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Un nouveau monde, Poésies en France 1960-2010, un passage anthologique, Yves di Manno & Isabelle Garron

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 06 Juin 2017. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Poésie, Flammarion

Un nouveau monde, Poésies en France 1960-2010, un passage anthologique, février 2017, 1504 pages, 39 € . Ecrivain(s): Yves di Manno & Isabelle Garron Edition: Flammarion

 

Indispensable anthologie, qui vient combler « une étrange lacune et propose pour la première fois un large panorama des écritures de poésie en France depuis 1960, tenant compte de leur remarquable diversité ».

« D’abord conçu comme une anthologie regroupant plus d’une centaine d’auteurs, [ce livre] offre aussi un récit chronologique accompagné de notices détaillées » et d’une « bibliographie générale » fort bien faite.

« Ce volume est […] un acte. Il est l’impossible, l’horrible travail que nous savons. Il pointe un manque de retour général sur ce qui a lieu depuis cinquante ans, sur ce qui se poursuit et se déroule dans le champ de cet art qu’est l’écriture de poésie ».

Un manque de « retour général » ? « Si ce volume tente […] quelque chose, c’est l’approche d’un territoire encore mal défriché dans la somme de ses possibles. Il répond au désir de conduire le lecteur vers ce que la poésie désigne, investissant un lieu de parole où le sens est repoussé aux limites de sa connaissance ».

Un concert d’enfers Vies et poésies, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 18 Mai 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

Un concert d’enfers Vies et poésies, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Gallimard, coll. Quarto, édition de Solenn Dupas, Yann Frémy, Henri Scepi, mars 2017, 1856 pages, 29,50 €

 

Rimbaud : le vagabond magnifique, voleur de feu, passant aux semelles de vent tutoyant avec déférence les étoiles, prince de l’enjambement et des images parvenant à donner une nouvelle mesure au vers, à lui insuffler la pulsation d’un cœur d’enfant. Un cœur d’enfant ? Un cœur sans âge de vieillard. Un cœur que l’on aurait réconcilié avec les grands lacs que tout un chacun porte en soi depuis l’aube de son tremblement, depuis le premier âge de sa vie. Un cœur que l’on aurait réconcilié avec les vents chahutés par les étoiles, chahutés par leur bouleversante immobilité. Un cœur que l’on aurait réconcilié avec les fougères et leur rudesse tremblante de douceur : celle que les pierres mettent dans leur vie, et leur miroitement au fond d’un ruisseau entouré de montagnes.

L’on sait la postérité de Rimbaud. Contaminant chaque pan de la création, depuis lui. De ma bibliothèque, un ouvrage ouvert, presque au hasard, et qui n’a rien à voir avec la poésie ; un ouvrage qui a à voir avec le voir : Le Dernier voyage de Soutine de Ralph Dutli (Le Bruit du temps, 2016) :

Proust, par Matthieu Gosztola

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 13 Mai 2017. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

« [J]e me couchais au long d’elle, je prenais sa taille d’un de mes bras, je posais mes lèvres sur sa joue et sur son cœur ; puis, sur toutes les parties de son corps, posais ma seule main restée libre et qui était soulevée aussi, comme les perles, par la respiration d’Albertine ; moi-même, j’étais déplacé légèrement par son mouvement régulier : je m’étais embarqué sur le sommeil d’Albertine. Parfois, il me faisait goûter un plaisir moins pur. Je n’avais pour cela besoin de nul mouvement, je faisais pendre ma jambe contre la sienne, comme une rame qu’on laisse traîner et à laquelle on imprime de temps à autre une oscillation légère, pareille au battement intermittent de l’aile qu’ont les oiseaux qui dorment en l’air. Je choisissais pour la regarder cette face de son visage qu’on ne voyait jamais, et qui était si belle » (La Prisonnière).

Proust s’attache à décrire l’humain. L’humain non comme proche, non comme frère, non comme sœur, non comme amie ou amante, mais comme monde, singulier, ayant le visage – peu amène ou amène, composé ou audacieux dans son relâchement – de l’altérité. Oui, l’humain est cette faible musique aux nuances inapprivoisées, pulsation – rendant le son d’une conque marine – née d’un cœur lui-même né des contrées ombreuses, chahutées, du voyage.

Pour saluer la parution de Jack London dans la Pléiade (2) - Bonnes feuilles

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 29 Avril 2017. , dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Les Livres, Roman, USA

Oeuvres Jack London, 110 €, deux tomes . Ecrivain(s): Jack London Edition: La Pléiade Gallimard

 

Pour comprendre en quoi Jack London est un grand écrivain, il suffit, sans nulle glose, vêtement ici inutile, de relire la fin de son chef-d’œuvre Martin Eden, dans l’impeccable traduction de Philippe Jaworski insérée dans le deuxième tome de cette édition des Romans, récits et nouvelles.

 

« Il éteignit la lumière dans sa cabine, afin de pouvoir opérer en toute sécurité, et se glissa à travers le hublot, les pieds devant. Comme ses épaules ne passaient pas par l’ouverture, il dut recommencer en plaquant un bras contre son côté. Un mouvement de roulis du bateau l’aida, et il se retrouva au-dessus des flots, accroché au hublot par les mains. Quand ses pieds touchèrent l’eau, il se laissa tomber. Il était dans une mousse d’écume. Le flanc du Mariposa fila devant lui comme un mur sombre percé ici et là de hublots éclairés. Ce paquebot allait sûrement battre tous les records de vitesse. Sans presque s’en apercevoir, il se retrouva à l’arrière, nageant calmement dans une eau mousseuse et crépitante.

Pour saluer la parution de Jack London dans la Pléiade (1)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 22 Avril 2017. , dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Les Livres, Livres décortiqués, Aventures, Nouvelles, Roman, USA

Jack London, Oeuvres, 2 tomes, 110 € les deux volumes, Octobre 2016 . Ecrivain(s): Jack London Edition: La Pléiade Gallimard

 

Jean-Marie Rouart, dans un texte intitulé « Je demandais aux livres : “Comment fait-on pour vivre, pour aimer, pour être heureux ?” » (paru dans la revue Commentaire en 2015), écrit ceci :

« Je n’imaginais pas que j’éprouverais autant d’émotions en remettant mes pas dans des coups de foudre parfois anciens. Soudain je retrouvai intacte mon ancienne ferveur en relisant […] le début du Peuple de l’abîme de Jack London ».

Reprenons ce début, tel qu’il est traduit par Véronique Béghain, dans le volume de la Pléiade :

« Mais c’est impossible, vous savez », me dirent des amis auprès desquels je venais chercher de l’aide pour m’immerger dans l’East End londonien. « Vous auriez intérêt à demander un guide à la police », ajoutèrent-ils, après réflexion, s’efforçant non sans mal de s’adapter aux mécanismes psychologiques du fou venu les trouver avec plus de références que de cervelle.