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Grand Canyon, Vita Sackville-West (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 08 Juin 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Autrement

Grand Canyon, Vita Sackville-West, mai 2022, trad. anglais (Royaume-Uni) Mathilde Helleu, 296 pages, 21,90 € Edition: Autrement

 

« Tiens, voici un beau roman vibratoire, lis-le, n’en parlons pas, je saurai à ton regard quand tu l’auras lu ». Voilà ce qu’on voudrait dire à une personne aimée en déposant sur une table chez elle l’exemplaire de Grand Canyon dont on vient de tourner la dernière page, ému, touché en un noyau stable au fond de soi, comme à chaque fois qu’on lit un roman de Vita Sackville-West. Mais ce serait un peu court, comme critique – alors qu’au fond elle dirait l’essentiel.

Tâchons donc de nous plier à l’exercice, pour partager Grand Canyon avec tout le monde. La vie de Vita Sackville-West est bien documentée, la vie celle qui inspira Orlando à Virginia Woolf, et fut son Orlanda, que ce soit par ses propres écrits autobiographiques (dont un remarquable et apaisant Journal de mon jardin) ou par sa correspondance, et nul doute qu’on pourrait y trouver la raison de ces romans et nouvelles quasi tous traduits en français, au contraire de sa poésie.

Le Temps des secrets, Marcel Pagnol (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 30 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Grasset

Le Temps des secrets, Marcel Pagnol, mars 2022, 264 pages, 8 € Edition: Grasset

 

Trente-deux ans après qu’Yves Robert a adapté au cinéma La Gloire de mon père (1957) et Le Château de ma mère (1958), c’est Christophe Barratier, le réalisateur des Choristes, qui adapte Le Temps des secrets (1960), le troisième volet des Souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol. Certes, Le Temps des secrets et Le Temps des amours avaient fait l’objet d’une adaptation télévisuelle en 2007, mais la sortie sur grand écran est une belle occasion pour Grasset pour rééditer ce troisième volet dans une belle petite édition de poche agrémentée d’un cahier de photos du film – qui, ainsi que la bande-annonce, incitent à se dire qu’il s’agit d’une belle ode ensoleillée à une Provence et une enfance désormais révolues. Certains hurleront à la nostalgie, voire verront dans ce film des intentions fâcheuses, comme à chaque fois que le vrai en nous est célébré autrement que par le laid – laissons hurler les loups, et replongeons-nous dans Le Temps des secrets (avant d’aller le voir au cinéma avec des enfants dont l’âge oscille entre celui de Petit Pierre et celui du jeune Marcel, de Lili, son ami provençal, et d’Isabelle, celle avec qui il découvrira qu’aimer, c’est intense).

Un Oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 25 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman, USA

Un Oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke, avril 2022, trad. anglais (USA) Anne Wicke, 362 pages, 8,70 €

 

Autant préciser de suite : ce roman ne mérite en rien les critiques élogieuses qui ont incité à l’ouvrir et à en lire péniblement les cent premières pages, puis à vagabonder au fil des suivantes dans l’espoir vain d’y trouver un peu de lumière. Pire encore : le fait que ce roman ait reçu pareil accueil critique est inquiétant, car cela en dit long sur l’époque, sur sa délectation pour le laid, son goût immodéré pour la fange (quand bien même ornée de quelques tournures lexicales poétisantes), sa tendance à confondre l’asservissement au sordide cantonné au niveau du fait divers avec l’élégance de certains auteurs d’antan qui surent sublimer le fait divers, et un jour il est à espérer que cette époque sera jugée comme telle, un jour où l’élégance, tant du style que du propos, sera enfin attendue et reconnue.

Reprenons. Un Oiseau blanc dans le blizzard est la narration par Kat, seize ans, de la vie dans une banlieue huppée quelconque sise dans l’Ohio, narration provoquée par la disparition soudaine de sa mère – dont, on l’écrit afin d’éviter tout suspense inutile, le corps sera retrouvé en fin de roman, dans le réfrigérateur familial.

Moi, Asimov, Isaac Asimov (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 16 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Folio (Gallimard), Biographie

Moi, Asimov, avril 2022, trad. anglais (USA) Hélène Collon, 624 pages, 10,40 € . Ecrivain(s): Isaac Asimov

 

Autant être honnête : à moins d’être un admirateur quasi pathologique d’Isaac Asimov, cette autobiographie a tôt fait de lasser, voire peut franchement tomber des mains. Pour l’apprécier, il faut avoir envie de lire les propos auto-célébrants d’un auteur qui certes prévient que la modestie est absente de ses qualités mais dont l’autosatisfaction confine parfois à la cuistrerie. Un exemple puisé au hasard : lorsqu’il évoque Robert Silverberg, autre grand écrivain américain de science-fiction, il écrit ceci : « il était certainement aussi brillant que moi, ce qui a dû lui poser les mêmes problèmes d’insertion sociale ». C’est le « certainement » qui fait grincer des dents…

D’un autre côté, force est d’admettre qu’Isaac Asimov fut un auteur prolifique au possible, un touche-à-tout de génie, un vulgarisateur scientifique de première importance, et le créateur d’au moins deux séries de romans de science-fiction indépassables, celui de Fondation (où il crée la notion de « psychohistoire », dont on pourrait penser que le Club de Rome s’est inspiré au début des années soixante-dix) et celui des robots (dans lequel il crée les trois lois de la robotique, qui vont marquer l’ensemble de la création littéraire et cinématographique, puis télévisuelle). Bref, oui, un génie.

Les Saisons et les jours, Caroline Miller (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 11 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Belfond

Les Saisons et les jours, Caroline Miller, mars 2022, trad. de l’anglais (USA) Michèle Valencia, 437 pages, 14 € Edition: Belfond

Paru un an avant Autant en emporte le vent, Les Saisons et les jours (1933) avait une réputation à tout le moins flatteuse, mais souffrait d’une singulière absence en librairie : un roman dont on entendait parler bien plus qu’on ne le lisait, malgré son succès colossal aux Etats-Unis durant plus de trente ans – puis un oubli lié probablement à l’arbre qui cachait la forêt : Autant en emporte le vent. L’ironie de la chose est que Margaret Mitchell fut découverte suite au succès du roman de Caroline Miller, qui reçut en 1934 le Prix Pulitzer : le roman du Sud des Etats-Unis, ce Sud perdant de la guerre de Sécession, c’est elle qui l’a inventé (ou presque), elle qui naquit en Géorgie et mourut en Caroline du Nord.

Ces lieux se retrouvent dans Les Saisons et les jours, mais inversés : la famille de Cean Carver est partie de Caroline pour arriver en Géorgie avant sa naissance, et sa mère qui « était née dans les collines rouges […] ne s’habituait pas aux bancs de sable, aux plaines boisées, immenses et solitaires, chichement ombragées par des pins aux longues aiguilles, qui soupiraient sans cesse, gémissaient par temps orageux et que les forts vents d’automne déracinaient et laissaient se dessécher au fil des saisons ».