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Francis Bacon ou La mesure de l’excès, Yves Peyré (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mercredi, 22 Avril 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Francis Bacon ou La mesure de l’excès, Yves Peyré, Gallimard Coll. Livres d’Art, septembre 2019, 336 pages, 49 €

Soit Francis Bacon. « Il me semble – avance avec justesse Michel Archimbaud – que l’on ne peut réduire la puissance de son œuvre à la seule violence fascinante et répulsive de ses images. A-t-on suffisamment souligné la beauté de sa palette, ses oranges qu’il aimait tant, ses mauves acidulés, ses verts translucides aussi angoissants que somptueux, ses bleu roi violents, ses jaunes à hurler, ses roses que seul Matisse peut-être avant lui, mais dans un tout autre registre, avait su manier avec une pareille maîtrise ? ».

Bacon « tranche, et sa vie même, qui est largement le foyer de son œuvre, en rajoute », reconnaît Yves Peyré dans Francis Bacon ou La mesure de l’excès, avant d’ajouter : « À bien des titres, elle est scandaleuse, dominée par l’alcoolisme, le jeu et l’homosexualité. Le prohibé revient en force, placé dans la position sacrée de l’épreuve, pour ne pas dire du martyre. Bacon est libre. Des chansons (“Kiss Me Hardy” de Gainsbourg en exemple) ne manquent pas de faire allusion à la pertinence de son théâtre intérieur. Bien des malentendus trouvent en cela leur assise. […] ». Lever – autant que faire se peut – les malentendus est la force immédiate de Francis Bacon ou La mesure de l’excès. C’est d’autant plus important que ces malentendus ont été entretenus par Bacon lui-même. Un exemple ?

Folio+Collège, une collection tout entière à l’écoute du langage intérieur de l’élève (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 13 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Sébastien Ouellet affirme dans sa thèse de doctorat : « Le problème […] est celui de l’appropriation de la littérature par les élèves. Ce problème est lié à des pratiques didactiques dans l’enseignement de la littérature qui s’appuient sur les connaissances de l’enseignant. Ces pratiques ne laissent que peu ou pas de place au point de vue de l’élève » [1]. Michel Develay et Olivier Reboul ont résumé cet état de fait en deux phrases implacables : « L’école répond à des questions que les élèves ne posent pas et elle ne répond pas aux questions qu’ils évoquent » [2]. « L’école impose à l’enfant des réponses à des questions qu’il ne se pose pas, tout en ignorant celles qu’il se pose » [3]. En conséquence, avance Philippe Perrenoud, « [l]e rapport au savoir se joue très visiblement autour de […] l’indifférence que suscitent certaines questions » [4]. Ce faisant, Develay, Reboul et Perrenoud n’ont fait, par certains aspects, que donner suite à un épisode d’Alice au pays des merveilles, tel que relaté par Olivier Maulini :

Penser à quelqu’un, Frédéric Worms (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 06 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Penser à quelqu’un, Frédéric Worms, Flammarion, coll. Champs essais, avril 2019, 288 pages, 9,00€

 

« Dans tous les cas, [l]e “quelque chose” à quoi je pense peut […], même “absent” être tout aussi vital pour moi, et parfois plus, que le présent qui m’entoure », remarque Frédéric Worms. Les plus belles pages de son essai sont celles consacrées à l’amour. Béatrice Bonhomme écrit en l’un de ses recueils : « Tu étais inducteur de lumière, un morceau même de la lumière du jour. / Quand je recevais tes mots sur les lettres que tu m’écrivais, il y avait des fleurs blanches posées sur le papier ». « D’une manière générale, il est impossible de définir la pensée autrement que par une relation à quelque chose qui n’est pas là. Aucune philosophie n’y échappera », prévient Frédéric Worms. Penser à un autre que l’on aime, sans lui rendre compte de cette pensée, c’est écrire des lettres qui n’arrivent pas. Qui restent en suspens. Dans l’air du matin. Mais les fleurs blanches se posent quand même, dans l’alentour de l’autre, quand bien même cet autre à qui l’on pense n’aurait pas connaissance de l’envoi de blancheur, et de la floraison qui en a été le prélude, car il vit, cet autre – on le devine, on l’espère –, dans l’inaltérable parfum que ces fleurs blanches dégagent, insouciant et heureux devant tant de beauté retenue. Une beauté dont on n’est nullement responsable. Une beauté qui tient, toute, à ces fleurs à la blancheur de jeune mariée, qui délicatement baignent, lotus, dans l’eau du cœur. De notre cœur.

Mes vies secrètes, Dominique Bona (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 28 Février 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Mes vies secrètes, Dominique Bona, Gallimard, coll. Blanche, janvier 2019, 320 pages, 20 €

 

Pour les Grecs, les défunts sont ceux qui ont perdu la mémoire. A contrario, certains privilégiés, comme Tirésias ou Amphiaraos, conservent leur mémoire après le trépas. Afin de rendre immortel son fils Ethalide, Hermès lui accorde une « mémoire inaltérable ». Comme l’écrit Apollonios de Rhodes (Argonautiques, I, 463), « même lorsqu’il traversa l’Achéron, l’oubli ne submergea pas son âme ; et quoiqu’il habite tantôt le séjour des ombres, tantôt celui de la lumière du soleil, il garde toujours le souvenir de ce qu’il a vu ». Les autres défunts n’ont pas de mémoire. Si vous voulez leur (re)donner une mémoire – leur mémoire –, il vous faudra écrire leur biographie.

Mais attention, être biographe, c’est difficile. Très. Car il faut – sans cesse – prendre en considération ceci : le caractère composite de toute personnalité. Sa multiplicité caméléonesque et son changement incessant. Ses écarts, assumés ou non. Ses tensions. Ses contradictions. Comme l’écrit Claude Romano dans Être soi-même, une autre histoire de la philosophie, « [l]e désaccord est notre train d’être le plus ordinaire : ce que nous désirons, nous ne le désirons pas, ce que nous souhaitons, nous le redoutons aussi, ce que nous croyons, nous échouons à le croire ».

La porte sans entrée, Approche du zen, Antoine Arsan (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 13 Février 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La porte sans entrée, Approche du zen, Antoine Arsan, Gallimard, avril 2019, 144 pages, 14,50 €

Ce livre de la collection Hors série Connaissance chez Gallimard semble être l’émanation, le parfum d’une citation de La Semaison du poète Philippe Jaccottet, comme si un essai pouvait être un parfum et une citation une fleur : « L’attachement à soi – écrit Jaccottet – augmente l’opacité de la vie. Un moment de vrai oubli, et tous les écrans les uns derrière les autres deviennent transparents, de sorte qu’on voit la clarté jusqu’au fond, aussi loin que la vue porte ; et du même coup plus rien ne pèse. Ainsi l’âme est vraiment changée en oiseau ».

« Un jour ou l’autre, remarque Antoine Arsan, dans un moment de silence et de paix – devant la profondeur d’un paysage –, nous avons tous fait l’expérience inopinée qu’un courant serein nous saisit, qu’il nous emporte dans un sentiment vague où se devine un peu de l’infini. Il semble qu’un vieux lien qu’on croyait disparu vibre encore, nous parviennent son écho assourdi, irrépressible et entêtant, et l’intuition qu’en nous quelque chose de souterrain répond soudain à l’universalité du monde. Et voilà justement qu’il nous appelle à lui, nous entraîne, ou bien nous nous figurons le rejoindre – nous ne nous appartenons plus : enlevés à nous-mêmes, nous voilà confondus, absorbés dans le Beau, comme s’impose une évidence, ou peut-être une vérité. Intime parousie où nous voulons déceler le divin ».