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Cambourakis

 

Cambourakis est une maison d'édition française de bande dessinée et de littérature fondée par Frédéric Cambourakis en mars 2006 à Paris.

Le semeur de peste, Gesualdo Bufalino (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 31 Mai 2022. , dans Cambourakis, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie

Le semeur de peste, Gesualdo Bufalino (Diceria Dell’Untore, 1992), trad. italien Ludmilla Thévenaz, 205 pages, 10 € Edition: Cambourakis

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,

Et d’un grand crucifix décoré seulement,

Où la prière en pleurs s’exhale des ordures,

Et d’un rayon d’hiver traversé brusquement ;

 

(Baudelaire. Les phares)

 

Clairement, ce roman plonge ses sources dans un moment essentiel de la vie de son auteur. En 1943, Bufalino fut capturé par les Allemands, réussit à s’évader, et contracta quelque temps plus tard, en 1946, une grave tuberculose qui le conduisit dans un sanatorium près de Palerme. C’est cet épisode terrible, l’enfermement médical qui constitue le cadre de roman, sa source, son inspiration.

La Fille de l’optimiste, Eudora Welty (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 19 Octobre 2021. , dans Cambourakis, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

La Fille de l’optimiste (The Optimist’s Daughter, 1972) Eudora Welty, trad. américain, Louise Servicen, 178 pages, 20 €

On reconnaîtrait le style d’Eudora Welty entre mille. La linéarité de ses phrases n’est qu’apparente et cache des collisions, des suites improbables, parfois même une logique narrative déroutante, faisant bifurquer des phrases d’un propos à un autre sans prévenir. Ce qui est sûr est que Welty est une Sudiste authentique. On retrouve dans ce roman son goût immodéré pour les scènes de vie archétypiques du monde du Delta, son enracinement dans le territoire et les fleuves, l’extravagance des personnages.

Et en matière d’extravagant(e)s, on peut dire que ce roman en déborde. Le vieux juge McKelva est mort et, autour de l’événement, toute une troupe de gens va s’agiter, s’époumoner, pleurer, rire, dans un vacarme étonnant et burlesque. On a en mémoire les inoubliables funérailles d’Addie Brunden de Faulkner, on peut y ajouter le tonitruante veillée funèbre autour du juge McKelva de Welty. Le cercueil exposé devient l’axe autour duquel vont se présenter des personnages hauts en couleur, sorte de défilé sudiste où l’on retrouve tant d’archétypes de la littérature du pays : le paysan obtus, les bourgeoises créoles, les parvenus infatués, les autorités stupides, etc. Mais la scène, et le roman entier, sont dominés par deux femmes.

Les Sept fous, Roberto Arlt (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 15 Juin 2021. , dans Cambourakis, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman

Les Sept fous (Los Siete locos, 1929), trad. espagnol (Argentine), Isabelle et Antoine Berman, 391 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Roberto Arlt Edition: Cambourakis

A la fin de ce roman, Roberto Arlt localise et date son écrit après le dernier mot : « Buenos Aires le 15 septembre 1929 ». On a carrément du mal à y croire – à la date bien sûr – tant la modernité déferlante de ce livre est époustouflante. C’est un séisme littéraire, une rupture radicale avec le classicisme et le naturalisme ancrés dans la littérature argentine depuis Almafuerte et Cambaceres. Arlt introduit, de manière tonitruante, le réalisme fantastique dont on sait le prodigieux destin qu’il aura avec Borges, Bioy, Casarès, et d’autres. Il introduit le burlesque et le baroque dont on sait aussi la brillante destinée littéraire dans toute l’Amérique du sud.

Erdosain est peut-être fou. Sans doute même. Mais quand on sait la galerie de personnages qu’il va croiser dans ce roman, on peut sans hésitation dire que ce fou est (presque ?) le moins fou des sept. Dans sa quête des 600 pesos et 7 centimes qui doivent lui permettre de rembourser la somme qu’il a volée à son entreprise et d’éviter ainsi la prison, Erdosain va connaître un itinéraire balisé de personnages hallucinés, de fous furieux, d’excentriques inouïs, d’idéologues possédés qui vont, peu à peu, le rendre plus fou qu’il ne l’était au départ. Ce roman est une éruption volcanique et une irruption irrésistible d’une langue bouillonnante, qui mêle le savant et le populaire, l’intelligence et la trivialité.

Les Pieds nus de lumière, Kenji Miyazawa (par Fawaz Hussain)

Ecrit par Fawaz Hussain , le Mardi, 15 Juin 2021. , dans Cambourakis, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Japon

Les Pieds nus de lumière, Kenji Miyazawa, février 2020, trad. japonais, Hélène Morita, 237 pages, 10 € Edition: Cambourakis

 

L’existence et l’œuvre de Kenji Miyazawa semblent profondément marquées par la situation géologique du Japon et les catastrophes naturelles qui secouent fréquemment son archipel. Il est vrai que l’écrivain est né en 1896, l’année du tsunami de Meiji Sanriku, qui a fait environ 22.000 victimes, et il est mort en 1933, l’année du tsunami de Showa Sanriku, au lourd bilan (3000 morts et disparus). Devenir ingénieur agronome est une orientation qui s’est imposée à Kenji Miyazawa, du fait sans doute de cette nature nipponne, que signalent autant ses violences destructrices que son envoûtante et mystérieuse beauté. Quant à la paix intérieure qui imprègne l’ensemble de l’œuvre, elle relève de la profonde adhésion de l’auteur à la pensée bouddhiste : « Celui qui est le maître de lui-même est plus grand que celui qui est le maître du monde », et aussi : « Il n’existe rien de constant si ce n’est le changement ».

Sara ou l’émancipation, Carl Jonas Love Almqvist (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 02 Avril 2020. , dans Cambourakis, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman

Sara ou l’émancipation, Carl Jonas Love Almqvist, février 2020, trad. (collective) suédois, Elena Balzamo, 127 pages, 16 € Edition: Cambourakis

Savoir qu’ils n’auront jamais lu tous les livres, même quand la chair sera devenue triste, chagrine incessamment celles et ceux que possède la passion de la lecture. Ce qui adoucit l’amertume de cette angoisse permanente est la découverte aléatoire de merveilles littéraires et la certitude de tomber ici et là, au hasard des promenades solitaires dans la jungle des textes parus et à paraître, sur un trésor dont ils ignoraient l’existence.

Je n’avais, je l’avoue sans honte, jamais entendu parler de Carl Jonas Love Almqvist… C’est donc sans a priori, bien qu’ayant été séduit par la beauté de la jeune femme dont le portrait figure en couverture, que j’ai entrepris la lecture de Sara ou l’émancipation.

Albert, sergent suédois, dès le départ du bateau sur lequel il a embarqué au départ de Stockholm, est attiré par le comportement singulier d’une jeune femme dont il apprendra rapidement qu’elle se nomme Sara Videbeck et qu’elle voyage seule, installée sur le pont avant avec ses bagages, ce qui, au début du XIXe siècle dans le pays au protestantisme puritain qu’est alors la Suède, est inhabituel et peu conforme à la norme sociétale.