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Gallmeister

Fondées en 2005, les éditions indépendantes Gallmeister sont spécialisées dans la publication de livres relevant du genre Nature writing.

Oliver Gallmeister, ancien directeur financier chez Hachette, est passionné par la littérature américaine, les grands espaces et les polars. Après avoir eu entre les mains leTraité du zen et l'art de la pêche à la mouche de John Glerach qui raconte sa vie bucolique dans le Colorado, il décide de faire connaître le « nature writing » en éditant et traduisant tous ces auteurs américains méconnus en France et fonde sa propre maison en 2005. SARL au capital de 30 000 euros ; la maison d’édition est modeste, il n’y a ni bureaux, ni personnels. Oliver Gallmeister travaille avec Laurent Beccaria (directeur des éditions Les Arènes depuis 1997) et fait très attention à rester une microstructure, en effet pour lui le principal écueil d’une jeune maison d’édition serait d’ « essayer d’être Gallimard tout de suite » . La première année il a publié six livres, aujourd’hui il en est à neuf parutions par an et 5 000 exemplaires vendus en moyenne par titre. Son plus gros succès, « Sukkwan Island » d'Island de David Van publié en 2010 et prix médicis 2010 du roman étranger, compte plus de 58 000 exemplaires vendus alors que ses meilleures ventes montaient jusqu’alors à 15 000, Le gang de la clef à molette d’Edward Abbeypublié en 1975. Soutenu par le CDE(son diffuseur), la presse et les libraires, le chiffre d’affaires de l’entreprise s’élevait à 539 999 euros en 2009.


Betty, Tiffany McDaniel (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 15 Septembre 2023. , dans Gallmeister, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, USA, Roman

Betty, Tiffany McDaniel, éditions Gallmeister, 2020, trad. américain, François Happe, 480 pages

 

J’ai volontairement laissé le livre derrière moi. Pour ne pas être tentée de le citer, par passages. Pour le plaisir de la décantation. J’ai repensé aux toiles d’Anselm Kiefer qui vivent à l’extérieur, des jours, des mois, des années sans que le peintre ne les retouche. Afin que toute chose du monde s’y dépose. Pour l’empreinte et l’altération. Ou l’innocence corrodée.

Le livre est resté aux Samoa américaines. Sur l’île de Tutuila où je suis restée trente jours. Et je n’ai pris aucune note. J’ai voulu me souvenir. Page après page. Du visage de Betty. Comme celui de chaque femme et de chaque homme, aux Samoa, qui ont placé entre mes mains un fragment de leur île. J’ai songé à Betty, à son enfance relatée, ses pages d’écriture. À tout ce que l’on enfouit, ce que l’on apprend et qu’un voyage désapprend. Ou confirme. Le début. La fin. Trop précipité ou trop autoritaire.

A propos de Wilderness, Lance Weller (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 22 Juin 2023. , dans Gallmeister, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, USA, Roman

Wilderness, Lance Weller, éd. Gallmeister, 2017, trad. américain François Happe, 346 pages, 10 €

 

De l’endroit où l’auteur écrit. Ou depuis lequel lire un livre. Sans doute cela modifie-t-il la lecture. L’impression. Créer une expérience de lecture. J’ai souhaité lire Wilderness sur l’île d’Hawaï, qu’ici, aux États-Unis, nous appelons Big Island. Big Island, tout simplement parce que c’est la plus grande de l’archipel. Parce que dans les îles dites Américaines, l’histoire n’est pas seulement écrite dans les livres, elle se vit quotidiennement. Elle suinte, elle déborde, elle est un marqueur. Émotionnel. Et dans la langue américaine, les mots sont pragmatiques. La pensée, factuelle. Ce sont des mots comme patrie, serment, camp, communauté, partisan. Des pensées comme autant d’images cinématographiques. Des gueules qui accrochent la cornée et leur histoire tatouée sur l’écran. Les rides, les cicatrices, les plaies comme autant de mots à traduire. Lire Wilderness, c’est assurément renouer avec ces termes-là. Leur application dans le monde dit réel.

L’Usine à lapins (The Rabbit Factory, 2001), Larry Brown (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 16 Février 2023. , dans Gallmeister, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

L’Usine à lapins (The Rabbit Factory, 2001), Larry Brown, éditions Gallmeister, 2019, trad. américain, Pierre Furlan, 416 pages, 10,90 € Edition: Gallmeister

 

… prépare-toi. Tu en vas en prendre plein la figure. Tu vas comprendre ce que signifie une histoire et ne t’attends pas ici à ce que nous te la racontions.

Être dévoré par elle. Renversée par une voiture. De l’intérieur, exploser. Pour ne retenir qu’un seul mot, au féminin. Idiosyncrasie, issu du grec idiosugkrasia. Prononce-le à voix haute, nullement pour citer ton érudition, mais pour saisir son émanation. Son tempérament. Cette empreinte qui marque chaque être dans sa chair et qui le conduit à adopter un comportement particulier. Tu le jugeras pour cela. Son comportement. Quant à l’être, il sera menotté. Il sera trimbalé dans un coffre de voiture. Il se pissera dessus, violé ou bastonné, il sera émasculé. Découpé en morceaux entre deux destinations. Dans une forêt opaque. État du Tennessee.

Le Lac de nulle part, Pete Fromm (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 14 Février 2022. , dans Gallmeister, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Roman

Le Lac de nulle part, janvier 2022, trad. américain, Juliane Nivelt, 448 pages, 24,60 € . Ecrivain(s): Pete Fromm Edition: Gallmeister

 

C’est un retour vers le passé que Bill, vieillissant, propose à ses enfants, désormais adultes. Un dernier voyage aux pays des lacs canadiens en Ontario, le Parc Provincial Quetico, ses 400.000 km2 et ses deux milles lacs. Alors qu’ils étaient encore enfants et que Bill n’était pas divorcé, les jumeaux Al et Trig (Algèbre et Trigonométrie), de la famille Mathématiques, avaient l’habitude de ces longues randonnées en canoë et des campements sauvages. Désormais Al vit à Denver et Trig en Californie (précisément dans sa voiture depuis qu’il s’est fait renvoyer de son emploi). Bill est divorcé de son épouse Dory. Alors pourquoi renoncer à revoir ce père, à revivre les souvenirs d’antan ? Nous sommes fin octobre, la saison se termine, rendez-vous est donc donné à Minneapolis dans le Minnesota avant de rejoindre International Falls, la ville frontière, en avion.

Notre petit monde se retrouve à l’aéroport de Minneapolis mais Bill qui était là le premier semble ailleurs, il avoue même avoir égaré les bagages. Alors on bouleverse les plans, on rachète des équipements, nourriture déshydratée comprise, on loue une Jeep Cherokee rouge, le voyage jusqu’à la base de départ se fera en voiture. On arrime deux canoës sur la Cherokee et c’est parti pour la grande aventure, la dernière en « famille » !

Le pouvoir du chien (The Power of the Dog, 1967) Thomas Savage, Gallmeister (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 07 Décembre 2021. , dans Gallmeister, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Le pouvoir du chien (The Power of the Dog, 1967) Traduit de l’américain par Laura Derajinski. 284 p. 9,90 € . Ecrivain(s): Thomas Savage Edition: Gallmeister

Roman dérangeant, au sens le plus radical qui soit : qui brise le rang, surtout celui des romans trop souvent convenus des années 60 qui égrènent révoltes, Vietnam, musique et folklore (le roman de Savage date de 1967). La noirceur du propos, la noirceur des âmes, nous rapprocheraient plutôt des grands sudistes, Faulkner en tête, dont nous retrouvons en ombre les grandes familles terriennes décadentes, les personnages cyniques et désespérés. On pense aussi irrésistiblement à Cormac McCarthy et la noirceur, la cruauté de ses personnages. Et pourtant Savage est plus proche par son enfance du Montana, où se tient ce terrible roman. Un personnage en particulier semble droit sorti des figures de l’enfer et qui pourrait être l’un des Snopes de Faulkner, Phil Burbank, cow-boy quadragénaire qui gère, d’une main de fer, avec son frère George, le grand ranch hérité des parents.

Univers d’hommes, d’éleveurs de bétail, rudes, taiseux, le ranch semble fonctionner comme un grand mécanisme dont les rapports interpersonnels sont absents, comme une addition hiérarchisée des solitudes des gens qui viennent travailler un temps, puis s’en vont, remplacés par d’autres, anonymes.