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Roman

Le bastion des larmes, Abdellah Taïa (par Abdelmajid Baroudi)

Ecrit par Abdelmajid Baroudi , le Mardi, 14 Octobre 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Maghreb, Julliard

Le bastion des larmes, Abdellah Taïa Editions Julliard, Paris 2024 . Ecrivain(s): Abdellah Taïa Edition: Julliard

 

Le bastion des larmes est une vengeance. L’auteur remue la plume dans la plaie afin de se venger d’une souffrance dont le corps est le seul témoin. Comment oublier ce que la chair a subi ? La cicatrice est indélébile.  Se venger, c’est acheter le silence de la doxa. Donne-leur de l’argent, tu vas sûrement éviter leurs médisances. C’est donc le matériel qui détermine leur conscience, le reste n’est que pure hypocrisie. Qui a dit que la justice est faite pour les faibles ?  Nous ne sommes pas toutes et tous égaux devant la loi, car être homosexuel dans une société où la religion et le pouvoir politiques sont complices est anormal et contre-nature. La liberté individuelle, vous dites ? Allez vendre ce discours aux mécréants. Seules les sœurs comprennent ce que veut dire efféminé.

Dans Le bastion des larmes, les narrations s’écrivent en larmes.  Des larmes qui font mal au défunt. Plus on pleure, plus le corps brûle dans l’au-delà. Et puis, il y a des larmes qui réparent. Elles confirment le lien sacré avec celle qu’on aime, en l’occurrence la mère.

Vies arides, Graciliano Ramos (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 08 Octobre 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, En Vitrine, Cette semaine

Vies arides, Graciliano Ramos (Vidas Secas, 1938), traduit du portugais (Brésil) par Mathieu Dosse, Chandeigne & Lima, 2025. 163 p.

 

Ce livre est sec comme une trique, comme un buisson desséché du Sertão. Rarement écriture n’a atteint un tel degré d’économie, une épure aussi proche de l’étisie, à l’image du territoire et des personnages qu’elle raconte. L’adjectif est rare, la fioriture absente, seule s’élève une voix simple, rauque, ravagée par la chaleur et la sécheresse. Un joyau noirci par un soleil létal. Un chant omineux sans consolation.

Étrangement, ce roman âpre fait penser à Essénine et sa Ravine, ode au désert glacial où vivent des malheureux paysans russes de la Taïga. On retrouve, dans la chaleur étouffante du Nordeste brésilien, la même Nature impitoyable qui frappe les hommes, les fait ployer, les écrase. On pense aussi, bien sûr, au chef-d’œuvre d’Euclides da Cunha, Hautes Terres, au prodigieux roman de João Guimarães Rosa, Diadorim et au magnifique Le Llano en flammes de Juan Rulfo.

Le château des insensés, Paola Pigani (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Mardi, 07 Octobre 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Liana Levi

Le château des insensés, Paola Pagani, éd Liana Levi 286 pp. 21 € Edition: Editions Liana Levi

Psychiatrie contre psychiatrie

 

Saint-Alban-sur-Limagnole. 1940/1944.

La Margeride.

Voit-on ce plateau cogné d’air et de nuées et les blocs de cailloux ronds qui ressemblent à des têtes qui auraient roulé d’en haut des monts pour se caler contre une souche ou contre rien ? Contre-poids aux vents secs et glacés qui roulent aussi, contre les joues des femmes et des hommes, s’il en reste.

Voit-on cela ?

Voit-d’où l’on parle ? De qui ?

Quel livre ? Le château des insensés de Paola Pigani, chez Liana Levi, publié en mars 2024.

C’est de ce livre dont on parle, de ces insensés en question, les malades, c’est-à-dire à demi nous, aux trois-quarts nous, bref, nous !

Finistère, Anne Berest (par Alix Lerman Enriquez)

Ecrit par Alix Lerman Enriquez , le Lundi, 06 Octobre 2025. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Albin Michel

Finistère, Anne Berest, Albin Michel 2025, 432 p. 23,90 € Edition: Albin Michel

 

On se souvient du roman très remarqué d'Anne Berest La carte postale qui retraçait l'histoire de sa famille maternelle déportée dans les camps de concentration. Avec Finistère, l’écrivaine signe un très beau roman également :  Un livre très attachant sur sa famille paternelle bretonne où se mêlent la description de paysages à la beauté sauvage et accidentée du Finistère et la biographie de son père Pierre Berest, célèbre physicien, et dont elle vient d'apprendre la grave maladie.

L’histoire commence avec le grand-père de son père Eugène et raconte l’ascension sociale d’une famille bretonne mais également les idéaux de jeunesse paternels qui font de ce personnage un être complexe et attendrissant.

La richesse et l’originalité de de cette biographie proviennent de ces allers-retours incessants entre le passé de ce père mystérieux et révolutionnaire et la maladie présente de ce père désormais affaibli :

Crime et Châtiment, Fiodor Dostoïevski (par Mona)

Ecrit par Mona , le Vendredi, 03 Octobre 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Actes Sud, En Vitrine, Cette semaine

Crime et Châtiment, Fiodor Dostoïevski, traduit par André Markowicz, Editions Actes Sud . Ecrivain(s): Fédor Dostoïevski Edition: Actes Sud

 

Lire Crime et Châtiment aujourd’hui

 

Le sang qui coule de la hache de Raskolnikov préfigure « la mort de l’homme » et Dostoïevski apparaît prophète des totalitarismes à venir. Le héros (ou antihéros) de Crime et Châtiment, étudiant misanthrope aux « idées mal digérées », icône de la radicalité, offre une cruelle résonnance à notre époque qui voit l’essor des partis extrémistes, la remontée des intégrismes et la remise en cause de l’universalisme des Lumières. A rebours des utopies prométhéennes qui sonnent le glas de l’humanisme, ce grand roman exalte l’homme.

L’écrivain conte « une affaire fantastique, sombre, une affaire contemporaine, un cas de notre temps à nous, quand le cœur de l'homme s’est perdu dans le brouillard ».