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Lieux exemplaires, Flora Bonfanti (par Frédéric Aribit)

Ecrit par Frédéric Aribit , le Mercredi, 09 Janvier 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Lieux exemplaires, Editions Unes, septembre 2018, 75 pages, 16 € . Ecrivain(s): Flora Bonfanti

 

« Formuler une phrase, c’est allumer des torches, distribuer le feu en torches ».

Flora Bonfanti sait bien le feu qui n’en finit pas de couver dans les phrases. À mi-chemin entre l’étincelle de l’articulation originelle, et l’incendie qui embraserait tout le langage, il y a le rougeoiement des braises où naissent les premières flammes. Braises : celles de son Brésil d’origine sans doute, et de toutes ces langues qui parlent en elle comme autant de torches vives.

Les Lieux exemplaires qu’elle vient de publier se partagent en deux espaces distincts, deux textes exigeants qui interrogent pareillement poésie et philosophie ab initio, depuis ce moment où nommer le monde, c’est le faire advenir, et faire advenir en même temps un autre jeu d’équivalences qui renouvelle notre regard. Ceci est ou n’est pas cela : être, c’est toujours attribuer. D’où cette dimension fortement attributive de l’écriture de Flora Bonfanti, où s’ouvre la grammaire des possibles.

L’abandon des prétentions, Blandine Rinkel

Ecrit par Frédéric Aribit , le Vendredi, 10 Mars 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Fayard

L’abandon des prétentions, janvier 2017, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Blandine Rinkel Edition: Fayard

 

« Sans doute, n’aimons-nous jamais que les énigmes » : de celles, merveilleuses, qui voient par exemple un livre s’ouvrir sur une phrase d’Annie Le Brun. Le ton est donné : Blandine Rinkel, d’emblée, place son premier roman à un niveau d’exigence littéraire qui force le respect. Annie Ernaux ? Pierre Michon ? L’abandon des prétentions lorgne en effet vers de sacrés aînés qui en intimideraient plus d’un.

Appelons donc cela roman, puisque c’est marqué sur la couverture. Une jeune femme fait le portrait kaléidoscopique de sa mère, Jeanine, prof d’anglais à la retraite à Rezé, petite ville près de Nantes. 65 ans et, pour elle, 65 chapitres brefs écrits à la première personne – 66, en comptant ce chapitre 0 qui affiche le projet d’une fille vis-à-vis de sa mère, « regarder à travers la lucarne organique qu’est son propre regard pour enfin aller à sa rencontre » – et qui forment autant de fragments de tendresse à l’égard de celle qui n’existe que par, et pour les autres. Moussa l’ingénieur syrien, Alvirah la vieille Algérienne perdue au supermarché, Nicolas et Kareski les détenus récidivistes, Sarah la chauffeuse de poids-lourds et sa cohorte de camionneurs fêtards, Carmen la mythomane espagnole, un étrange marin russe ancien danseur du Bolchoï, Ruth l’Américaine, Brenda d’Ottawa, le jeune couple Sébastien et Romaric…

Séjour au Nevada, Bernardo Atxaga

Ecrit par Frédéric Aribit , le Samedi, 14 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Récits, Christian Bourgois

Séjour au Nevada, mai 2016, trad. espagnol André Gabastou, 472 pages, 20 € . Ecrivain(s): Bernardo Atxaga Edition: Christian Bourgois

 

Nevadarat joan nintzan

Dirurikan gabe,

Handik itzultzekotan, maitia,

Bortz miliunen jabe.

 

(J’étais parti au Nevada

Sans argent,

Pensant en revenir, mon amour,

Avec cinq millions…)

L’art et la formule, Jean-Yves Pouilloux

Ecrit par Frédéric Aribit , le Jeudi, 01 Septembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Gallimard

L’art et la formule, juin 2016, 196 pages, 18 € . Ecrivain(s): Jean-Yves Pouilloux Edition: Gallimard

 

Paru dans la collection L’Infini dirigée par Philippe Sollers, le nouvel essai de Jean-Yves Pouilloux rassemble une douzaine d’études consacrées à des œuvres pour le moins disparates. De Montaigne à Michon, de Proust à Hollan, Queneau, Paulhan, Bouvier, Jourdan… écrivains et peintres s’y côtoient, et entretiennent un passionnant dialogue qui fait fi des moyens d’expression, des genres et des siècles.

Mais loin d’être fortuite, cette accointance révèle en réalité, chevillée au corps, une conviction de l’essayiste. C’est que ces œuvres, par-delà leur hétérogénéité, sont mues par une préoccupation analogue : celle d’ouvrir à la pleine perception du monde dans l’instant du présent vécu. Ambitieux projet auquel il arrive que l’art ne renonce pas, pour peu que l’artiste sache s’abandonner à la sollicitation sensuelle qui lui livre accès à l’immédiateté de l’être dans la pleine richesse de la mémoire et de l’expérience : « l’instantané, contrairement au sentiment, à l’idée que nous nous en formons facilement, contient en réalité toute l’épaisseur du temps ; il enclot au moins en puissance tout son déploiement » (p.34).

La Cause des vaches, Christian Laborde

Ecrit par Frédéric Aribit , le Mercredi, 04 Mai 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Les éditions du Rocher

La Cause des vaches, mai 2016, 144 pages, 15 € . Ecrivain(s): Christian Laborde Edition: Les éditions du Rocher

 

 

Il y a eu Alès, il y a eu Vigan. Et tout récemment, il y a eu Mauléon, au fin fond du Pays basque. Après Saint-Jean-Pied-de-Port, dépasser Bunus, où jouait il y a peu encore le Théâtre National des Pâturages, ce TNP local, puis franchir le col d’Osquich. C’est là pourtant, dans ce cliché du bonheur Bio possible, que les Vanderdendur de l’agrobusiness remplissent leurs portefeuilles (cuir premier choix, qualité veau pleine fleur).

Les Vanderdendur ? C’est le nom voltairien que Christian Laborde donne dans son nouveau pamphlet, La Cause des vaches, à tous « les voyous, les vauriens, les vandales », ceux qui ont tout pourri, tout saccagé, au mépris du paysan, « un type nourri au lolo de la terre et de l’eau, un gonze qui connaît le patois spongieux des limaces et reçoit sur son portable les textos du vent ».