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Articles taggés avec: Abraham Patrick

Sur Âmes d’automne de Jean Lorrain (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mardi, 15 Novembre 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

 

La situation de Jean Lorrain, dans notre paysage littéraire, est singulière : ni franchement visible, ni vraiment invisible. On l’évoque ici et là quand on s’intéresse à ceux qu’il croisa, dont il se moqua, avec qui il se brouilla, qui le détestèrent. On cite des anecdotes où il eut rarement le beau rôle. On s’attarde sur des faits biographiques, toujours les mêmes, comme son célèbre duel avec Proust en février 1897 après la publication des Plaisirs et les Jours et ses insinuations venimeuses (selon Proust) sous le pseudonyme sans mystère de Raitif de La Bretonne, dans un article du Journal. On le révoque parfois pour sa misogynie supposée, son antisémitisme imbécile, son aristocratisme de pacotille. On ne le lit guère. Et c’est dommage : le recueil de nouvelles Âmes d’automne (1898), réédité en 2015 par Le Chat Rouge, nous rappelle qu’il fut à sa façon, sinon un écrivain majeur (l’œuvre est trop disparate et inégale pour cela), du moins un écrivain mineur de première importance – si tant est que ces nuances fassent sens.

Notes estivales : Padura, Cocteau, Larronde (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 19 Octobre 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

1- De la fidélité aux sources

Leonardo Padura est considéré comme l’un des auteurs les plus importants de la littérature latino-américaine d’aujourd’hui. Dans L’eau de toutes parts (Métailié, avril 2022), recueil d’articles et de chroniques consacrés à ce qu’on voudrait nommer, sans pouvoir définir le terme, la cubanité, avant de revenir sur son parcours et sur la gestation de quelques-uns de ses romans comme L’Homme qui aimait les chiens (El hombre que amaba a los perros, 2009 et 2011 pour la traduction française, aux éditions Métailié déjà), inspiré, on le sait, par la vie de Ramón Mercader, l’assassin de Trotski, mort à Cuba en 1978 après les années d’emprisonnement au Mexique et la parenthèse russe, puis de faire l’éloge de certains de ses devanciers comme Alejo Carpentier et Virgilio Piñera, il interroge sa condition d’écrivain, né à La Havane en 1955 et qui, par choix et non par contrainte, ne s’en est pas enfui : c’est donc sa position singulière face au régime communiste, ni opposant déclaré, ni « dissident de l’intérieur », ni apparatchik, qui constitue l’intérêt principal du livre et le rend passionnant.

Cavafy, Une biographie, Robert Liddell (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 07 Octobre 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Cavafy, Une biographie, Robert Liddell, éditions Héros-Limite, avril 2021, trad. anglais, Eva Antonnikov, 288 pages, 24 €

 

« Reviens souvent me prendre,

sensation bien-aimée, reviens me prendre –

quand la mémoire du corps se réveille,

et qu’un désir ancien tressaille dans le sang »

C. C., Reviens (1922)

 

La biographie de Constantin Cavafy (né en 1863 et mort en 1933, le jour de son anniversaire, d’un cancer de la gorge comme Freud) par Robert Liddell, sortie en anglais en 1974, a enfin été traduite en français par Eva Antonnikov, aux éditions Héros-Limite, en avril 2021.

L’éveil des sans-rien et autres histoires, Subimal Misra (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 29 Juin 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Nouvelles

L’éveil des sans-rien et autres histoires, Subimal Misra, Banyan Editions, avril 2022, trad. anglais (Inde), Eric Auzoux, 142 pages, 14,60 €

 

 

Sur un recueil de nouvelles de Subimal Misra

Saluons pour débuter le magnifique travail accompli par David Aimé et par les éditions Banyan : grâce à lui et grâce à elles, le lecteur français accède à des écrivains indiens (anglophones, hindiphones ou s’exprimant dans l’une des langues dites « vernaculaires » : bengali, kannara, malayalam, tamoul, etc.) qu’ignorent souvent les maisons plus importantes. Notre vision de l’Inde et de sa littérature change, s’affine. Guerre aux clichés, aux poncifs, à l’exotisme facile ! Fuyons les images chatoyantes, les chansons sirupeuses et les dénouements édifiants du cinéma bollywoodien et découvrons le sous-continent dans sa réalité parfois brutale mais toujours fascinante ! Car l’Inde est un monde.

Les Forcenés, Jean Desbordes (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 23 Juin 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Les Forcenés, Jean Desbordes, Interstices Editions, mars 2022, 181 pages, 22 €

Comme le souligne Renaud Lagrave dans son éclairante postface, Les Forcenés de Jean Desbordes (Interstices Editions, mars 2022 ; première publication par Gallimard en 1937) se caractérisent, sous de nombreux aspects, par une facture plus théâtrale que romanesque. Le récit se construit sur une succession de scènes (à tous les sens du mot) souvent paroxystiques, nous rapprochant tantôt de la tragédie (une tragédie bourgeoise évidemment), tantôt du mélodrame, qui justifient bien le titre.

Acte I : le narrateur, Georges, jeune officier en garnison à L., fiancé à la plus jeune encore Marie-Thérèse, répond aux avances de Blanche R., rencontrée lors d’une soirée costumée et qui a deux fois son âge, qui pourrait être sa mère, parce qu’elle tombe dans les escaliers. Acte II : la passion de Blanche pour Georges coûte à celle-ci son rang social et la conduit à quitter son mari, pourtant peu encombrant. Acte III : Blanche et Georges se réfugient en Provence dans une petite maison à flanc de colline ; cohabitation exaltée et par nécessité décevante ; les revenus s’amenuisent, le futur s’assombrit. Acte IV : les deux amants apprennent le suicide (raté) de Marie-Thérèse et celui (réussi) du mari ; lors d’une nouvelle dispute, chacun finit par se donner la mort, à quelques minutes d’intervalle, avec le revolver acheté par Georges.