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Articles taggés avec: Wetzel Marc

La Chaise vide, Thierry Martin-Scherrer (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 03 Juillet 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La Chaise vide, Thierry Martin-Scherrer - Le Taillis Pré, avril 2025, 120 pages, 18 €

 

Un peu plus de dix ans après la mort de son frère jumeau, l'auteur (à présent septuagénaire) tente, pour la première fois, de penser ce que la vie de ce frère aura fait de la sienne. Non pas seulement changé de la sienne, mais bien :  fait d'elle, car la conduite et le maintien de ce frère disparu auront, par sa mutique supériorité et sa dédaigneuse indépendance, construit négativement, conditionné par défaut, toute la sienne. L'auteur aura ainsi dû et bien voulu ménager son jumeau toute sa vie, et le regrette, bien qu'en un sens la mort plutôt prématurée de celui-ci donne en retour raison à ces soins ou ce souci excessifs - comme si l'auteur avait tôt compris son jumeau plus mortel que lui-même, et compensé sa présumée inespérance de vie par le dédommagement préventif d'une sollicitude insistante, inquiète et maladroite. Quoi qu'il en soit, le disparu se sera "retiré sans avoir abattu son jeu" (p.87).

Là, inaltérant, Jacques Guigou (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 25 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Là, inaltérant, Jacques Guigou, l'Harmattan, février 2025, 64 pages, 10 €

 

"Parti de nuit

visage vent du large

le pélerin de l'inaltérant

trouve son viatique

dans chaque coquille" (p.46)

 

La recherche de l'inaltérable est un sentiment plutôt religieux (car quelque chose d'immuable nous semble avoir plus de chances de nous sauver une fois pour toutes), mais ce sentiment est étranger à l'auteur : notre "pélerin" est athée.

Entre sandales usées et bonnet fatigué, Christian Ducos (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 18 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Entre sandales usées et bonnet fatigué, Christian Ducos - Le Pauvre Songe, mai 2025, 100 pages, 13€

 

entre sandales usées

et bonnet fatigué -

un papillon (p.14)

Il faut s'y faire : l'humour de Christian Ducos a les larmes aux yeux, et chaque court poème ici joue d'une sorte de "oui, mais...", qui nous demande d'être (obligeamment) passé par le pire pour (espérer) prendre part au meilleur. Par exemple : Oui, le Souverain Bien est dans nos cordes, mais comme simple trophée d'un jeu de marelle ! Ou : on aura beau prédire, s'appareiller et mesurer, c'est le sol même qui reste l'infaillible sismologue ! Ou : oui, l'univers a tout comme nous ses mouvements et ses attentes, mais ce ne sont pas les mêmes !

Le Message réisophique, Laurent Albarracin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 11 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Essais, Arfuyen

Le Message réisophique, Laurent Albarracin - Arfuyen, 112 pages, mai 2025, 14 €

 

"Les poissons sont pisciformes parce qu'ils naissent d'eux-mêmes : ils grossissent peu à peu puis s'étirent jusqu'à se détacher d'eux au point de rupture de la queue, dans une sorte d'allongement abrégé dont ils sont l'histoire. Tout se passe comme si le poisson traversait un miroir - ou simplement la surface d'une eau claire - et que cette traversée lui donnait sa forme. La lente apparition-disparition du poisson est le poisson" (§ 234)

 

"Réisophie", étymologiquement, c'est la sagesse des choses. Et le Réisophe est celui qui s'y rend attentif. Parce qu'il sent qu'un contact bien compris avec les choses pourrait être leçon suffisante d'existence.

Personne dis-tu, Marc Dugardin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 03 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Personne dis-tu, Marc Dugardin préface de Anouk Delcourt, Rougerie, avril 2025, 64 p. 12 €

 

Marc Dugardin (né en 1946) est un poète (belge) discret et juste ; le poète des présences délicates et des (expressives et merveilleuses) lacunes de la vie. Par exemple, aux étoiles (belles, mais lointaines et figées), il préfère les nuages, et peut, d'une formule, en dire tout : "flottants/ indéterminés/ précis comme les trous/ d'un rêve dans la mémoire" (Table simple, p.64), et, s'ils passent et se dissipent, ils le font penser à ces autres passants - les humains, qui, eux, ont un regard, et, au contraire des nuages, savent qu'ils passent et que nous passons, et sont, eux, nos vrais "miroirs", que nous négligeons. Dugardin est un poète de la présence (parfois terrible) des autres, et de l'absence (parfois sublime) du sens : on comprend mal, parfois, ses formules elliptiques, mais ce qu'il saisit du monde nous saisit aussitôt ! Quand il parle de "la mer/ violemment/ en paix avec elle-même", on ne sait pas trop où on est, mais on y est directement.