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Articles taggés avec: Gosztola Matthieu

Trois concerts, Lola Gruber (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 24 Mai 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Phébus

Trois concerts, Lola Gruber, Phébus, janvier 2019, 592 pages, 24 €

 

Lorsqu’on est soi-même musicien, l’on peut mesurer qu’il n’y a pas une fausse note dans ce roman sur la musique. Et applaudir (c’est si rare). Est-ce parce que Lola Gruber est musicienne ? Pascale Roze affirme dans son émouvante Lettre d’été : « Dire la vérité, rien que la vérité, celle qui porte le sceau du vécu. Pas s’autoriser à écrire autre chose. Pas agrémenter. Parfois, je pense que c’est la seule issue, que devant la pléthore des textes, devant les ramures infinies des formes, toutes explorées, toutes fatiguées, il ne reste qu’un seul appui, une seule légitimité à l’écrit : l’expérience, qu’un seul enjeu : sa transcription dans un langage nu comme les chiffres ».

En réalité, Lola Gruber, pour l’écriture de Trois concerts, quitte à faire mentir Pascale Roze, s’est appuyée – et c’est en cela qu’elle a pu retranscrire et communiquer dans toute sa verdeur au millier de nuances l’expérience d’une musicienne – sur un long travail de documentation.

La Fabuleuse découverte de la tombe de Toutânkhamon, Howard Carter (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 17 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, Roman, Libretto

La Fabuleuse découverte de la tombe de Toutânkhamon (traduit de l’anglais par Martine Wiznitzer), 2019, 176 pages, 8 euros 10 . Ecrivain(s): Howard Carter Edition: Libretto

 

« Depuis qu’il médite, a reconnu l’écrivain et musicien Jacques Drillon en l’un de ses – précieux – ouvrages, l’homme se demande s’il trouvera plus rapidement ce qu’il cherche derrière la "porte d’or de l’imagination", ou derrière la "porte basse et honteuse de l’expérience" dont parle Proust ». Mais il est un lacis de couloirs qui fait se rejoindre porte basse et porte d’or. Ce sont les labyrinthes de passages, de tunnels et de chambres, ornés de scènes dont la beauté se doit d’accompagner le roi défunt dans son voyage vers l’autre monde, où il sera accueilli par Osiris.

Nous songeons aux tombes égyptiennes, bien sûr (coordonnées : 25° 44′ 27″ nord, 32° 36′ 08″ est). Soit, par exemple, celle de Ramsès II, ainsi décrite par Claude Obsomer : « Un escalier d’une vingtaine de marches à glissière centrale donne accès à la porte, dont le linteau est orné de l’astre solaire […]. Un premier corridor en pente offre des parois consacrées à la renaissance journalière du roi […].

L’étranger, Albert Camus (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 12 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

L’étranger, Albert Camus, Gallimard, coll. Folio, 2013, 183 pages, 8,70 €

 

Albert Camus (1913-1960) est précis dans sa préface à l’édition américaine de L’étranger (1955). Il écrit que Meursault est « étranger à la société où il vit, il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle ». Et lorsque le meurtre advient, c’est parce que tous ses sens sont hébétés, à l’image de ce passage de La Montagne magique de Thomas Mann (nouvelle traduction, Fayard, 2016) : « Un tournant du chemin donna vue sur une gorge rocheuse et boisée, enjambée par une passerelle, où s’abîmait la cascade, et, au moment où on l’aperçut, l’effet sonore atteignit son paroxysme dans un effroyable tohu-bohu. Les masses d’eau se précipitaient à la verticale en une seule cataracte haute de sept à huit mètres, également d’une largeur considérable, avant de retomber, blanches, sur des rochers. En s’abattant, elles faisaient un tapage insensé, avec toutes les tonalités et intensités sonores pêle-mêle, coups de tonnerre et sifflements, hurlements, clameurs, cuivres, détonations, crépitements, vrombissements, carillonnements à hébéter tous les sens ».

Vathek, William Beckford (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mercredi, 03 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Libretto

Vathek, William Beckford (1760-1844), Libretto, postface Stéphane Mallarmé, 144 pages, 7,70 €

 

Est publiée probablement au début du mois de décembre 1786, chez Isaac Hignou, à Lausanne, la première édition française de Vathek ; cinq cents exemplaires sont imprimés. Paraît à Paris, chez le libraire Poinçot, en juin 1787, une deuxième édition ; le roman est alors sous-titré : Conte arabe. « [C]onte arabe qui scelle l’alliance du cauchemar gothique et du rêve oriental », résume Jean Raimond dans La Littérature anglaise (PUF, coll. Que sais-je ? 1986, p.55). Conte – écrirons-nous – qui est la cérémonie, fastueuse, précisément démesurée, au cours de laquelle est célébré le mariage du jour et de la nuit.

Le jour : « On descendit pourtant heureusement dans la vallée par de grands escaliers que l’émir avait fait pratiquer dans le roc ; et déjà on commençait à entendre le murmure des ruisseaux et le frémissement des feuilles. Le cortège enfila bientôt un sentier bordé d’arbustes fleuris, qui aboutissait à un grand bois de palmier, dont les branches ombrageaient un vaste bâtiment de pierre de taille. Cet édifice était couronné de neuf dômes, et orné d’autant de portails de bronze, sur lesquels les mots suivants étaient gravés en émail :

Saisir, Quatre aventures galloises, Jean-Christophe Bailly (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 14 Mars 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Saisir, Quatre aventures galloises, Jean-Christophe Bailly, Seuil, coll. Fiction et Cie, septembre 2018, 256 pages, 20 €

 

Le dernier essai de Jean-Christophe Bailly témoigne d’une volonté d’aborder « de l’intérieur » l’« ouest absolu » qu’est le Pays de Galles. Et ce en s’intéressant de près à l’histoire de Thomas Jones, peintre qui, à Naples, en 1782, « inventa l’art moderne avant de se retirer incompris dans sa ferme du Radnorshire » ; en identifiant le « geste poétique que formèrent l’œuvre et la vie de Dylan Thomas », l’enfant de Swansea, le « Rimbaud de Cwmdonkin Drive » ; en se penchant sur W.G. Sebald, dont le livre Austerlitz comprend un pan gallois « sur lequel se projettent, au sein même de l’exil qu’il raconte, les images d’un séjour transfiguré » ; en convoquant les vallées du sud, parmi les vestiges d’un monde qui fut celui des mineurs de charbon et que des images dues à Robert Frank ou Eugene W. Smith fixèrent.

Si sont convoqués la peinture, la poésie, le récit et la photographie, au travers d’eux, c’est la beauté (iconoclaste ?) qui apparaît*. La beauté et – à sa suite, à moins que ce ne soit l’inverse ? – la musique. Musique du monde : du pluriel.