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Al Manar


Les Editions Al Manar - Alain Gorius éditent des livres qui sont autant d'espaces de rencontre entre écrivains (généralement, mais pas toujours) francophones) et artistes-peintres originaires de tous les bords de la Méditerranée.

Des livres diffusés en librairie, mais aussi des livres uniques, de par leur tirage de tête, que recherchent collectionneurs et bibliophiles. Quelques-uns de nos auteurs : du Sud, Vénus Khoury-Ghata, Leïla Sebbar, Adonis, A. Khatibi, Albert Bensoussan, M. Bennis, Abdellatif Laâbi, M. Nissabouri, Salah Stétié...; du Nord : Sylvie Germain, J-P. Millecam, James Sacré, Lionel Ray... Et des peintres, du Sud comme Azzaoui, Belkahia, Binebine, Kacimi, Koraïchi…, ou du Nord comme J. Baltazar, Cl. Bellegarde, S. Bijeljac, D. de Bournazel, G. Titus-Carmel, S. Pignon, Christiane Vielle, W. Velickovic…

Des jours de pleine terre, Pierre Perrin (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 09 Décembre 2022. , dans Al Manar, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Des jours de pleine terre, Pierre Perrin, septembre 2022, 170 pages, 23 € Edition: Al Manar

 

Quelle âpreté dans ces poèmes qui de l’enfance à aujourd’hui consignent les blessures et les apprentissages d’un enfant, d’un poète, apte à saisir à pleins mots la violence des apprentissages. Les images tombent comme des constats cinglants, pas une trace de sentimentalisme ni d’once de complaisance. C’est « l’odeur d’urine », c’est le « saccage », l’enfant « brûle sans feu », c’est « la nuit qui ravale l’orgueil de l’enfant que nul n’écoute ». La mère n’étreint jamais le petit.

Construit en cinq sections – autant d’étapes d’une vie, le livre choisit une écriture qui puisse au mieux traduire les états d’âme, les sentiments, les effusions, toute émotion née dans le flux des jours, en campagne, dans l’usage de la terre et des bêtes, à l’aune des saisons, au rythme des plaisirs, des peines, des découvertes. L’amour y a une place de choix et les nombreux poèmes adressés à l’aimée disent assez cette période faste où la rencontre a renvoyé bien loin derrière les traumas.

L’écriture, en effet, privilégie les poèmes longs, fortement charpentés, aux images lyriques et à la scansion sûre des classiques :

Un Passage au Maroc, Alain Gorius (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 10 Novembre 2022. , dans Al Manar, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Voyages

Un Passage au Maroc, Alain Gorius, Al Manar, 2019, photographies, Abderrazzak Benchaâbane, 48 pages, 16 € Edition: Al Manar

 

Ces « notes » d’un ami fervent du Maroc et de ses gens ont pour but de garder des traces d’un « passage », dans ce pays aimé, celui de l’Extrême-Couchant comme Gorius le nomme. Pour dire ces « moments de vie » passés au contact chaleureux des Marocains, humbles ou plus connus, gens de la rue ou artistes, peintres, écrivains, poètes, l’auteur a fait appel, au-delà de ses textes, aux belles photographies de Benchaâbane, en noir et blanc, portraits, scènes de rues ou paysages, femmes au bord de l’océan, visages burinés, regards vifs et intenses. Les voyages ne laissent pas indemnes et c’est leur grandeur que de grappiller la beauté pour qu’elle ne s’étiole pas.

En vingt-quatre courts fragments, d’une prose très poétique, Alain Gorius énonce ses préférences, ses choix, ses pérégrinations. Ses blasons nous valent des textes tendus et tendres, jamais complaisants, avec la distance de l’écriture et du cœur. Et ses textes vibrent, comme le rappel des choses à conserver coûte que coûte. C’est le portrait de femmes, leur beauté insolente ou cachée ; c’est celui d’artistes comme Kacimi, peintre et poète, comme Mohamed Abouelouakar, ou encore à l’image du poète longtemps enfermé à Kenitra, Abdellatif Laâbi.

Je ne vois pas l’oiseau, Jean-Pierre Chambon (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 10 Octobre 2022. , dans Al Manar, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Je ne vois pas l’oiseau, Jean-Pierre Chambon, éditions Al Manar, ill. Carmelo Zagari, juin 2022, 64 pages, 16 €

 

 

Oiseaux mortels et immortels

Ce recueil de 5 textes de prose de Jean-Pierre Chambon, prend pour sujet les oiseaux. Mais, là, pas de bons sentiments ni autres sucreries mais des tétrapodes de sang, oiseaux qui s’articulent sur la relation humaine, qui enseignent en un sens sur l’homme, sur les sentiments humains, le bien et le mal. Ces oiseaux sont ensemble abstraits et concrets, mortels et immortels. L’on est plus au théâtre que dans la nature, car ces bipèdes manifestent symboliquement leur rapport à l’être humain, sachant que celui-ci s’explique à lui-même en conversant avec le monde du gibier à plume.

Fortune de mer, Chawki Abdelamir (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 16 Mai 2022. , dans Al Manar, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Fortune de mer, Chawki Abdelamir, éditions Al Manar, février 2022, Illust. Tarif Masri Zada, 108 pages, 25 €

Archétypes

On connaît la savante langue de la poésie arabe, arabo-andalouse ou encore préislamique, abbaside… Cette tradition classique indique pour moi une sorte de musique, des rythmes propres, des chants et des thèmes nobles. Et je remarque que souvent cette influence se retrouve aussi dans la poésie contemporaine. Chaque poète d’aujourd’hui se place dans cette tradition, tout autant Abdellatif Laâbi, Adonis, Dib, que Darwich. Je compare cela (peut-être abusivement) à la peinture de montagne en Chine qui est restée fixée dans ses codes près de mille ans.

Ici, avec ce recueil de Chawki Abdelamir, cette question de la filiation se pose aussi. Car le poète utilise une langue arabe, faite je crois tout spécialement pour la poésie, et l’utilise sans méfiance, sans soupçon. Cependant, je n’ai pas abordé le livre avec les yeux d’un spécialiste de la poésie orientale, car je n’ai pas suffisamment de compétences pour y voir toutes les continuités ou les ruptures. J’y ai trouvé une joie simple de liseur, bercé par des musiques et leurs échelles de sons particulières, par les chansons de Oum Kalthoum ou Asmahan, ou par la tension de la musique vocale ou instrumentale, les maqâms

Cette lumière dans cette obscurité, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 15 Avril 2022. , dans Al Manar, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Cette lumière dans cette obscurité, janvier 2022, 80 pages, 18 € . Ecrivain(s): Emmanuel Moses Edition: Al Manar

 

Le poète Moses, de temps à autre, s’adonne à la prose. Cela nous a valu, il y a quelque temps, un remarquable roman, Monsieur Néant, tout empreint d’une lumière pragoise. Le voici avec un récit, où la lumière, dès le titre, est aussi importante que l’intrigue narrée. Elle est à la fois précepte esthétique, outil d’éclaircissement, référence artistique. L’œuvre naît-elle de la lumière ?

Ce récit commence à Düsseldorf. L’antihéros de ce récit, un metteur en scène de théâtre, est là pour y représenter une pièce, inspirée de Schubert. Mais rien ne va comme prévu. C’est une cuisante expérience, et compréhensible de son point de vue de dramaturge, puisqu’il a concentré toute son attention avec un mauvais éclairage. Il eût dû éviter de mettre en scène en utilisant les ressources d’un Mozart. Non, il fallait Schubert, uniquement lui. L’erreur le plonge dans « cette obscurité » où tous les talents un beau jour s’empêtrent : dans les remugles des contradictions et des doutes.