des cinglés qui peuplaient Manorá – petit village perdu au milieu de nulle part. La noirceur et la brutalité traversent ces évocations du passé adossées à l’histoire du pays soumis à toutes les exactions.

Mercurio, Philippe Mezescaze (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 14 Mai 2025. , dans Roman, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Mercure de France

Mercurio, Philippe Mezescaze, Mercure de France, avril 2025, 192 pages, 19 €

 

Mercurio, le personnage éponyme du dernier roman de Philippe Mezescaze, c’est Monsieur de Bougrelon. Je m’explique : dans le roman de Jean Lorrain publié en 1897 et chroniqué dans cette revue en octobre 2024, nous sommes à Amsterdam à une date indéterminée, une Amsterdam hivernale, puritaine et dévergondée à la fois. Le narrateur anonyme et son ami y font la connaissance d’un singulier compatriote, de souche normande comme eux, qui semble avoir pour préoccupation première, à travers ses discours et sa gestuelle, et en dépit de son allure décatie, d’imposer de soi et de son passé, de ses conquêtes, de sa relation de jadis avec Monsieur de Mortimer, son double embelli, une image fastueuse. Des doutes naissent sur la véracité des propos du « vieux fantoche », que l’épilogue confirmera : Monsieur de Bougrelon subsiste péniblement en tenant un humble rôle de violoniste dans un cabaret minable.