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Œuvres, Rabindranath Tagore (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 16 Juin 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Œuvres, Rabindranath Tagore, Gallimard, coll. Quarto, février 2020, trad. anglais et bengali par un collectif de traducteurs, édition de Fabien Chartier, préface de Saraju Gita Banerjee et Fabien Chartier, 1632 pages + 16 pages hors texte, 122 ill., 31 €

« Mon chant a dépouillé ses parures. Je n’y mets plus d’orgueil », confie Rabindranath Tagore (1861-1941) : voici une certaine forme de théâtre. Voici maintenant quelques-unes des notes prises par Franz Marijnen, à Bruxelles, pendant un cours donné par Jerzy Grotowski et son collaborateur Ryszard Cieślak, en 1966 : « [I]l est très important de ne jamais faire quelque chose qui ne soit pas en harmonie avec votre impulsion vitale, quelque chose que vous ne puissiez pas justifier vous-même. Nous sommes liés à la terre. Quand nous sautons en l’air, elle nous attend. Chaque chose que nous entreprenons doit être faite sans trop de hâte, mais avec un grand courage ; autrement dit, pas comme un somnambule, mais avec toute notre conscience, dynamiquement, comme le résultat d’impulsions définies. Nous devons graduellement apprendre à être personnellement responsable de tout ce que nous faisons. Nous devons chercher ». Grotowski écrit lui-même dans Vers un Théâtre pauvre (titre précieux entre tous) : « C’est en même temps quelque chose de […] difficile à définir, mais néanmoins très tangible du point de vue du travail. C’est l’action de se mettre à nu, de se dépouiller de protections de la vie quotidienne, de s’extérioriser. Non pas ‘pour se montrer’, car ce serait de l’exhibitionnisme. C’est un acte sérieux et solennel de révélation ».

Romans, tomes I et II, George Sand en la Pléiade (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mercredi, 03 Juin 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Romans, tomes I et II, George Sand, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2019, édition publiée sous la direction de José-Luis Diaz avec la collaboration d’Olivier Bara et Brigitte Diaz, n°644 et n°645, 1936 et 1520 pages, 72 et 68 €

 

Qui se souvient de Jules Janin ? En 1836, il savait se montrer emphatique : « Que faire ? que devenir ? Toutes les routes sont fermées à George Sand. Elle est femme ! Elle ne pourrait prendre rang parmi les écrivains politiques qui régissent le monde, parmi les écrivains littéraires qui gouvernent l’art. Elle est femme ! ». Et la formule est répétée non pas une, non pas deux, non pas trois, non pas quatre, non pas cinq, non pas six, non pas sept, non pas huit, mais neuf fois.

Elle est femme ? L’on a tous, en pensée, une image de l’amoureuse, parée en homme, que fut Sand. Une image convenue, faisant consensus, conforme à celle qu’ont véhiculée, en leur temps, Balzac ou Liszt. Suite à la visite qu’il rend à Sand, à Nohant, au début du mois de mars 1838, Balzac écrit à Ewelina Konstancja Wiktoria Hańska, car il veut tout lui raconter :

Francis Bacon ou La mesure de l’excès, Yves Peyré (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mercredi, 22 Avril 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Francis Bacon ou La mesure de l’excès, Yves Peyré, Gallimard Coll. Livres d’Art, septembre 2019, 336 pages, 49 €

Soit Francis Bacon. « Il me semble – avance avec justesse Michel Archimbaud – que l’on ne peut réduire la puissance de son œuvre à la seule violence fascinante et répulsive de ses images. A-t-on suffisamment souligné la beauté de sa palette, ses oranges qu’il aimait tant, ses mauves acidulés, ses verts translucides aussi angoissants que somptueux, ses bleu roi violents, ses jaunes à hurler, ses roses que seul Matisse peut-être avant lui, mais dans un tout autre registre, avait su manier avec une pareille maîtrise ? ».

Bacon « tranche, et sa vie même, qui est largement le foyer de son œuvre, en rajoute », reconnaît Yves Peyré dans Francis Bacon ou La mesure de l’excès, avant d’ajouter : « À bien des titres, elle est scandaleuse, dominée par l’alcoolisme, le jeu et l’homosexualité. Le prohibé revient en force, placé dans la position sacrée de l’épreuve, pour ne pas dire du martyre. Bacon est libre. Des chansons (“Kiss Me Hardy” de Gainsbourg en exemple) ne manquent pas de faire allusion à la pertinence de son théâtre intérieur. Bien des malentendus trouvent en cela leur assise. […] ». Lever – autant que faire se peut – les malentendus est la force immédiate de Francis Bacon ou La mesure de l’excès. C’est d’autant plus important que ces malentendus ont été entretenus par Bacon lui-même. Un exemple ?

Folio+Collège, une collection tout entière à l’écoute du langage intérieur de l’élève (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 13 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Sébastien Ouellet affirme dans sa thèse de doctorat : « Le problème […] est celui de l’appropriation de la littérature par les élèves. Ce problème est lié à des pratiques didactiques dans l’enseignement de la littérature qui s’appuient sur les connaissances de l’enseignant. Ces pratiques ne laissent que peu ou pas de place au point de vue de l’élève » [1]. Michel Develay et Olivier Reboul ont résumé cet état de fait en deux phrases implacables : « L’école répond à des questions que les élèves ne posent pas et elle ne répond pas aux questions qu’ils évoquent » [2]. « L’école impose à l’enfant des réponses à des questions qu’il ne se pose pas, tout en ignorant celles qu’il se pose » [3]. En conséquence, avance Philippe Perrenoud, « [l]e rapport au savoir se joue très visiblement autour de […] l’indifférence que suscitent certaines questions » [4]. Ce faisant, Develay, Reboul et Perrenoud n’ont fait, par certains aspects, que donner suite à un épisode d’Alice au pays des merveilles, tel que relaté par Olivier Maulini :

Penser à quelqu’un, Frédéric Worms (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 06 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Penser à quelqu’un, Frédéric Worms, Flammarion, coll. Champs essais, avril 2019, 288 pages, 9,00€

 

« Dans tous les cas, [l]e “quelque chose” à quoi je pense peut […], même “absent” être tout aussi vital pour moi, et parfois plus, que le présent qui m’entoure », remarque Frédéric Worms. Les plus belles pages de son essai sont celles consacrées à l’amour. Béatrice Bonhomme écrit en l’un de ses recueils : « Tu étais inducteur de lumière, un morceau même de la lumière du jour. / Quand je recevais tes mots sur les lettres que tu m’écrivais, il y avait des fleurs blanches posées sur le papier ». « D’une manière générale, il est impossible de définir la pensée autrement que par une relation à quelque chose qui n’est pas là. Aucune philosophie n’y échappera », prévient Frédéric Worms. Penser à un autre que l’on aime, sans lui rendre compte de cette pensée, c’est écrire des lettres qui n’arrivent pas. Qui restent en suspens. Dans l’air du matin. Mais les fleurs blanches se posent quand même, dans l’alentour de l’autre, quand bien même cet autre à qui l’on pense n’aurait pas connaissance de l’envoi de blancheur, et de la floraison qui en a été le prélude, car il vit, cet autre – on le devine, on l’espère –, dans l’inaltérable parfum que ces fleurs blanches dégagent, insouciant et heureux devant tant de beauté retenue. Une beauté dont on n’est nullement responsable. Une beauté qui tient, toute, à ces fleurs à la blancheur de jeune mariée, qui délicatement baignent, lotus, dans l’eau du cœur. De notre cœur.