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Frankenstein ou Le Prométhée moderne, Mary Shelley (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 16 Janvier 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Frankenstein ou Le Prométhée moderne, Mary Shelley, Gallimard, Folio Science-fiction, 2015, trad. anglais Alain Morvan, 326 pages, 4,60 €

 

Lisant Frankenstein ou Le Prométhée moderne, l’on est saisi. Il semble qu’écrivant, Mary Wollstonecraft Shelley (1797-1851) ait, douée de prescience, répondu à l’adage édicté par Christian Dotremont : « Il faut voler le feu sans perdre les braises ni les cendres, ni le froid pour lequel on l’allume, ni le froid vers lequel il disparaît ».

Il faut voler le feu. Sans perdre les braises. Ni les cendres. Ni le froid pour lequel on l’allume. Ni le froid vers lequel il disparaît. Éteignez la lumière avant de lire cet article ou, s’il fait jour, arrangez-vous pour être plongé dans la nuit. Dans une nuit seulement fracturée par la lumière de votre ordinateur ou de votre smartphone. C’est fait ? Il nous faut maintenant faire un détour (Jane Austen vous offre le voyage), assez long, pour comprendre (car c’est bien de cela qu’il s’agit) Frankenstein. Il est un moment particulièrement délicieux, dans L’Abbaye de Northanger*, dont le mécanisme déceptif (eu égard à l’horizon d’attente d’un lecteur féru de romans gothiques) est huilé par l’humour :

Les Aventures d’Alice au pays des merveilles, Ce qu’Alice trouva de l’autre côté du miroir, Lewis Carroll (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 10 Janvier 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Les Aventures d’Alice au pays des merveilles, Ce qu’Alice trouva de l’autre côté du miroir, Lewis Carroll, Gallimard, coll. Folio Classique, 1994, ill. John Tenniel, trad. Jacques Papy, édition présentée, annotée, Jean Gattégno, 374 pages, 4,10 €

 

Certes, il y a dans Alice au pays des merveilles et Ce qu’Alice trouva de l’autre côté du miroir du non-sens à foison, et le non-sens est « de l’humour qui abandonne toute tentative de justification intellectuelle, et ne se moque pas simplement de l’incongruité de quelque hasard ou farce, comme un sous-produit de la vie réelle, mais l’extrait et l’apprécie pour le plaisir » (G. K. Chesterton, Le Paradoxe ambulant, Actes Sud, 2004).

Mais l’essentiel se situe ailleurs [1]. Il y a bien longtemps déjà, le célèbre critique littéraire William Empson construisit une lecture psychanalytique (« The Child as Swain », Some Versions of Pastoral, Chatto & Windus, Londres, 1935) des Aventures d’Alice au pays des merveilles : « [L]es textes traitent si manifestement de la croissance qu’il n’y a pas grand risque à les lire en termes freudiens ». L’on se souvient de la question angoissée d’Alice, après ses deux changements de taille : « Mais si je ne suis pas la même, il faut se demander alors qui je peux bien être ? Ah ! c’est là le grand problème ! ».

Antigone, Sophocle (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 20 Décembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Bassin méditerranéen, Folio (Gallimard), Théâtre

Antigone, Sophocle, trad. grec ancien Jean Grosjean, préface Jean-Louis Backès, notes et lexique Raphaël Dreyfus, 208 pages, 4,30 € Edition: Folio (Gallimard)

 

On lit : « Le voilà mort avec la morte* ; le malheureux / consomme ses noces dans les demeures de l’Hadès ; / il montre aux hommes combien la déraison / est le plus grand mal de l’homme ». On lit aussi : « La morte t’a accusé d’être la cause / de cette mort-ci et de cette mort-là ».

On l’entend : ce qui frappe, dans cette traduction du grec ancien, ce sont les répétitions. Belle traduction d’Antigone (aussi belle, aussi puissante, et plus juste, que celle que fit, en son temps, Hölderlin), d’un homme – Jean Grosjean – qui comprit pleinement, en tant que traducteur, en tant que commentateur des évangiles, en tant que poète, en tant que conseiller littéraire enfin, la valeur d’enfance de la répétition, et permit la naissance, en poètes (la seconde naissance n’est-elle pas seule véritable, à défaut d’être la plus émouvante ?), d’Alexandre Romanès et de Lydie Dattas, qui ont su faire leur miel des répétitions. Qui ont su en faire leurs fleurs. Pour que le lecteur puisse venir = puisse les butiner. Puisse exprimer son devenir-abeille.

Au secret de la source et de la foudre, Georges-Emmanuel Clancier (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 06 Décembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Gallimard

Au secret de la source et de la foudre, Georges-Emmanuel Clancier, Gallimard, novembre 2018, 64 pages, 12 € Edition: Gallimard

 

« Le printemps des fous et celui des fleurs / Sont-ils même feu d’un même soleil », s’interroge Georges-Emmanuel Clancier, avant d’ajouter : « Mais je suis sourd / Je devine / Je sens bouger les lèvres du silence / Et livrer passage ».

Tim Mead (contre-ténor), Sean Clayton (ténor), Lisandro Abadie (baryton-basse) sont là. C’est l’heure des canapés (en écoutant, pour que le système nerveux vive sa vie à plein, le « conducteur » William Christie : The King shall rejoice, Coronation Anthem, HWV 260, 1727 ; Te Deum in D major, « Queen Caroline », HWV 280, 1714 ; The ways of Zion do mourn – Funeral Anthem for Queen Caroline, HWV 264, 1737). Lisant, l’on aimerait s’arrêter, pour aller à la fenêtre, puis revenir. Revenir pour, bientôt, se lever de nouveau, et s’apercevoir que le paysage que découpe la fenêtre est nouveau, toujours. Lisant, l’on songe à un petit olivier aimé. Lisant, l’on aimerait se servir, pour rejoindre plus vite une page choisie, d’une feuille d’un petit citron des Carmes, lui aussi aimé, aimé. L’on songe à un « terrestre enfant de la mer ».

Cahiers de prison (février-octobre 1946), Louis-Ferdinand Céline (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 29 Novembre 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Cahiers de prison (février-octobre 1946), Louis-Ferdinand Céline, Gallimard, mai 2019, édition de Jean Paul Louis, Les Cahiers de la NRF, série Céline (n°13), 240 pages, 20 €

 

Céline : il y a des pages magnifiques, en lesquelles a infusé la clarté architecturale dont fait preuve Sawallisch dans son enregistrement de La Flûte enchantée de Mozart. Pages où le rythme de la langue sert une vision.

Ainsi Voyage au bout de la nuit, et cette réécriture de La Prisonnière de Proust* : « Question de la surprendre, de lui faire perdre un peu de cette superbe, de cette espèce de pouvoir et de prestige qu’elle avait pris sur moi, Sophie, de la diminuer, en somme, de l’humaniser un peu à notre mesquine mesure, j’entrais dans sa chambre pendant qu’elle dormait. C’était alors un tout autre spectacle Sophie, familier celui-là et tout de même surprenant, rassurant aussi. Sans parade, presque pas de couvertures, à travers du lit, cuisses en bataille, chairs moites et dépliées, elle s’expliquait avec la fatigue… Elle s’acharnait sur le sommeil Sophie dans les profondeurs du corps, elle en ronflait. C’était le seul moment où je la trouvais bien à ma portée. Plus de sorcelleries. Plus de rigolade. Rien que du sérieux.