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Mohamed Leftah ou l’écriture crépusculaire (par Yazid Daoud)

, le Jeudi, 14 Octobre 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Les romans de Mohamed Leftah sont connus pour leur brièveté et leur poésie. Ses textes rythmés et nimbés (mot qui revient très souvent chez l’auteur) de plaisir, de désir et de sexualité ne cachent pas l’atmosphère maussade et lugubre où vivent les personnages. Au bonheur des limbes est le roman d’un personnage anonyme qui, dans un récit à la première personne, raconte sa vie dans le Don Quichotte, bar où se réunissent des personnages mi-fictifs mi-réels. Le roman est presque enfermé dans ce bar que le narrateur assimile à un enfer (selon lui, c’est une fosse, une catacombe…). Le mot fosse suggère aussi, dans le domaine du spectacle, un endroit invisible aux spectateurs et où se cachent des orchestres. Le roman serait ainsi une descente vers le monde inconnu des habitués des bars nocturnes. L’écriture crépusculaire réside dans le fait où le lecteur a toujours l’impression d’être dans un endroit « ailleurs ». Les personnages, leurs paroles et leurs actions laissent voir une spatialité infernale, une existence post-mortem. En témoigne la présence d’un chien nommé Minos qui réfère au Minos de la mythologie grecque, juge des Enfers : « Minos est le chien au cœur fidèle du ‘Don Quichotte’. C’est Warda qui lui a donné le nom de ce chien qui, dans l’Enfer de Dante, enroule sa queue pour indiquer aux condamnés à quel cercle ils doivent descendre » (éd. La Différence, p.45).

Ceci n’est pas un miroir, Mokhtar Chaoui (par Yazid Daoud)

, le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Ceci n’est pas un miroir, Mokhtar Chaoui, éditions SL

 

Un roman de l’innommable

La littérature est aussi l’expression des frustrations, des malheurs et des traumatismes. Le dernier roman de Mokhtar Chaoui est le seul à avoir abandonné la société marocaine et ses travers pour se consacrer à l’Homme. La pandémie a unifié la planète et le romancier parle ici au nom de tous. Ceci n’est pas un miroir est un roman-cri, un roman vociféré, écrit dans la précipitation, tel un grand emportement qui ne saurait être adouci. Les 13 jours d’écriture du roman expliquent son style plutôt oral. C’est un roman à lire à haute voix pour percevoir les sonorités colériques et le rythme haché qui n’est autre que celui de l’homme essoufflé par la pandémie.

Dans ce roman-miroir, l’auteur pousse à l’extrême les tracas d’un confiné. Nommé Ixe, il s’agit (comme pour le cas de sa femme Zède) de « numéros matricules » qui représentent les hommes en confinement. En effet, le roman n’a ni lieu ni temps (sauf celui du confinement). Ce no man’s land renvoie au monde de Borges où le lecteur est déboussolé, incapable de situer les personnages ni de prévoir l’intrigue.