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Les Chroniques

La puissance de l’âme, Sortir vivant des émotions, Bertrand Vergely (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 15 Novembre 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

La puissance de l’âme, Sortir vivant des émotions, Bertrand Vergely, Guy Trédaniel éditeur, septembre 2023, 240 pages, 18 €

 

Un mot sur l’idée même d’âme, avant d’aborder ce livre passionné et remarquable – qui change celle ou celui qui voudra bien s’y aventurer !

L’âme, avant d’être une notion religieuse (à savoir : ce qui donne d’être à une créature et en demeure le signe en elle), est moins un principe mystérieux que le nom (psyché, anima, soul, Seele…) qu’on donne à la différence de nature, encore mystérieuse, elle, entre un être vivant et un existant inerte. Ce qui distingue une fourmi d’un cristal, c’est que l’existence de la première est vivante, celle du second, non. L’âme est le nom qu’on donne à cette différence que la vie introduit dans l’existence en général. C’est une différence qu’on n’explique pas, mais qu’on peut décrire, ou caractériser assez bien : exister, c’est advenir dans le monde en y étant effectué (en étant permis par des causes qui produisent cette « venue » réelle dans l’espace et le temps). Pour tout être existant, est effectuée sa venue au monde, est déterminée son appartenance à la réalité.

Étrangère, Brankica Radić (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 14 Novembre 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Pays de l'Est, Poésie

Étrangère, Brankica Radić, éditions L’Ollave, Domaine Croate/Poésie, septembre 2023, trad. croate, Vanda Mikšić, 60 pages, 16 €

 

 

Écriture claire

La partie la plus évidente du recueil de Brankica Radić tourne autour de la question du territoire, du pays, des pays, des voyages, des routes, des villes. Et cette poésie ne cesse de cerner un territoire sans territoire – une nation coupée du territoire de l’ex-Yougoslavie (en 1991, la Croatie ainsi que la Slovénie ont déclaré leur indépendance, devenant ainsi deux états souverains) –, dans une langue sèche et presque ascétique, une langue claire. L’on voit quand même où réside la poétesse au pays de la poésie pour combattre l’exil. Cette présence verbale de la langue maternelle souligne son étrangeté justement par la coalescence des voyages et des villes.

Mes anticorps, Jean-Pierre Otte (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 08 Novembre 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Mes anticorps, Jean-Pierre Otte, éditions Le Temps qu’il fait, octobre 2023, avant-propos de Manuel Schmitz, 168 pages, 20 €

La fortune sourit aux audacieux, et le hasard aux curieux. Audacieux, Otte l’est naturellement. « L’âme serait-elle le bénéfice immatériel de l’audace ? », demande-t-il benoîtement, et c’est oui pour lui : ses excès de confiance réussis sont son capital spirituel. L’audace part vérifier dangereusement ce qu’elle a pensé possible, et cet auteur est cela même : avide de dangers, osant avancer, et ne décidant du bien et du mal qu’à l’intérieur du courage, jamais avant.

« Curieux », le mot est faible. Jean-Pierre Otte pousse (explicitement) plus loin le fameux mot de Pasteur (« Le hasard favorise les esprits préparés ») en un : prépare-toi, et le hasard te voudra du bien. Ne savoir que ce qu’on ne veut pas ne requiert aucune curiosité, mais « savoir inventer ce qu’on veut » (p.66), si : c’est un virtuose, non seulement de l’art de deviner les arcanes, mais de celui de renaître. Il semble y avoir de l’arrogance à estimer que « celui qui n’est pas en train de naître est occupé à mourir » (p.66), mais l’esprit humain ne choisit pas de devoir assumer tous les mystères, puisqu’il est le premier d’entre eux. L’activisme spirituel nous est un devoir, car il y a « nécessité pour nous de prendre présence dans le présent » (p.127), nécessité vitale, invitation indéclinable.

Florbelle, Jacques Cauda (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 07 Novembre 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Florbelle, Jacques Cauda, éditions Tinbad, Coll. Roman, octobre 2023, 96 pages, 17 €

Trois raisons incitent Jacques Cauda à être ici plus que jamais Sadien : trois raisons reliées à trois lieux : Vincennes, Saint-Germain et l’Atelier de Cauda Paris XXe. Le livre de Sade que Jacques Cauda recrée ici, après que le fils irrévérencieux du marquis l’a jeté au feu et d’après les reliques de l’œuvre laissées par les notes, ne nous arrive ni n’est survenu par hasard dans la vie de l’auteur. On connaît en effet l’intérêt fidèle de Cauda pour Sade.

En outre, trois signes manifestent que ces deux-là, Sade & Cauda, n’auraient pas pu ne jamais se rencontrer malgré la distanciation chronologique. Premièrement, Cauda est né non loin du zoo de Vincennes où l’auteur des Cent Jours de Sodome et des Crimes de l’amour fut emprisonné en 1794, dans le donjon du château alors prison d’État. Deuxièmement, un même patronyme relie les deux hommes, celui de « Saint-Germain », nom natif de notre peintre contemporain surfiguratif et nom de la précieuse amie du marquis. Troisièmement, l’atelier du peintrécrivain Jacques Cauda « se situe à l’emplacement d’une ancienne propriété de la famille de Sade ». Trois signes donc : Vincennes, Saint-Germain et l’Atelier Cauda situé dans l’ex-village de Charonne si riche de faits historiques brûlants surtout durant la Commune.

Ainsi parlait James Joyce (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Novembre 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Ainsi parlait, James Joyce, éditions Arfuyen, septembre 2023, trad. anglais, Mathieu Jung, 192 pages, 14 €

 

Définir l’artiste

De manière très générale, j’ai retenu de cette suite de Dits et de maximes de vie de James Joyce une réflexion pertinente sur l’artiste – car je fais pour ce qui me concerne une différence entre « homme de lettres » et « artiste », aimant surtout chercher l’art dans la littérature. Et cette définition sur laquelle revient souvent Joyce, l’a visiblement hanté toute sa vie. Et cela, par un effort violent pour rendre son inquiétude profonde, au sujet de son étantité, de sa foi pour continuer à écrire dans l’opiniâtreté d’un découvreur de formes. Ainsi Joyce considère le texte comme une expérience. Expérience soutenue chapitre après chapitre, strophe après strophe, phrase après phrase, mot après mot, l’œuvre devant être supérieure à l’être ; et cette perfection est stupeur.

La poésie, même lorsqu’elle est apparemment la plus fantasque, est toujours une révolte contre l’artifice, une révolte, en un sens, contre ce qui est.