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Voyage au Karabakh, Aka Mortchiladze (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian 05.05.25 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Pays de l'Est, Roman, Editions Noir sur Blanc

Voyage au Karabakh, Aka Mortchiladze, Editions Noir sur Blanc, mars 2025, trad. géorgien, Alexander Bainbridge, Khatourna Kapanadzé, 198 pages, 22 €

Edition: Editions Noir sur Blanc

Voyage au Karabakh, Aka Mortchiladze (par Guy Donikian)

 

« Chez les gens, l’agressivité vient d’un vide intérieur, de leur ignorance, de leur arrogance ». Cette phrase est extraite de l’introduction à la deuxième édition, la présente, du voyage au Karabakh écrite par l’auteur, sachant que la première édition, en Géorgie, date de 2017. Elle résume bien le propos du roman qui met en scène un narrateur, Gio, agressif envers tous ceux, ou presque, qui l’entourent, son père y compris comme sa ville, Tbilissi, et les amis plus ou moins proches.

Nous sommes en 1992, à Tbilissi, en Géorgie, l’empire soviétique s’est effondré, et la capitale géorgienne a été le théâtre de très violents affrontements quand des groupes paramilitaires ont mis leurs forces en commun pour renverser le président Gamsakhourdia.

Gio, le narrateur, et son ami Gogliko sont perclus d’ennui. Lorsqu’ils se rendent dans un squat de la capitale où demeurent des jeunes filles, Gogliko veut profiter de la fatigue de l’une d’elles mais Gio va l’en empêcher, voyant bien que la jeune fille est peu encline à satisfaire Gogliko. Ce sont de jeunes hommes désœuvrés, qui de leur vie oisive ne savent pas quoi faire.

Une occasion va se présenter quand on leur demande de se rendre en Azerbaïdjan acheter et ramener de la drogue. On leur donne un paquet d’argent pour régler le deal, et les voilà partis en voiture. Ce voyage ne sera pas une sinécure comme ils l’espéraient, et pour Gio, le narrateur, ce sera l’occasion de tourner une page douloureuse : la prostituée dont il s’était entiché était enceinte, et le père de Gio a tout fait, c’est-à-dire payer, pour que cet enfant ne vienne jamais au monde… Elle s’appelait Iana, et il ne la revit pas, ce que son père voulait.

« Alors on est partis.

On est partis vers les pays chauds comme le dit Gogliko. Il faisait assez froid à Tbilissi ce matin-là, et c’est sans doute pour ça qu’il était de sale humeur. Mais en même temps, il avait de bonnes raisons pour se sentir super heureux ce jour-là. On avait une sacrée route à faire, avec l’argent de quelqu’un d’autre en poche, et on devait ramener des marchandises un peu spéciales ».

Mais rien ne s’est passé comme prévu. Le contact qu’ils avaient en Azerbaïdjan était introuvable, et au détour d’un chemin sur lequel ils s’étaient perdus un 4x4 les a arrêtés. Des soldats azéris en sortirent et ils apprirent alors où ils étaient : en pleine zone de guerre. Parce que, et ils l’ignoraient, c’était la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie.

« A un moment, j’ai commencé à flipper, parce que j’ai pensé qu’ils nous emmenaient dans un endroit où il y aurait des combats, mais le type m’a rassuré. Il m’a dit qu’il n’y en avait pas, là où on allait, que c’était loin derrière les lignes, à l’arrière-garde, et que leur quotidien c’était plutôt d’attraper des Arméniens et de les échanger contre une paire de bottes (c’est vraiment ce qu’il a dit) et que sinon c’était calme ».

Gio et Gogliko seront alors retenus, dans une pièce où un autre détenu était emprisonné. Mais un soir, des coups de feu sont échangés, le poste azéri est attaqué par des Arméniens qui vont délivrer le détenu et Gio. Les circonstances vont faire que Gogliko ne sera pas emmené par les Arméniens, les deux compères vont être séparés, et Gio va alors vivre chez les Arméniens une captivité « douce », puisqu’il ne sera pas enfermé en cellule. Là, il va rencontrer un artiste-peintre avec qui les conversations seront nombreuses, tout comme avec les autres combattants arméniens…

En « captivité », Gio va devoir faire face à lui-même, se posant alors des questions sur la liberté, sur l’art aussi, des questions qu’il n’aurait pas imaginé pouvoir se poser dans sa vie à Tbilissi. C’est une maturité à laquelle il accède, par étapes successives, et qui va évidemment le transformer.

Cet ouvrage n’est pas un texte sur la guerre, mais une réflexion sur la bêtise, l’agressivité liées à l’inculture, et la traduction rythmée sert bien le propos de l’auteur.

 

Guy Donikian

 

Aka Mortchiladze est un écrivain géorgien de référence. Il a publié plus de 20 romans, traduits dans 15 pays. Il vit aujourd’hui à Londres.



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