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Ainsi parlait André Gide, Dits et maximes de vie, Gérard Bocholier (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 20 Octobre 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Anthologie, Les Livres, Arfuyen

Ainsi parlait André Gide, Dits et maximes de vie, Gérard Bocholier, Arfuyen, mai 2022, 176 pages, 14 €

 

 

La question qu’on pose ici est très simple : comment Gide peut-il en même temps haïr le mensonge et révérer la poésie ? Autrement dit : comment s’en tenir à la vérité dans l’irréel (car ce que la poésie rend réel, elle ne le tient en tout cas pas de lui) ? Car le mensonge lui est odieux – mentir, dit Gide, c’est jeter l’interlocuteur sur un terrain où le libre examen lui sera impossible, car on ne peut pas considérer librement ce qu’on ignore être faux – et la poésie lui est pourtant indépassable. Mentir, c’est enrayer l’esprit critique d’autrui, car on ne juge sainement que là où l’on peut contrôler (enregistrer, et rectifier) sa propre distance à la vérité, et toute victime – s’ignorant telle – d’un mensonge en est empêchée. Mais comment un poète ne mentirait-il pas, puisque tout récit se façonne, toute métaphore est méandre et diversion, et toute inspiration jaillit d’un (peu sécurisable) amont du réel ?

Le Château qui flottait, Laurent Albarracin (Poème héroï-comique) (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 27 Septembre 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Le Château qui flottait, Laurent Albarracin (Poème héroï-comique), éditions Lurlure, septembre 2022, 72 pages, 10 €

 

Mille quatre cents alexandrins exactement forment ce nouveau livre de l’auteur (paru en feuilleton dans Catastrophes de 2017 à 2019), burlesque épopée collective très bien caractérisée (« à la fois une prouesse et une énigme, un tour de force et une savonnette, une curiosité littéraire décalée – voire anachronique – et une intervention déconcertante dans le champ de la poésie contemporaine ») par son préfacier, mettant en scène (nommément) une bonne vingtaine d’ami(e)s poètes lancés à l’assaut d’un redoutable et irrésistible château de papier. On ne veut ici qu’ordonner la lecture de quelques passages de cet étonnant chef-d’œuvre, et laisser méditer ceux qui voudront bien.

D’abord, une très finaude forteresse, sachant comme se dérober à ses assaillants mêmes (p.52), ou transformant en grands enfants paumés la team d’abord plutôt nietzschéenne qui s’avance vers elle :

Vache enragée (Chokers en Survivors), Nathan Trantraal (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 24 Août 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Vache enragée (Chokers en Survivors), Nathan Trantraal, éditions Lanskine, juin 2020, trad. afrikaans, Pierre-Marie Finkelstein, 132 pages, 16 €

 

« Ce poème je l’ai écrit deux fois

parce que ma mère la première fois qu’elle l’a lu

elle m’a dit : “Tu peux pas écrire ces choses-là,

j’vais me retrouver en taule”.

C’est elle qui m’a appris

à m’débrouiller.

Pas à m’débrouiller façon gangster,

mais à m’débrouiller façon femme-seule-avec-six enfants

à m’débrouiller dans le bon sens du terme.

Règles de la vie quotidienne, Louis Lavelle (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 19 Août 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Essais, Arfuyen

Règles de la vie quotidienne, Louis Lavelle, éd. Arfuyen, 2004, Préface, Jean-Louis Vieillard-Baron, 151 pages, 15 €

 

« Faute de pouvoir se donner à eux-mêmes le bonheur, les hommes finissent par faire des objets de gloire du malheur et du trouble qui les accable : mais s’ils haïssent ceux qui ont cessé de les ressentir, ils méprisent ceux qui comme eux y sont encore plongés. Ils n’en reçoivent aucune consolation, tandis que le bonheur des autres est pour eux un reproche de tous les instants » (chap.19).

Le philosophe Louis Lavelle (1883-1951) avait laissé dans ses papiers un formidable et éclairant inédit, publié pour la première fois chez Arfuyen en 2004, puis 2010, à nouveau disponible en 2022. Le ton et le contenu du court extrait qui précède fustige, comme on le voit, un peu prophétiquement la communauté d’envie, de déploration et de ressentiment dans laquelle nous nous enlisons fièrement. Mais dénoncer n’est pas le fort de ce penseur, qui s’abstient précisément d’ajouter ainsi à la misère psycho-culturelle dont son petit livre souhaite, au contraire, nous extraire et au fond, nous sauver !

Par la vaste mer, Andrés Sanchez Robayna (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 13 Juillet 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Poésie

Par la vaste mer, Andrés Sanchez Robayna, éditions Le Taillis Pré, décembre 2021, trad. espagnol, Claude Le Bigot, 113 pages, 15 €

 

 

Qu’est-ce qu’un poète ? Une sorte de sonneur de la présence : quelqu’un qui garde dans l’oreille les sons mêmes qui, une première fois, lui ont donné envie d’entendre ; et un poète lucide et généreux est celui qui, même athée, soigne et diffuse le son religieux – un carillon lointain dans le ciel familial – qui fut son premier chant de monde. C’est que la « vaste mer » qu’évoque le titre du recueil semble bien plutôt renvoyer à un océan d’air et d’échos, tant ce qui, tout jeune, a sorti d’enfance ce poète presque septuagénaire, est – écrit-il dès les premières pages – une volée de cloches, un jour, inattendue, immense et ineffaçable, dans le ciel bas de la contrée familiale (les Îles Canaries). Comme c’est sa vocation lyrique même qui s’est jouée là, voici son récit fondateur :