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Quand les nuages poursuivent les corneilles, Matthias Zschokke (par Grégoire Meschia)

Ecrit par Grégoire Meschia , le Mercredi, 14 Novembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue allemande, Roman, Zoe

Quand les nuages poursuivent les corneilles, octobre 2018, trad. allemand Isabelle Rüf, 192 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Matthias Zschokke Edition: Zoe


Matthias Zschokke aurait-il mieux fait de ne pas écrire ce roman ? C’est du moins ce que dirait la Baronne, personnage fictif dans la pièce fictive qu’aurait aimé jouer Roman, le personnage principal de Quand les nuages poursuivent les corneilles :


« Ah laissez ça, je vous remercie, je pense que ce sur quoi on pourrait écrire des romans entiers, on ferait mieux de ne pas l’écrire, c’est justement ça qui est fatal, nous faisons toujours ce qu’on peut faire au lieu d’essayer autre chose ».

Loin de Douala, Max Lobe (par Grégoire Meschia)

Ecrit par Grégoire Meschia , le Mercredi, 07 Novembre 2018. , dans La Une Livres, Afrique, Les Livres, Critiques, Roman, Zoe

Loin de Douala, mars 2018, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Max Lobe Edition: Zoe

Avec sa gouaille si particulière, Loin de Douala traite d’un phénomène de société. Il s’intéresse au cas des jeunes footballeurs qui rêvent de faire carrière dans un club européen et qui empruntent pour cela de dangereuses routes migratoires. Ils jouent gros et deviennent la plupart du temps les proies d’un système de traite bien ordonné. Cette situation est si répandue que les Camerounais lui ont donné un nom : faire « boza ».

Le thème choisi par Max Lobe est celui de la fugue d’un adolescent, qui rappelle le personnage d’Antoine Doinel dans Les Quatre Cents coups de Truffaut, mais plongé au cœur de l’actualité camerounaise.

Comme dans Confidences, son précédent roman, Max Lobe choisit la première personne du singulier pour faire ressentir l’intimité d’un pays, vécu de l’intérieur, avec ses réalités propres, ses manières de s’exprimer aussi. Jean, le narrateur, est le bon élève de la famille et le « choupi » de sa maman, adepte fanatique de l’église du Vrai Evangile. Son frère Roger a perdu avec la mort de son père son seul soutien dans la famille. Sa mère l’a toujours dénigré et roué de coups. La passion de Roger, c’est le football. Mais sa mère a toujours refusé qu’il emprunte cette voie. Il est donc réduit à fuguer et à chercher un chemin clandestin pour quitter un pays où rêver n’est pas possible.

Les Rois d’Islande, Einar Már Guðmundsson

Ecrit par Grégoire Meschia , le Lundi, 25 Juin 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays nordiques, Roman, Zulma

Les Rois d’Islande, février 2018, trad. islandais Eric Boury, 336 pages, 21 € . Ecrivain(s): Einar Már Guðmundsson Edition: Zulma

 

Pays qui fascine du fait de son éloignement géographique et ses paysages uniques, l’Islande reste encore une nation étrangère à nos yeux. Un de ses ressortissants, Einar Már Guđmundsson, écrit sa légende et fait de cette île singulière la patrie des rois. En faisant se succéder histoires truculentes et anecdotes farfelues, il attribue une origine mythologique à ses personnages qui est empreinte de fantaisie et de trivialité.

Les Islandais, fiers de leur identité, s’emploient à « faire remonter leur lignage jusqu’aux rois des sagas légendaires, aux rois des mers ». De la même manière, le narrateur des Rois d’Islande est à la recherche de l’origine de la famille Knudsen. La part accordée à la fiction prime tout au long du récit : on se demande tout le temps si le narrateur n’affabule pas tant les histoires racontées semblent loufoques et cocasses. Peut-être ne fait-il que rêver cette famille héroïque ? Il cite Steinn Steinarr (poète islandais ayant véritablement vécu dans la première moitié du XXe siècle) et on a envie de le croire :

Evangelia, David Toscana

Ecrit par Grégoire Meschia , le Mercredi, 18 Avril 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Amérique Latine, Roman, Zulma

Evangelia, janvier 2018, trad. espagnol (Mexique) Inés Introcaso, 432 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): David Toscana Edition: Zulma

 

Voici un livre qui se lit comme une longue blague fourmillant de fantaisie et d’inventivité. Et si Jésus avait été une femme… L’écrivain refait l’histoire en modifiant le sexe du divin enfant, ce qui change la face du monde, vous en conviendrez. L’Annonciation se révèle un fiasco. Les plans du Dieu tout-puissant sont déjoués. David Toscana propose une histoire alternative à coup d’épanorthoses et de réévaluations.

La Bible et la religion en général sont misogynes, cela n’est pas nouveau. Mais ce roman apporte un vent de fraîcheur dans la genèse du patriarcat. Emmanuelle remplace le Christ et devient la Christe, les détracteurs de l’écriture inclusive n’ont qu’à bien se tenir. On y trouve de nombreuses allusions aux thématiques féministes, l’éducation différenciée entre Emmanuelle et son frère cadet Jacob (il sera renommé Jésus), la violence conjugale subie par les épouses. La jeune Emmanuelle a même l’intention de faire boire le sang de ses menstrues pour faire comprendre à ses futurs disciples que « son sang et celui de toutes les femmes était sacré ». Malheureusement, les miracles qu’elle réalise ne servent à rien parce que c’est une femme qui les accomplit.

L’Infinie Comédie, David Foster Wallace (2ème critique)

Ecrit par Grégoire Meschia , le Mardi, 13 Mars 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, L'Olivier (Seuil), Roman, USA

L’Infinie Comédie, David Foster Wallace, L’Olivier, coll. Replay, novembre 2017, trad. anglais (USA) Francis Kerline, 1487 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): David Foster Wallace Edition: L'Olivier (Seuil)

 

 

Si vous n’avez pas peur d’hiberner pendant quelques mois, de comprendre le sens exact de l’adjectif « infini » et de lire constamment avec un dictionnaire à proximité, faites l’expérience « replay » de l’Infinie Comédie, qui sort en poche (mais vous ne ferez pas rentrer ses 1487 pages dans votre poche). Vous ne le regretterez pas. La lecture d’un tel mastodonte peut s’apparenter à du masochisme. Elle coupe du monde et en fait découvrir un autre. On lit David Foster Wallace comme on regarde la saison 3 de Twin Peaks. Il faut apprécier perdre son temps en tournant des pages incompréhensibles, se laisser porter par l’enchaînement des points-de-vue : ne pas chercher à tout prix le sens, directement. Qui n’est pas spécialiste de chimie moléculaire ou de grammaire prédictive va certes se trouver perdu à certains moments.