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Roman

Voyage au Karabakh, Aka Mortchiladze (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 05 Mai 2025. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Pays de l'Est, Editions Noir sur Blanc

Voyage au Karabakh, Aka Mortchiladze, Editions Noir sur Blanc, mars 2025, trad. géorgien, Alexander Bainbridge, Khatourna Kapanadzé, 198 pages, 22 € Edition: Editions Noir sur Blanc

 

« Chez les gens, l’agressivité vient d’un vide intérieur, de leur ignorance, de leur arrogance ». Cette phrase est extraite de l’introduction à la deuxième édition, la présente, du voyage au Karabakh écrite par l’auteur, sachant que la première édition, en Géorgie, date de 2017. Elle résume bien le propos du roman qui met en scène un narrateur, Gio, agressif envers tous ceux, ou presque, qui l’entourent, son père y compris comme sa ville, Tbilissi, et les amis plus ou moins proches.

Nous sommes en 1992, à Tbilissi, en Géorgie, l’empire soviétique s’est effondré, et la capitale géorgienne a été le théâtre de très violents affrontements quand des groupes paramilitaires ont mis leurs forces en commun pour renverser le président Gamsakhourdia.

Gio, le narrateur, et son ami Gogliko sont perclus d’ennui. Lorsqu’ils se rendent dans un squat de la capitale où demeurent des jeunes filles, Gogliko veut profiter de la fatigue de l’une d’elles mais Gio va l’en empêcher, voyant bien que la jeune fille est peu encline à satisfaire Gogliko. Ce sont de jeunes hommes désœuvrés, qui de leur vie oisive ne savent pas quoi faire.

L’accordeur de silences (Jerusalém), Mia Couto (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 30 Avril 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Métailié, En Vitrine, Cette semaine

L’accordeur de silences (Jerusalém), Mia Couto, Métailié Suites, 2013, trad. portugais (Mozambique), Elisabeth Monteiro Rodrigues, 236 pages, 10 € . Ecrivain(s): Mia Couto Edition: Métailié

Ce livre est d’abord le roman d’un lieu. D’un non-lieu plutôt, un trou hors du monde, un anti-espace suspendu nulle part. Jérusalem. Le nom dans son étymologie première : la Fondation. Ici, Dieu n’est pas le Grand Architecte, c’est Silvestre Vitalicio, c’est-à-dire, à peu près, la même chose. C’est le Jérusalem, dit Silvestre, où Jésus devrait se décrucifier. Et point final. Il a quitté le monde pour des raisons obscures, pour rejoindre l’autre côté dit-il, accompagné de ses fils, de son frère, d’un soldat, d’une ânesse nommée Jezibela. Plus qu’un désert, un rien, un manque, un tore dont les bords sont introuvables.

En écho, ces vers en épigraphe du premier chapitre.

J’écoute mais ne sais

Si ce que j’entends est silence

Ou Dieu (Sophia de Mello Breyner Andresen).

Un adolescent amoureux, Robin Josserand (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 30 Avril 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Mercure de France

Un adolescent amoureux, Robin Josserand, Mercure de France, mai 2024, 151 pages, 17 € Edition: Mercure de France

Robin Josserand a fait des débuts remarqués (et remarquables) en littérature avec la publication, en 2023, et déjà au Mercure de France, de son premier roman, Prélude à son absence, chroniqué ici-même. Son deuxième livre, Un adolescent amoureux, séduira les lecteurs qui avaient apprécié le précédent. Quant à ceux qui étaient restés un peu sur leur faim, ils seront, je l’espère, davantage conquis.

L’ouverture, bovaryenne, subvertit le schéma flaubertien. Je veux dire que le Narrateur raconte l’entrée dans sa classe (de terminale en l’occurrence) d’un nouvel élève : « Lors du premier cours, le garçon arrive en retard et s’installe au dernier rang en faisant crisser sa chaise sur le carrelage ». Mais pas de « Proviseur » devant qui chacun se lève dans ce récit dont l’action se situe, suppose-t-on, dans la première décennie du vingt et unième siècle. Pas d’« habit-veste de drap vert à boutons noirs » mais « une chemise à carreaux rouges déchirée au niveau du coude ». Et nulle gêne du jeune homme face à son professeur et ses camarades ni de fous rires à l’écoute de son nom (« Charbovari ! Charbovari ! ») puisqu’on apprend, une dizaine de lignes plus loin (nous sommes toujours dans le paragraphe introductif, p.13), qu’il « se roule une cigarette à la vue de tous ».

Pas de larmes, Caroline Tiné (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 29 Avril 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Pas de larmes, Caroline Tiné, Albin Michel, mars 2025, 288 pages, 20,90 € Edition: Albin Michel

 

« Le dernier chant au Père, qui n’écoutait jamais de musique, serait cet hymne magnifique au martyre de Jésus. Victoire est songeuse, elle n’a jamais été initiée à l’art, la culture ou la musique par le Père. Comme si la guerre d’Algérie avait occulté tout autre centre d’intérêt. Mais elle avait pris l’habitude d’aller errer au Louvre pour s’imprégner d’une infinie beauté ».

Pas de larmes est le roman d’un père, le Père disparu et donc retrouvé, sa stature, son élégance, ses mots, son histoire tumultueuse, irriguent ce roman, qui est aussi celui d’une terre aimée, qu’il a fallu quitter : l’Algérie. Ce roman est aussi l’histoire de Victoire, la fille aînée et préférée du Père, qui sera chargée de ramener ses cendres sur cette terre, qu’il a tant aimée. Pas de larmes nous conduit ainsi sur les traces d’une famille, dont le destin s’est étiré, jusqu’à casser, une famille éloignée de la guerre, qui va submerger l’Algérie, et l’irriguer de nostalgie.

Derborence, Charles-Ferdinand Ramuz (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 09 Avril 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset, En Vitrine, Cette semaine

Derborence, Charles-Ferdinand Ramuz, Les Cahiers rouges Grasset, 180 pages, 7,95 € . Ecrivain(s): Charles Ferdinand Ramuz Edition: Grasset

 

C’est la montagne qui est tombée.

Et c’est l’ordre du monde, extérieur et intérieur, qui est changé à jamais. Les géologues diront que cent cinquante millions de pieds cubes se sont détachés de la montagne pour s’effondrer sur Derborence. Mais ça, ce ne sont que des pierres qui tombent, une force prodigieuse qui écrase tout ce qui entrave sa course, un phénomène physique obéissant à la loi de la gravitation universelle. Ça tue, enferme, mutile mais ce n’est pas le pire. Le pire est malédiction, réveil des forces du Mal. Ramuz nous a déjà entretenu du Mal tapi dans la montagne avec sa Grande Peur. Il est encore là, Lui, le Diable sûrement. Celui qui tue et enferme les âmes pour les condamner à la souffrance éternelle.