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Bandes Dessinées

Où es-tu ?, Bea Enríquez (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 20 Mars 2020. , dans Bandes Dessinées, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne, Arts, Cambourakis

Où es-tu ?, Bea Enríquez, janv. 2020, trad. espagnol, Laurence Jude, 224 pages, 22 € Edition: Cambourakis

 

Une nageuse

Bea Enríquez livre un album graphique en couleurs, titré Où es-tu ? – cri que l’on pousse lorsque l’on a perdu quelqu’un – une mère qui cherche son enfant, un enfant qui joue à cache-cache, ou si l’on aborde le domaine amoureux, un signe de désespoir. Les toutes premières pages commencent par des aquarelles de paysages à 45 degrés puis des plans rapprochés. Une courte histoire se dessine à partir de fragments d’enfance. Les personnages semblent créés au pastel gras car l’on peut y voir des effets de matière. L’eau est verdâtre, épaisse et assez invasive, eau d’une mare ou d’un lac, peuplée de faune et de flore. Les moments familiaux harmonieux alternent avec ceux du couple, plus houleux. Les extérieurs ainsi que les personnages sont réduits à un graphisme et à une expression élémentaires. Des vues en plongée permettent d’appréhender les situations et de se différencier de la protagoniste.

Deux manches et la Belle (Sans paroles, ni musique), Milt Gross (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 22 Novembre 2019. , dans Bandes Dessinées, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Table Ronde, Albums

Deux manches et la Belle (Sans paroles, ni musique), Milt Gross, La Table ronde, octobre 2019, 288 pages, 28,50 € Edition: La Table Ronde

 

Le silence est d’or

L’auteur de Deux manches et la Belle (He Done Her Wrong), Milt Gross, né dans le Bronx en 1895, décédé en 1953, précurseur du roman graphique américain, a utilisé le yinglish (mélange de yiddish et d’anglais parlé par les immigrants juifs), dans ses livres et ses bandes dessinées. Il fut également gagman pour Charlie Chaplin. Deux manches et la Belle, pour le coup, est un roman graphique composé sans un mot, sans un phylactère. L’histoire commence de nuit dans un speakeasy de campagne, dans lequel sont mélangés quelques trappeurs, des hobos et des filles délurées. L’héroïne, la jeune blonde sentimentale, une sorte de petite starlette, convoitée de tous les hommes, apparaît au milieu de rires gras et de désirs à peine dissimulés. Sa plastique impeccable est celle des jolies filles sauvées par Charlot de la déchéance ou de la misère, ou bien celle de vendeuses de fleurs que le vagabond courtise naïvement.

Jolie boxe, Alice Schneider, Luc Dagognet (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 17 Septembre 2019. , dans Bandes Dessinées, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Payot Rivages

Jolie boxe, Coll. Payot Graphic, mai 2019, 144 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Alice Schneider, Luc Dagognet Edition: Payot Rivages

 

 

Le cœur au combat

Alice Schneider, diplômée des Beaux-arts, et Luc Dagognet (dirigeant de Fabernol Stories) signent Jolie boxe, un album illustré de facture originale et indépendante. La figure du cœur revient de façon itérative dans les images de l’ouvrage. Des dessins d’anatomie dans lesquels courent les circuits de vaisseaux sanguins, de veines et de nerfs, succèdent à des gros plans de l’organe vital, coupé au niveau des artères, de morceaux de viande et de drôles d’excroissances, tel le long nez du Pinocchio pantin de bois. L’on pense à l’univers de l’américain Charles Burns, à ses créatures mutantes et dévastées progressivement par une curieuse hybridation. De plus, dans Jolie boxe, ça palpite et ça swingue au rythme des pulsations amoureuses ou érotiques.

Vous n’espériez quand même pas un CDD ? de Mathilde Ramadier

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 08 Juin 2018. , dans Bandes Dessinées, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Seuil

Vous n’espériez quand même pas un CDD ? mai 2018, 112 pages, 15 € . Ecrivain(s): Mathilde Ramadier Edition: Seuil

Jungle managériale

Ce roman graphique porte sur les entretiens d’embauche. Art se transforme en rat, une anagramme qui résume la critique du monde de la presse, de la publicité et de l’informatique. Le tutoiement, la blague facile accompagnent la fausse décontraction, cachant l’horreur du travail à la chaîne sous-payé.

Un langage déshumanisé et absurde sert de mot d’ordre et de mode d’emploi ainsi que des concepts très compliqués pour une visée bien banale, celle de vendre des produits de grande diffusion. Impersonnalité, agression et chantage deviennent le lot quotidien des préliminaires d’embauche. Une simple expertise se transforme en mission et les distributeurs de prospectus en prophètes. Il y a des références religieuses, en cours dans les sectes, des espèces d’initiation à la vente avec des scores à atteindre, des distributions de points pour les plus rentables et des blâmes pour les perdants (les moins compétitifs). Un encadrement drastique de supérieurs hiérarchiques dont on ignore la provenance et les compétences réelles rappelle l’école et son côté punitif, ou pire, les dérives totalitaires.

Lucy Psychiatre, Charles M. Schulz

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Vendredi, 11 Mai 2018. , dans Bandes Dessinées, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Rivages poche

Lucy Psychiatre, novembre 2017, 131 pages, 6,20 € . Ecrivain(s): Charles M. Schulz Edition: Rivages poche

A l’heure où certains s’interrogent sur la fin de la psychanalyse, cet héritage de Charles Schulz, Lucy Psychiatre, nous offre un petit voyage dans le temps, celui du début du consumérisme où la psychanalyse tentait de soigner les premiers symptômes de l’individualisme. L’univers des Peanuts est une cure de jouvence. Ces strips publiés dans des quotidiens américains évoquent avec ironie les prémices de la société postmoderne. Comme le souligne Umberto Eco dans la préface de La vie est un rêve, Charlie Brown, nous retrouvons dans les enfants des Peanuts toutes nos névroses. « Ils sont la monstrueuse réduction enfantine de toutes les névroses d’un citoyen moderne de la civilisation industrielle ».

Le personnage Charlie Brown cherche des modes d’emploi pour essayer de s’ôter son sentiment d’infériorité qui lui colle à la peau. Mais il n’arrive pas à atteindre son moi idéal. Il se sent souvent seul et a l’impression de subir « une espèce de grand 8 de l’affect ». Lucy, qui pourrait être une allégorie de la société moderne, le rejette avec pragmatisme et désinvolture. Comme si les émotions de Charlie n’étaient que de simples mauvaises interprétations à minimiser. Lucy est la caricature de l’antipoésie. C’est pour cette raison qu’elle ne peut comprendre Schroeder, un inconditionnel de Beethoven. L’art étant non rentable, Lucy ne peut comprendre la passion artistique. Sublimer ses névroses à travers l’art est un état qui lui est étranger.