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A Rebours, Joris-Karl Huysmans (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 08 Février 2023. , dans La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

A Rebours, Joris-Karl Huysmans, Folio, août 2022 (édition : Pierre Jourde ; gravures : Auguste Lepère), 592 pages, 8,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Flaubert avait pour ambition d’écrire un roman sur rien, ou presque ; ce sera Bouvard et Pécuchet, inachevé. Huysmans, quatre ans après la disparition du maître, publiera un roman où effectivement rien ne se passe, où les seuls événements sont avortés : À Rebours. Dix ans après un premier recueil de poèmes d’inspiration romantique, dix années où Huysmans s’inscrit dans la veine naturaliste (il participe aux soirées de Médan, organisées par et autour de Zola), le temps de trois romans et une longue nouvelle, il pousse jusque dans ses derniers retranchements le naturalisme et invente quasi le symbolisme en narrant la vie recluse d’un esthète maladif, tant de corps que d’esprit, Des Esseintes.

Comme à l’habitude lorsqu’il est question d’un classique lu ou relu des décennies ou des siècles après sa première publication, l’on est en droit de s’interroger : quel intérêt à l’ouvrir, à s’y plonger quelques heures, alors que foisonne une actualité éditoriale plus en phase avec le monde contemporain ?

Le Silmarillion, J.R.R. Tolkien (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 01 Février 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Fantastique, Science-fiction, Christian Bourgois

Le Silmarillion, J.R.R. Tolkien, Christian Bourgois, septembre 2022, trad. anglais, Daniel Lauzon, ill. Ted Nasmith, 480 pages, 24,90 € . Ecrivain(s): J. R. R. Tolkien Edition: Christian Bourgois

 

L’histoire veut que lorsque Tolkien, fort du succès de librairie du Hobbit en 1937, présenta à son éditeur, Allen & Unwin, mais aussi à Collins, Le Silmarillion, un lecteur d’un des comités de lecture rendit une note indiquant que le récit était fort mais trop teinté de mythologie pour être publié en même temps que Le Seigneur des Anneaux au mitan des années cinquante. Cette raison est doublée d’une autre, plus pragmatique : les frais d’impression étaient alors toujours très élevés en Angleterre, et ajouter un quatrième volume, à la destinée moins certaine, à ceux du Seigneur des Anneaux, était prendre un risque inconsidéré. Tolkien reprit son manuscrit mais n’arrêta pas pour autant de s’atteler à son œuvre, son grand œuvre probablement, entamé vingt ans avant la publication du Hobbit et poursuivi jusqu’à sa mort en 1973 – c’est son fils Christopher qui, à la demande de son père, organisa en un volume cohérent un ensemble d’histoires dispersées sur des milliers de pages manuscrites mais pas disparates en 1977. Et naquit la légende.

L’Ami commun, Charles Dickens (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 18 Janvier 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Iles britanniques, Roman

L’Ami commun, Charles Dickens, Folio, août 2022, trad. anglais, Lucien Carrive, Sylvère Monnod, 1328 pages, 15,50 € . Ecrivain(s): Charles Dickens

Publié entre mai 1864 et novembre 1865 en fascicules, et en volume fin 1865, L’Ami commun est le dernier roman terminé par Dickens, et l’un des sommets d’une œuvre qui ressemble à bien des égards à un Himalaya littéraire. Si la critique et le public de l’époque ne l’ont que peu goûté, le temps a fait son œuvre, et le découvrir en 2023, dans une traduction vigoureuse rendant à merveille tant la verve sociale que l’humour tendre de Dickens, c’est la garantie d’une grande joie de lecture. Et, contrairement à ce qu’affirmait Henry James en 1865, les personnages de ce roman, par leurs excentricités et non malgré elles, sont autant de morceaux d’humanité, qui mènent à une compréhension plus complexe, approfondie, de celle-ci.

Certes, l’intrigue semble touffue, puisque les lieux et les personnages sont, comme souvent chez Dickens, multiples : du bas au haut de l’échelle sociale, échelle à gravir ou à dégringoler, c’est l’Angleterre victorienne qui défile durant ces plus de mille pages, et les personnages avancent de surcroît, pour nombre d’entre eux, masqués – et que tombent ces masques, pour une magnifique célébration, à la fin du roman ! C’est tout le jeu de dupes de la société moderne que met en scène Dickens, et ce dès un second chapitre ironique dû à une répétition lexicale qu’ont choisi de respecter les traducteurs :

Jardins de poussière, Ken Liu (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 04 Janvier 2023. , dans La Une Livres, En Vitrine, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman, Science-fiction

Jardins de poussière, Ken Liu, Folio, septembre 2022, trad. anglais (USA) Pierre-Paul Durastanti, 624 pages, 9,90 € Edition: Folio (Gallimard)

Ken Liu est sino-américain : émigré avec sa famille à l’âge de onze ans, fils d’une mère chimiste et d’un père ingénieur, et lui-même devenu ingénieur logiciel pour Microsoft tout en ayant étudié la littérature anglaise, puis le droit. Tout est dit. Ou presque. Disons que si ces données biographiques étaient les termes d’une équation, ils ne pourraient que démontrer l’excellence de Jardins de poussière, le second recueil de nouvelles de Ken Liu publié en français – outre une poignée de romans et une quadrilogie de fantasy toujours en cours de traduction.

En effet, cet auteur emmène le lecteur vers une forme d’étrangeté liée tant aux univers proposés – qui sont souvent « post-humains », ou du moins postérieurs à l’humanité telle que nous la connaissons – qu’à une « touche chinoise » troublante pour le lecteur occidental mais pourtant bienvenue, puisqu’elle semble insuffler une forme de poésie à certaines des vingt-cinq nouvelles ici recueillies. Cette poésie est peut-être ce qui permet à ces nouvelles d’échapper à l’étiquette « hard science » : Ken Liu a un esprit scientifique et refuse de laisser le lecteur dans le flou de notions vagues (on peut même enfin comprendre le pourquoi et le comment des cryptomonnaies au fil de Empathie byzantine, qui évoque aussi avec une relative férocité le « marché » des ONG) – tout semble plausible dans ces récits.

De Perle et de Corail, Tome 1, La Fiancée Varéniane, Mara Rutherford (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 07 Décembre 2022. , dans La Une Livres, La Martinière Jeunesse, Les Livres, Critiques, Jeunesse

De Perle et de Corail, Tome 1, La Fiancée Varéniane, Mara Rutherford, La Martinière Jeunesse, août 2022, trad. anglais (USA) Céline Morzelle, 496 pages, 20 € Edition: La Martinière Jeunesse

 

Il y a plus d’un siècle, S.S. Van Dine publia dans un article les vingt règles pour écrire des romans policiers, genre alors en plein essor et en vogue aux Etats-Unis ; à charge pour les auteurs talentueux, inventifs, créatifs, de sortir de ces règles, voire de les pervertir – ce sont ceux que l’histoire littéraire a retenus, ceux dont on prend aujourd’hui encore plaisir à lire les romans et nouvelles. Aujourd’hui, nul doute que pourraient être publiées (peut-être le sont-elles, peut-être sont-elles même enseignées durant des séminaires de creative writing) les vingt règles pour écrire un roman de fantasy – et probablement que Mara Rutherford, précédemment journaliste, les aurait imprimées et affichées au-dessus de son bureau avant d’écrire La Fiancée Varéniane, premier tome d’une duologie intitulée De Perle et de Corail.