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Le Rire ou la vie, Anthologie de l’humour résistant 1940-1945, Alya Aglan (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 11 Septembre 2023. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard)

Le Rire ou la vie, Anthologie de l’humour résistant 1940-1945, Alya Aglan, Folio, avril 2023, 304 pages, 9,20 € Edition: Folio (Gallimard)

La création autour de la Résistance, contemporaine ou postérieure à celle-ci, est la plupart du temps placée sous le signe de la tragédie, celle d’une violence subie mais à refuser, ou, plus rarement, de l’espoir. Les auteurs, poètes, romanciers ou cinéastes, plus rarement musiciens, peintres ou sculpteurs, témoignent de l’horreur de l’Occupation ou disent leur désir que persiste le Beau dans le Laid, en témoigne en particulier la magnifique anthologie La Résistance et ses poètes (France 1940/1945) publiée par Pierre Seghers pour la première fois en 1974. Espoir : Liberté, de Paul Éluard, parachuté à des milliers d’exemplaires sur la France occupée ; tragédie et pourtant désir de vivre dignement, Je trahirai demain, de Marianne Cohn :

Je trahirai demain pas aujourd’hui.

Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,

Je ne trahirai pas.

La Jolie Madame Seidenman, Andrzej Szczypiorski (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 04 Septembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays de l'Est, Roman, Editions Noir sur Blanc

La Jolie Madame Seidenman, Andrzej Szczypiorski, Les Éditions Noir Sur Blanc, mai 2023, trad. polonais, Gérard Conio, 272 pages, 23 € Edition: Editions Noir sur Blanc

 

Le titre choisi pour l’édition française du septième roman d’Andrzej Szczypiorski (1928-2000), le plus connu avec Messe pour la ville d’Arras, est malheureux, La Jolie Madame Seidenman (1986), bien que permettant d’articuler un réseau d’interactions après son arrestation dans la Varsovie de 1943, n’est au fond qu’un prétexte pour l’auteur destiné à montrer l’état d’esprit de cette Varsovie au travers du sort et des réflexions d’une poignée de personnages, certains récurrents, d’autres passagers clandestins, la narration oscillant entre le point de vue d’un narrateur omniscient et celui des différents personnages. Le titre polonais est Le Commencement, comme celui d’une Pologne qui doit continuer après la Seconde Guerre mondiale, écartelée, perdant peu à peu sa polonitude, si l’on permet ce barbarisme. Même si le texte de quatrième de couverture présente Irma Seidenman, devenue Maria Magdalena Gotomska afin d’échapper aux persécutions allemandes, comme le personnage auquel le lecteur va s’attacher, au fond, le vrai personnage central de ce roman, c’est la Pologne.

Hildegarde, Léo Henry (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 30 Août 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

Hildegarde, Léo Henry, Folio, avril 2023, 608 pages, 10,90 € Edition: Folio (Gallimard)

Hildegarde est l’œuvre d’un polygraphe renommé, tant nouvelliste « classique » qu’auteur de science-fiction, tant scénariste de bandes dessinées qu’auteur de jeux de rôle ; Hildegarde est un roman au contenu magistral, issu d’une documentation aussi pointue et fouillée que pertinente au sujet traité : la biographie d’Hildegarde von Bingen, la religieuse bénédictine aussi bien versée dans le mysticisme (un rien de magie parcourt le roman, avec l’une ou l’autre vision forcenée) que dans la botanique ou dans la composition ou l’illustration. Henry parvient au tour de force de représenter une époque, surtout d’un point de vue intellectuel au sens large du mot, de la philosophie à la théologie avec passage par une politique teintée des deux premières, allant de la première Croisade à l’œuvre de Chrétien de Troyes (naissance et mort d’Hildegarde obligent) – les deux étant représentatives d’un esprit propre au XIIe siècle. C’est que Henry a eu l’intelligence de tout entremêler sans que le mélange devienne confus : les chapitres portent sur des légendes, des histoires, des vies, et sont comme autant de poupées russes, chacun comportant en son sein de mini-chapitres, qui eux-mêmes, etc. Et Hildegarde ? Elle est silencieuse, si l’on peut dire, et le chapitre qui lui est consacré est composé de regards sur elle : il l’illumine sans entrer dans sa conscience propre, ce dont s’abstient Henry avec intelligence, tout en offrant une belle… vision de la bénédictine.

Apprendre à faire l’amour, Alexandre Lacroix (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 21 Août 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Essais

Apprendre à faire l’amour, Alexandre Lacroix, Champs/Flammarion, mai 2023, 224 pages, 9 €

Ce matin à la radio, What’s going on de Marvin Gaye : la voix du chanteur-phare de la Motown, sensuelle, dont chaque intonation est servie par une tessiture qui tient du velours et de la soie tout en étant un coton rassurant, vogue sur des arrangements complexes et un rythme qui échappe au binaire. Alexandre Lacroix marquera son accord à la comparaison : cette chanson de Marvin Gaye donne envie de faire l’amour à la femme aimée, d’accorder les coeurps (néologisme indiquant une préférence pour un « holisme strict » tel que défini dans Apprendre à faire l’amour) à ses vibrations – et si la femme aimée est absente, cette chanson fait penser à elle, tout comme la jazzy et rythmiquement affolante Wild is the wind interprétée par Nina Simone, envoûtante elle aussi dans la présence et dans l’absence. Tout le contraire d’une chanson contemporaine à celle de Gaye, 1971, signée James Brown, Hot pants, dont le titre seul (« mini-short moulant ») indique la teneur : alors que Gaye fait l’amour, Brown baise. Chez le second, cette rythmique lourde et répétitive, cette voix qui tient du feulement, du cri, et de tout ce qui rugit entre les deux, c’est de la baise. Voici, en deux chansons, expliquée la teneur du bel essai d’Alexandre Lacroix, Apprendre à faire l’amour, découvert par le biais d’une brillante interview radiophonique – écouter la radio, donc, pour avoir envie de faire l’amour et en entendre parler.

Le Royaume de Pierre d’Angle, Tome 1, l’Art du Naufrage, Pascale Quiviger (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 12 Juillet 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Fantastique, Roman

Le Royaume de Pierre d’Angle, Tome 1, l’Art du Naufrage, Pascale Quiviger, Folio, mars 2023, 496 pages, 9,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Ouvrons sur une taquinerie de lecteur attentif : dans un univers de type médiéval, Quiviger fait dire à un personnage le mot « résilience » (page 463) ; c’est une maladresse lexicale, et l’on en sourit – parce que c’est bien le seul défaut à la cuirasse narrative de ce premier tome du Royaume de Pierre d’Angle que l’on ait trouvé. Enfin, on en connaît un autre, qui est en fait une grande qualité : sa dernière page, qui donne envie de se jeter sur ses trois successeurs afin de connaître la suite et la fin des aventures du prince Thibaut et sa fascinante femme, Ema Beatriz Ejea Casarei. Bien sûr, puisqu’on est au fait des codes de la fantasy, on se doute schématiquement de cette suite et de cette fin, et cette connaissance des codes en question nous a d’ailleurs déjà fait lâcher maints volumes récemment publiés. Mais impossible de laisser choir L’Art du Naufrage, qui a envoûté dès la première page et qu’on a lu goulûment, chaque pause, au travail, à la maison, même brève, étant l’occasion de quelques pages au moins.