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L’Heure de l’ange, Karel Schoeman (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 07 Septembre 2018. , dans La Une Livres, Afrique, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, Phébus

L’Heure de l’ange, août 2018, trad. Pierre-Marie Finkelstein, 488 pages, 24 € . Ecrivain(s): Karel Schoeman Edition: Phébus

 

Karel Schoeman est un auteur sud-africain capital pour la compréhension de son pays, l’Afrique du Sud. Dans trois ouvrages consacrés plus spécialement aux voix, aux souvenirs, Cette VieDes voix parmi les ombresL’Heure de l’ange, cet auteur fait revivre ce pays, en utilisant ces filtres précieux, trompeurs, mais indispensables que sont les souvenirs, les traces laissées par les personnes, leur impact sur notre propre accès au souvenir. Cependant, comme dans Des voix parmi les ombres, l’accès à ces souvenirs, à cette mémoire sud-africaine, vu du côté des européens, et plus spécialement des Afrikaans, ces descendants de colons néerlandais, est bien laborieux, confus, incertain. C’est ce qu’évoque Karel Schoeman dans ce roman.

Le prétexte, car c’en est un, nous le verrons à la lecture du livre, c’est le retour d’un producteur de télévision de Johannesburg dans la petite ville de son enfance. Cet homme recherche des éléments biographiques d’un berger nommé Danie Steenkamp à qui serait apparu un ange au début du XIXe siècle.

Faux-Miroir, Bernard Alteyrac

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 27 Juin 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Faux-Miroir, mai 2018, 215 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Bernard Alteyrac Edition: Gallimard

 

Peut-on effacer ou à tout le moins atténuer les différences de classe ? C’est à cette question que s’attache Bernard Alteyrac dans son roman Faux-Miroir. Adrien est un paysan de Provence, dur à la tâche, soucieux de la prospérité de sa terre, avec pour tout espoir d’ascension sociale le mariage avec une femme de sa condition. Il est au service du marquis de Villecroze, dont il est l’intendant des terres, ce qui le distingue, un peu, du reste de la paysannerie locale. Henri de Villecroze, le fils du marquis châtelain, a connu dans sa prime enfance Adrien Juvénal, et s’est même lié avec lui, en dépit des différences sociales. Un événement, cependant, a éloigné les deux hommes : une promenade près d’un lac qui s’est très mal terminée et les a dissuadés de se revoir.

Colombe, le village natal d’Adrien, en ce début d’août 14, voit ses enfants partir au front : Adrien, bien sûr, avec ses camarades Lucien Vidal d’Arles, Victor André, Gaspard Brunet, avec lesquels il s’est lié pendant son service. Pourtant, quelque chose de troublant se produit : sur le quai de la gare de départ, Gabrielle, sœur jumelle d’Henri, s’avance vers Adrien, visiblement émue et bouleversée : elle crie, mais ses mots sont couverts par le vacarme du train qui démarre…

La vérité attendra l’aurore, Akli Tadjer

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 11 Mai 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Jean-Claude Lattès

La vérité attendra l’aurore, février 2018, 248 pages, 18 € . Ecrivain(s): Akli Tadjer Edition: Jean-Claude Lattès

 

Mohamed est ébéniste au passage du Grand-Cerf à Paris. Il n’a pu résoudre l’énigme, la grande douleur de la disparition de son frère Lyes. Celle-ci est intervenue pendant les années de la guerre civile qui opposa les Islamistes du GIA à l’armée algérienne, causant la mort de plusieurs centaines de milliers d’Algériens. Le roman débute par la description d’une photo prise le 11 août 1993 au Cap Carbon, station balnéaire située sur la corniche kabyle. Mohamed a nourri, on l’apprend par la suite, de grands espoirs pour son frère, promis à une carrière brillante en préparant une grande école, un modèle d’intégration réussie… C’est leur mère, Aïcha, qui a décidé de célébrer l’anniversaire de Lyes dans son village natal à Kseur. Vingt-cinq ans plus tard, Mohamed reçoit sur son compte Facebook un message d’une certaine Houria, dont on apprendra plus tard, à la fin du roman, qu’elle a des liens de parenté avec Mohamed : il est son oncle. Pourtant, ce qui est décrit dans ce tendre roman, c’est le pouvoir de la nostalgie : celle de l’enfance de Mohamed à Gentilly, dont le cinéma Le Gaîté-Palace est le cœur des souvenirs, des films vus avec Nelly, une amie de l’époque dont Mohamed est toujours resté très amoureux. Nous nous construisons avec nos souvenirs d’enfance, et ne pouvons nous permettre le luxe de les évacuer :

Jours de Mai, Jean-Baptiste Harang

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 02 Mai 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Verdier

Jours de Mai, février 2018, 109 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Jean-Baptiste Harang Edition: Verdier

 

Jours de Mai n’est pas une histoire détaillée de Mai 68, ni une tentative d’élucidation des significations de ce mouvement, imprévu, multiforme. Non, c’est une série d’articles, un par jour, sur le mois de mai, écrits dans Libération cinquante ans après l’événement. Chaque article d’une journée est accompagné d’une mini-revue de presse de l’époque, et c’est pour le moins comique. Ainsi apprend-on que le 5 mai, Le Figaro s’émeut de l’inconduite de ces manifestants : « Etudiants, ces jeunes ? Ils relèvent de la correctionnelle plutôt que de l’Université ». Ce même jour, Georges Pompidou et Maurice Couve de Murville, ministre des Affaires étrangères, visitent la ville historique d’Ispahan, en Iran. Le 7 mai, Alain Geismar annonce « Nous sommes prêts à négocier avec le gouvernement », tandis que la presse annonce l’ouverture de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis en construction depuis quatre ans. On trouve d’autres détails, révélateurs, de la tension sociale de cette époque, déjà perceptible depuis un an ou deux. Les ouvriers de Sud-Aviation séquestrent leur patron, Monsieur Duvochel, qui sera libéré quelque temps plus tard.

Retour à Séfarad, Pierre Assouline

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 14 Mars 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Gallimard

Retour à Séfarad, janvier 2018, 426 pages, 22 € . Ecrivain(s): Pierre Assouline Edition: Gallimard

 

Retour à Séfarad met en scène un candidat, juif séfarade, à l’obtention du passeport espagnol, démarche rendue possible par une déclaration du roi d’Espagne Sa Majesté Felipe VI qui affirme dans un discours prononcé en 2015 en guise de conclusion : « Comme Vous nous avez manqué ! ». Hommage rendu à la participation des séfarades à la vie espagnole, à la transmission à leurs enfants de l’amour de cette patrie espagnole, ce discours interpelle Pierre Assouline, qui prend au mot le discours du roi. Il sera candidat au passeport, à la nationalité espagnole. Seulement voilà : cinq siècles ont passé depuis l’expulsion de 1492, et bien des changements ont eu lieu. Pour Pierre Assouline, les tentatives de retrouvailles de la maison familiale, du cimetière, de l’ancien quartier juif, la juderia, peut-être rasée, sont vouées à l’échec ; il lui suffit de « savoir que notre mémoire précède notre naissance. De mon expédition dans ce passé-là où je suis parti retrouver des paroles, des voix, un souffle gelés dans l’hiver des livres, je n’espère pas rapporter des vérités mais tout au plus des effets de vérité. Non des preuves mais des traces puisque, comme le dit René Char je crois, seules les traces font rêver ».