Identification

Articles taggés avec: Bret Stéphane

La pierre et l’ombre, Burhan Sönmez (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 11 Janvier 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Bassin méditerranéen, Roman, Gallimard

La pierre et l’ombre, Burhan Sönmez, Gallimard, novembre 2023, trad. turc, Julien Lapeyre de Cabanes, 432 pages, 25 € . Ecrivain(s): Burhan Sönmez Edition: Gallimard

 

Burhan Sönmez est un écrivain kurde écrivant en turc. Il a joué un rôle important dans la défense de l’écrivaine Asli Erdoğan, exilée de son pays pour cause de dissidence et de censure. Il a été également président de Pen International, association en charge de défense des droits des écrivains à l’échelle internationale. Son roman Maudit soit l’espoir explorait les aspects sombres de l’âme humaine, et l’avait révélé au public en Occident.

Le point de départ du roman La pierre et l’ombre est la description de la vie d’un certain Avdo. Il est marbrier, fabrique des pierres tombales, habite sur le site du cimetière où il officie. Il aime son métier et n’est nullement effrayé par la nature de son activité : « Son métier de marbrier de pierres tombales n’a rien de morbide, au contraire ».

Par une nuit glacée, Avdo recueille une petite fille apeurée, elle se nomme Rehan, elle est apparemment en fuite. Pour quelles raisons ?

Je voudrais leur demander pardon, mais ils ne sont plus là, Mikolaj Grynberg (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 01 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Récits

Je voudrais leur demander pardon, mais ils ne sont plus là, Mikolaj Grynberg, Actes Sud, septembre 2023, trad. polonais, Margot Carlier, 175 pages, 19,50 € Edition: Actes Sud

 

Mikolaj Grynberg est l’auteur de plusieurs livres consacrés à l’héritage de la Shoah dans l’histoire polonaise et européenne, mais ils n’ont malheureusement pas été traduits en français. La traduction éditée par Actes Sud, de l’ouvrage intitulé Je voudrais leur demander pardon mais ils ne sont plus là, vient combler cette lacune. Le récit s’organise autour de témoignages confiés à l’auteur par des amis : ils ont tous en commun d’être juifs et relatent leurs expériences passées et présentes de leur vie en Pologne. Le mode d’expression générale employé est laconique, dénué de la moindre emphase. On pense parfois à la déposition à la barre d’un procès imaginaire d’une série de témoins. Chaque témoignage porte un titre, souvent très court, et ne dépasse jamais trois ou quatre pages. Ainsi, dans LE BAZAR, évoque-t-on la question d’être juif ou ne pas l’être. Après avoir passé en revue le poids des préjugés antisémites, l’impossibilité d’échapper à ses origines aux yeux des autres, l’auteur conclut avec une grande amertume : « Je pense que mieux vaut ne pas être juif. D’ailleurs, vous voyez bien que personne ne se presse pour le devenir. Non, il n’y a pas de file d’attente ».

Adieu Tanger, Salma El Moumni (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 06 Octobre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Grasset

Adieu Tanger, Salma El Moumni, Grasset, août 2023, 175 pages, 18 € Edition: Grasset

 

Le thème du premier roman de Salma El Moumni est ambitieux : le pouvoir et l’influence du regard des autres sur soi, sur les choix de sa propre vie.

Alia est marocaine, vit à Tanger. Elle fréquente Quentin, un jeune garçon scolarisé comme elle dans le même lycée. Ce qui préoccupe gravement Alia, ce qui l’obsède dès le départ de ce récit, c’est la sensation qu’elle éprouve de se voir scrutée, épiée, déshabillée du regard, méprisée de ses compatriotes. Serait-ce de la paranoïa ? Alia a le sentiment qu’elle dérange, que ses tentatives d’émancipation et d’ajout d’un peu de liberté dans sa vie sont vouées à l’échec.

Alia relève ce défi en postant des photos sur la toile, ce qui est passible de l’article 483 du Code pénal marocain, qui punit l’outrage public à la pudeur d’un mois à deux ans d’emprisonnement. C’est la résolution de ce dilemme qui va occuper Alia dès sa reprise de contact avec Quentin, qui ne l’aide pas vraiment : « Il t’a toisée du regard avec ses yeux bleus liquides en mordant dans sa fajita (…) Tu as immédiatement regretté d’être venue chez lui, tu n’avais soudain plus faim, tu voulais partir ».

La Louve de Dêrsim, Yasmina Kramer (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 23 Juin 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Histoire, Roman, Belfond

La Louve de Dêrsim, Yasmina Kramer, Belfond, mai 2023, 178 pages, 20 € Edition: Belfond

 

En ce jour terrible du 13 novembre 2015, Paris ébauchait dans la soirée ce recensement macabre du nombre de morts et de blessés dans l’Est parisien, où avaient eu lieu les principales attaques terroristes. À quatre mille kilomètres de là, les forces kurdes procèdent à la libération de la ville de Şengal, dans le Kurdistan irakien. C’est cette guerre des femmes kurdes que décrit Yasmina Kramer dans un roman très inhabituel dans le ton général, mais bouleversant sur le fond. L’auteure du récit s’attache très sobrement à la description des combattantes, à leur origine, à leurs motivations : la narratrice, ainsi qu’Assîa, font partie des YPG, les unités de protection du peuple. Assîa dirige sous sa responsabilité quarante hommes et femmes. Les buts de la guerre sont simples, évidents aux yeux de ses troupes : lutter contre Daech, cette bande de barbares fanatiques, d’égorgeurs, de terroristes rétrogrades, qui pratiquent la terreur à grande échelle, les viols, la lapidation, pire châtiment pour les femmes qui subissent ces atrocités. Ces maquisardes excellent dans la formation au maniement des armes : charger une kalachnikov, s’entraîner au tir, ajuster rapidement son lance-roquettes…

Londres, Virginia Woolf (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 30 Mai 2023. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Recensions, Récits

Londres, Virginia Woolf, Rivages, avril 2023, 204 pages, 9,20 € . Ecrivain(s): Virginia Woolf Edition: Rivages

 

Dans ce recueil des écrits consacrés à la ville de Londres par Virginia Woolf, le lecteur en quête d’informations purement touristiques en sera pour ses frais. En revanche, la description des sensations, des états d’esprit générés par des promenades impromptues dans Londres et ses quartiers les plus pittoresques nous entraîne dans les méandres de la vie intérieure de l’auteure de Mrs Dalloway. Ainsi, l’activité de courir les rues de Londres nous transforme, nous pousse à nous soumettre à des désirs inédits :

« Le soir, lui aussi, nous offre cette irresponsabilité qui vient avec les ténèbres et la lumière électrique. Nous ne sommes plus tout à fait nous-mêmes (…) Nous nous dépouillons du moi que nos amis nous connaissent et intégrons cette vaste armée républicaine des randonneurs anonymes, dont la compagnie est si agréable après la solitude de notre chambre ».