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Sur la rive du Gange, Josef Winkler (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Lundi, 04 Mars 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Verdier

Sur la rive du Gange, Josef Winkler, Éditions Verdier, Coll. Der Doppelgänger, 2004, trad. allemand (Autriche) Éric Dortu, 249 pages, 18 € Edition: Verdier

 

« Vanité, substantif féminin : 1. Caractère de ce qui est vain, futile, illusoire. 2. Caractère de ce qui est inutile, sans efficacité. 3. Représentation picturale rappelant la précarité de la vie ».

Il est hasardeux pour un écrivain de se mesurer à l’Inde (à l’énormité indienne) tant sont constants les risques de tomber, par facilité ou inadvertance, dans les clichés commodes, substituant à l’Inde réelle celle qui conviendra aux préventions et à la paresse du lecteur et flattera son goût pour l’exotisme, la spiritualité à bon marché, le misérabilisme selon les cas. Marie Saglio s’y est essayée en 2023 avec Bombay (éditions Serge Safran), pour un résultat douteux car trop prévisible.

Sur la rive du Gange de Josef Winkler, né en 1953, n’est pas à proprement parler un livre sur l’Inde mais sur la mort ou mieux : sur la ville des morts, Bénarès, qu’on appelle aussi Kashi et Varanasi.

Les Terrains, Écrits sur le sport, Pier Paolo Pasolini (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 07 Février 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Les Terrains, Écrits sur le sport, Pier Paolo Pasolini, Le Temps des Cerises, Cahiers Roger-Vailland, 2004, trad. italien, Flaviano Pisanelli, 142 pages, 8 €

 

Quelle bonne idée ont eue les éditions Le Temps de Cerises, en 2004, dans les Cahiers Roger-Vailland, de réunir, traduits et préfacés par Flaviano Pisanelli, un certain nombre d’écrits sur le sport de Pasolini, parus dans la presse italienne de 1956 à 1971, auxquels s’ajoute une interview publiée en 1975 au lendemain de son assassinat !

Quatre domaines suscitent la réflexion de l’auteur des Cendres de Gramsci : les Jeux Olympiques de Rome de 1960, le football, la boxe et le cyclisme (il assiste avec enthousiasme en 1969 à l’éclosion d’Eddy Merckx). Je me limiterai ici à ses analyses sur le ballon rond (pages 63 à 104) dont il était à la fois un spectateur passionné, tifoso de la Bologna, même après son installation à Rome, et un pratiquant assidu.

Revue Contrelittérature, n°6, année 2023, Anarchie souveraine (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 31 Janvier 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Revues

Revue Contrelittérature, n°6, année 2023, Anarchie souveraine, Contrelittérature éditions, 2023, 197 pages, 15 €

 

L’anarchie, et l’anarchisme, n’ont pas bonne presse aujourd’hui. On pourrait même qualifier la pensée anarchiste de quasi absente dans le paysage idéologique contemporain – dans le paysage visible du moins. Ou, lorsqu’on l’évoque, c’est pour la révoquer : on l’associe au chaos, au tumulte, à la désagrégation. L’avenir, on le sait, est plus que jamais au spectacle, c’est-à-dire à la marchandisation, matérielle comme humaine, à la réduction des individus à leur capacité à consommer et à la numérisation (qu’on prenne ce terme en son sens le plus vaste). Astolphe de Custine, dans La Russie en 1839 (réédition Classiques Garnier, 2018), parle des villages de façades qui faisaient croire à Catherine II, lors de ses voyages dans les provinces reculées, à la prospérité de son Empire. Nos démocraties de façades, bien qu’elles ne dupent personne (excepté ceux qui ont intérêt à être dupés, ou à le laisser entendre), ont plus de solidité que les bourgades inexistantes destinées à leurrer la tsarine.

Raymond Radiguet, Un jeune homme sérieux dans les années folles, Chloé Radiguet, Julien Cendres (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 18 Janvier 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Robert Laffont

Raymond Radiguet, Un jeune homme sérieux dans les années folles, Chloé Radiguet, Julien Cendres, Robert Laffont, octobre 2023, 306 pages, 24 €

 

La récente biographie de Raymond Radiguet par Chloé Radiguet (nièce de l’écrivain) et Julien Cendres a le mérite de resituer l’auteur du Diable au corps dans un contexte familial, social et culturel d’une extrême précision et donc de détruire quelques mythes. Non, Radiguet n’apparut pas dans le ciel littéraire du début des années 20 telle une comète imprévisible. Il ne fut pas non plus un génie paresseux, produisant son œuvre presque malgré lui ou parce que Cocteau l’y aurait contraint : sortant certes beaucoup, s’amusant avec ses amis peintres, poètes ou musiciens à Montmartre, Montparnasse ou ailleurs, il s’astreignit cependant par périodes à un labeur méthodique lui permettant, en si peu d’années, de noircir un nombre impressionnant de pages se rattachant aux genres les plus variés, de la poésie au roman en passant par des saynètes, des articles et des essais ou ébauches d’essais – dont un bref et troublant « Les Prodiges » (pp.475-476 des O.C., Grasset, septembre 2023), daté de l’automne 1920, édité par Cocteau en 1956. Et rien dans cette œuvre ne fut le fruit d’une sorte d’auto-génération spontanée puisque, comme Rimbaud ou Ducasse, dès l’adolescence, il lut (et assimila, s’appropria) énormément.

Prélude à son absence, Robin Josserand (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 12 Janvier 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Mercure de France, Roman

Prélude à son absence, Robin Josserand, Mercure de France, août 2023, 167 pages, 17,50 € Edition: Mercure de France

 

« Voyeur, voyeuse : personne qui aime observer les choses, les gens ; personne qui se plaît à découvrir des choses cachées » ; « voyeurisme : comportement dans lequel se complaît le voyeur ».

Le narrateur de Prélude à son absence, premier roman de Robin Josserand, a trente ans. Il travaille comme bibliothécaire à Lyon et est (ou se prétend) écrivain. Il aperçoit un jour, assis près d’une pharmacie, un garçon d’une vingtaine d’années qui fait la manche. Il s’éprend de lui, lui paye l’hôtel, l’héberge, le finance, l’emmène en vacances à l’île de Groix, n’obtenant, en échange de son assiduité et de sa sollicitude, que de vagues étreintes et des demi-baisers monnayés.

Nous avons donc ici le récit d’une fascination – pour le corps du garçon, prénommé Sven avec opportunité, et aussi sans doute pour quelque chose de plus flou, de plus lointain, de moins défini, comme si le consentement de Sven, retardé et illusoire, devait annuler pour le narrateur, en les transfigurant, déceptions, manques, échecs antérieurs.