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Le Jour des corneilles, Jean-François Beauchemin (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 02 Mars 2021. , dans Québec, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Libretto

Le Jour des corneilles, Jean-François Beauchemin, 147 pages, 8,10 € Edition: Libretto

 

Il est fréquent de lire, sous la plume de critiques standardisés, « on ne sort pas de ce roman indemne ». Eh bien, pour une fois, nous allons le dire. Ce livre atteint auditivement, linguistiquement, lexicalement ! Et sa musique stupéfiante reste dans vos yeux et dans vos oreilles pour très longtemps. Plutôt que de vous expliquer pourquoi, voici comment Jean-François Beauchemin nous accueille dans son roman :

« Père avait formé de ses mains cette résidence rustique et tous ses accompagnements. Rien n’y manquait : depuis l’eau de pluie amassée dans la barrique pour nos bouillades et mes plongements, jusqu’à l’âtre pour la rissole du cuissot et l’échauffage de nos membres aux rudes temps des frimasseries. Il y avait aussi nos paillasses, la table, une paire de taboureaux, et puis l’alambic de l’officine, où père s’affairait à extraire, des branchottes et fruits du genièvre avoisinant, une eau-de-vie costaude et grandement combustible » (NDR : Le correcteur du traitement de texte utilisé pour rédiger cet article a souligné 7 mots dans la citation qui précède. Il aurait pu faire mieux !).

Hôzuki L’ombre du chardon, Aki Shimazaki (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mercredi, 23 Octobre 2019. , dans Québec, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Hôzuki L’ombre du chardon, Aki Shimazaki, juin 2019, 128 pages, 6,80 € Edition: Actes Sud

 

Madame Mitsuko et Madame Sato lient connaissance lors d’un achat de livres de philosophie. Leurs enfants respectifs vont sympathiser entre eux, suscitant un amical élan entre les deux femmes. L’intrigue se noue de vies secrètes en non-dits, épreuves féminines à l’appui dans ce monde de traditions ancestrales ayant cours, encore de nos jours parfois, au Japon. L’atmosphère est brillamment rendue à l’appui du décor et de cette littérature très efficace, clairsemée de références inhérentes à la forte tradition japonaise, telle ce « Miaï » (rencontre arrangée en vue d’un mariage) qui en dira long sur le vécu d’une des protagonistes, Madame Sato, secrète avec des intentions à rebondissements.

Outre d’être libraire en livres anciens fort recherchés (cette ambiance est particulièrement bien rendue), Madame Mitsuko exerce, en soirée, un second métier dans le « Yükaku » (quartier des prostituées). Les intrigues sont multiples, notamment pour ce qui concerne les enfants, Tarô et Hanako, lesquels communiquent via « Hiragana » (écriture syllabique japonaise, Tarô étant, lui, sourd de naissance).

Taqawan, Éric Plamondon (par Marc Ossorguine)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 27 Mars 2019. , dans Québec, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Quidam Editeur

Taqawan, janvier 2018, 208 pages, 20 € . Ecrivain(s): Éric Plamondon Edition: Quidam Editeur

« En langue mi’gmaq, on nomme taqawan un saumon qui revient dans sa rivière natale pour la première fois. Il passe de une à trois années en mer. (…) S’il a survécu à la gueule des phoques, aux dents des requins, aux gosiers des goélands, aux becs des cormorans, il retrouve sa rivière d’origine, après des milliers de kilomètres parcourus. On ignore toujours sur quel type de radar le saumon peut compter pour retrouver le lieu exact de sa naissance. Il se dirige peut-être à l’aide de la position du soleil et des étoiles. Sachant que le saumon a un odorat très développé, mille fois plus puissant que celui d’un chien, certains pensent qu’il retrouve sa route grâce à l’odeur des rivières ».

Le Canada et sa province francophone… cela nous paraît si plein de pittoresque et de nature que l’on s’en contenterait presque. On peut. Mais ce serait faire fi de la réalité et de l’histoire. L’accent n’empêche guère la violence. La violence qui peut être des plus terribles lorsqu’elle s’exerce, comme ailleurs, sur des minorités. Ici les indiens Mi’gmaq (dont le nom, aussi parfois écrit Micmac, n’a rien à voir avec l’expression française qui désigne une embrouille, même si côté embrouille ils en ont subi quelques-unes) et les « incidents » qui se produisirent en 1981 sur la réserve de Restigouche (devenue Listuguj depuis 1992) : des centaines de policiers pour saisir des filets et interdire la pêche aux indiens, alors que cela faisait partie de leur droits reconnus.

La langue oubliée de Dieu, Saïd Ghazal

Ecrit par Zoe Tisset , le Vendredi, 24 Février 2017. , dans Québec, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Moyen Orient

La langue oubliée de Dieu, Erick Bonnier Editions, janvier 2017, 232 pages, 20 € . Ecrivain(s): Saïd Ghazal

 

C’est un livre travaillé par la mémoire. Le lecteur comprend au fur et à mesure des mots et des phrases combien il peut être difficile de se souvenir comme d’oublier : « Wardé, ma grand-mère, avait la hantise de la mémoire disloquée, elle pratiquait le délire obsidional. J’étais l’entonnoir dans lequel son passé se déversait avec un amour mâtiné de haine ».

Aram est le descendant d’un peuple de confession syriaque parlant l’araméen, il est le dépositaire du cahier de son grand-père, personnage à la fois truculent, rempli d’une sincérité et d’un vouloir vivre hors du commun. « J’ai la langue mouillée par le ressac alphabétique d’un syriaque rouillé, d’un arabe trahi et d’un français adopté ».

Il faut qu’il traduise ce cahier, il n’a pas le choix, s’il veut enfin vivre avec lui-même. Rejeton d’une histoire d’amour et de meurtre, il vit avec une prostituée qu’il honnit, entre autre pour le rôle qu’elle a joué dans cette histoire qui le hante. « Didon, inconnue multiplicatrice de toutes coordonnées dans l’équation de mon existence. Ton émergence a fait chavirer l’opération d’addition simple de ma vie familiale et amicale ». Le style de l’auteur est flamboyant, il force l’admiration tant il est travaillé par une poésie du corps et des émotions :

Yamabuki, Aki Shimazaki

Ecrit par Stéphane Bret , le Samedi, 24 Mai 2014. , dans Québec, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Yamabuki, avril 2014, 144 pages, 13,80 € . Ecrivain(s): Aki Shimazaki Edition: Actes Sud

 

Zakuro Toda est une jeune femme japonaise, partisane de l’égalité entre les sexes, du libre choix de son futur époux. Elle est la nièce de Mme Aïko Toda qui va fêter bientôt son anniversaire de mariage avec Tsuyoshi Toda, rencontré il y a déjà quelques décennies.

Pour assurer son choix, elle décide de prendre conseil auprès de sa tante, femme mûre et expérimentée. En apprenant la future visite de sa nièce, Aïko Toda remonte le fil de ses propres souvenirs, de sa jeunesse dans le japon de l’après-guerre, marqué par l’occupation américaine, le sort des prisonniers de guerre japonais détenus en Sibérie, et dont on ne sait s’ils sont toujours vivants ou exécutés. Elle se souvient des usages du Japon d’alors, de la bonne éducation que l’on doit acquérir pour trouver un mari. On y apprend qu’elle admire son époux, salarié d’un entreprise prestigieuse. Il voyage, se comporte comme un samouraï, sert les intérêts de son pays, contribue à sa restauration. L’auteure décrit les aspects de la vie quotidienne d’alors, le poids du miaï, sorte d’institution des mariages arrangés, qui pesait sur les destinées des Japonaises…