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Articles taggés avec: Wetzel Marc

Là, inaltérant, Jacques Guigou (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 25 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Là, inaltérant, Jacques Guigou, l'Harmattan, février 2025, 64 pages, 10 €

 

"Parti de nuit

visage vent du large

le pélerin de l'inaltérant

trouve son viatique

dans chaque coquille" (p.46)

 

La recherche de l'inaltérable est un sentiment plutôt religieux (car quelque chose d'immuable nous semble avoir plus de chances de nous sauver une fois pour toutes), mais ce sentiment est étranger à l'auteur : notre "pélerin" est athée.

Entre sandales usées et bonnet fatigué, Christian Ducos (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 18 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Entre sandales usées et bonnet fatigué, Christian Ducos - Le Pauvre Songe, mai 2025, 100 pages, 13€

 

entre sandales usées

et bonnet fatigué -

un papillon (p.14)

Il faut s'y faire : l'humour de Christian Ducos a les larmes aux yeux, et chaque court poème ici joue d'une sorte de "oui, mais...", qui nous demande d'être (obligeamment) passé par le pire pour (espérer) prendre part au meilleur. Par exemple : Oui, le Souverain Bien est dans nos cordes, mais comme simple trophée d'un jeu de marelle ! Ou : on aura beau prédire, s'appareiller et mesurer, c'est le sol même qui reste l'infaillible sismologue ! Ou : oui, l'univers a tout comme nous ses mouvements et ses attentes, mais ce ne sont pas les mêmes !

Le Message réisophique, Laurent Albarracin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 11 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Essais, Arfuyen

Le Message réisophique, Laurent Albarracin - Arfuyen, 112 pages, mai 2025, 14 €

 

"Les poissons sont pisciformes parce qu'ils naissent d'eux-mêmes : ils grossissent peu à peu puis s'étirent jusqu'à se détacher d'eux au point de rupture de la queue, dans une sorte d'allongement abrégé dont ils sont l'histoire. Tout se passe comme si le poisson traversait un miroir - ou simplement la surface d'une eau claire - et que cette traversée lui donnait sa forme. La lente apparition-disparition du poisson est le poisson" (§ 234)

 

"Réisophie", étymologiquement, c'est la sagesse des choses. Et le Réisophe est celui qui s'y rend attentif. Parce qu'il sent qu'un contact bien compris avec les choses pourrait être leçon suffisante d'existence.

Personne dis-tu, Marc Dugardin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 03 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Personne dis-tu, Marc Dugardin préface de Anouk Delcourt, Rougerie, avril 2025, 64 p. 12 €

 

Marc Dugardin (né en 1946) est un poète (belge) discret et juste ; le poète des présences délicates et des (expressives et merveilleuses) lacunes de la vie. Par exemple, aux étoiles (belles, mais lointaines et figées), il préfère les nuages, et peut, d'une formule, en dire tout : "flottants/ indéterminés/ précis comme les trous/ d'un rêve dans la mémoire" (Table simple, p.64), et, s'ils passent et se dissipent, ils le font penser à ces autres passants - les humains, qui, eux, ont un regard, et, au contraire des nuages, savent qu'ils passent et que nous passons, et sont, eux, nos vrais "miroirs", que nous négligeons. Dugardin est un poète de la présence (parfois terrible) des autres, et de l'absence (parfois sublime) du sens : on comprend mal, parfois, ses formules elliptiques, mais ce qu'il saisit du monde nous saisit aussitôt ! Quand il parle de "la mer/ violemment/ en paix avec elle-même", on ne sait pas trop où on est, mais on y est directement.

Tonnerres de Bresk, Bruno Krebs (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 29 Avril 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Bandes Dessinées

Tonnerres de Bresk, Bruno Krebs, L’Atelier Contemporain, avril 2025, 832 p. 28 €

« Si tendre enfance, n’en garde évidemment aucune trace. Ma mère m’a conté l’épisode un jour, très naïvement. J’avais six mois, tout au plus. Au pied du manoir où je suis né, il y avait une grève. Avec mon père, on avait pris place dans cette pirogue – capitaine au long cours, mon oncle l’avait ramenée d’Afrique. Ma mère me tenait dans ses bras, quand la pirogue sur une vague esquissant menue embardée, elle m’aurait lâché. À cet âge-là, on ne flotte pas : j’ai plongé comme une pierre. Mon père avait heureusement des réflexes, le bras long et la poigne solide. Il m’a ramené sain et sauf – juste ébahi, me confia ma mère en gloussant. Lui-même n’en a conservé aucun souvenir. Quant à moi, si j’ai toujours à la fois béni, aimé et respecté les vagues, mère si maladroite lui ai toujours voué légitime défiance » (p.161).

Cet extraordinaire livre est au moins trois choses : d’abord (et comme son titre l’indique) c’est un unanime et perpétuel juron. Voilà ce qu’analyse surtout ce qui suit. Mais c’est aussi une immense foire aux revenants, comme on n’en avait jamais visitée ou ne l’avait crue possible. Enfin, c’est une universelle irrésistible déploration, un maelström d’inventives apocalypses – mais qui serait avec cela impeccable et joyeuse caravane de recettes d’existence de justesse (le genre de joie qu’on éprouve à miraculeusement survivre à l’enfer qu’on ne cesse de déclencher !).