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Alain Damasio : Quatre romans de SF (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 05 Mai 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Science-fiction

 

La Zone du dehors, Gallimard/Folio, février 2021, 656 pages, 11,50 €

La Horde du Contrevent, Gallimard/Folio, février 2021, 736 pages, 11,50 €

Aucun souvenir assez solide, Gallimard/Folio, février 2021, 400 pages, 8,60 €

Scarlett et Novak, éditions Rageot, mars 2021, 64 pages, 4,99 €

 

À l’occasion de la réédition au format poche du troisième roman d’Alain Damasio, Les Furtifs, la collection Folio propose à nouveau ses deux romans précédents, La Zone du dehors (1999 ; nouvelle version en 2007, celle ici proposée) et La Horde du Contrevent (2004), ainsi que son unique recueil de nouvelles, Aucun souvenir assez solide (2012). Ces rééditions, sous une intéressante maquette typographique unique, qui rappelle certains graphismes des années soixante-dix tout en évoquant la fluidité du style de Damasio, sont une pure incitation à se replonger dans ces livres, envie déjà générée par la lecture des Furtifs, roman extraordinaire mais dont on se rend aisément compte qu’il est le fruit d’un long cheminement, tant philosophique et spirituel que littéraire au sens de la recherche d’un style pour dire.

Manon Lescaut, Abbé Prévost (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 20 Avril 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

Manon Lescaut, Abbé Prévost, Folio+Lycée, mars 2021, dossier de Guillaume Duez, 272 pages, 3,05 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Quasi trois siècles après sa publication à Amsterdam, le huitième tome des Mémoires d’un homme qualité, intitulé, en 1731, L’Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, est à nouveau réédité – encore et toujours, peut-on constater, et dans une édition destinée à des lycéens, dossier pédagogique à l’appui. C’est la vertu d’un classique, associée au rôle de l’école : celle-ci rappelle la présence de certains ouvrages dans l’imaginaire collectif. D’un autre côté, on peut ressentir une douce mélancolie à l’idée que les romans, pièces de théâtre et autres recueils de poèmes autrefois disponibles dans de simples éditions de poche, comme part du tout-venant dans la société, soient aujourd’hui siglés « pour l’école » de façon spécifique, comme si l’école était désormais leur seul lieu d’existence – puis on les oublie, puis on les met de côté, puis on retourne à la frénésie du monde moderne.

Pour Emma (première partie) - Madame Bovary, Gustave Flaubert (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 13 Avril 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Madame Bovary, Gustave Flaubert, Folio Gallimard, 2001, édition de Thierry Larget, 528 pages, 4,10 €

Lorsque l’on effectue une recherche relative à Gustave Flaubert (1821-1880) sur le site de La Cause Littéraire, on trouve des articles dans lesquels cet auteur est mentionné en passant, référence obligée, deux listes de « livres à lire » dans lesquelles le roman Madame Bovary (1857) est plus qu’honorablement classé (c’est bien, ça a un petit côté trophée sportif, à ceci près qu’on a omis de mentionner dans quel club évoluait Flaubert, à moins que ce soit Emma Bovary qui pratique le patinage artistique ou ait pris des stéroïdes ?), et deux articles dédiés à cet auteur. L’un est la recension d’un ouvrage relatif à sa vie, ouvrage dont les extraits cités laissent à penser qu’il est aussi passionnant et réjouissant qu’un petit crachin occupant une journée de novembre (le mois, pas la nouvelle de Flaubert). L’autre est la recension des volumes II et III de ses Œuvres « en la Pléiade » et s’intéresse en long et en large à la phrase flaubertienne – en omettant de citer que le paragraphe dont Flaubert était le plus fier, dans Madame Bovary, était le suivant : « Six heures sonnèrent. Binet entra ». Bref, on indique qu’il faut lire Madame Bovary, n’en déplaise au procureur Pinard, on parle (mal) de la vie de l’auteur, et on glose sur son style – et comme d’habitude avec un classique « qu’il faut avoir lu », l’impression désolante que tout un discours périphérique semble interdire de voir l’œuvre autour duquel il gravite.

Bestiaires du Moyen Âge, Michel Pastoureau (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 06 Avril 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Points

Bestiaires du Moyen Âge, novembre 2020, 336 pages, 13 € . Ecrivain(s): Michel Pastoureau Edition: Points

 

Publié pour la première fois en 2011, Bestiaires du Moyen Âge bénéficie d’une réédition en poche récente ; l’occasion est belle d’ouvrir à nouveau cet essai qui est avant tout un parcours dans l’imaginaire qui fonde la société occidentale. D’autant plus belle que cette édition de poche est imprimée sur un épais papier glacé et illustrée de nombreuses reproductions d’enluminures provenant de manuscrits précieux. En un sens, puisque mise en rapport entre le sens et l’image, entre ce qui est dit et ce qui est montré, cet ouvrage spécifique s’inscrit dans la logique de l’œuvre d’historien de Michel Pastoureau : étude de l’héraldique, étude des couleurs (à parfois décoder dans leur symbolique en rapport avec l’animal), Les Animaux célèbres, en 2001, un ouvrage sur l’ours, un autre sur le cochon – ça devait bien en arriver là un jour ou l’autre. D’autant que les études spécifiquement animalières de Pastoureau découlent à leur tour d’un intérêt relativement récent porté par les historiens à l’animal en tant que tel, et non pas en tant que simple adjuvant à l’Histoire – intérêt cristallisé par le médiéviste Robert Delort en 1984 avec Les Animaux ont une histoire.

Les Furtifs, Alain Damasio (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 31 Mars 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Folio (Gallimard), Science-fiction

Les Furtifs, février 2021, 944 pages, 11,50 € . Ecrivain(s): Alain Damasio Edition: Folio (Gallimard)

 

Qui aujourd’hui peut prétendre à inventer une langue ? Une langue pas juste littéraire s’entend, une langue-univers, une « sangue » – autant citer Les Furtifs sans préciser, que tout le monde s’y perde pour comprendre ? On croise de pauvres petites phrases averbales, de pauvres petites figures de style convenues au possible, des expérimentations creuses – mais une langue, une vraie, une porteuse d’un univers ? Non, rien. Puis il y a Damasio, depuis La Zone du dehors, coup d’essai magistral, et surtout La Horde du contrevent, chef-d’œuvre magistral, équipée sauvage dans la langue, tant à inventer qu’inventive, et dans un désert habité de multiples aventures. Car là se trouve le nœud de l’énigme Damasio : il offre à la langue une fureur vibrante rare tout en racontant des histoires haletantes. Damasio, c’est la rencontre de Valère Novarina et de Maurice Dantec, ou la sublimation des deux, et dans une époque où la littérature semble devenue un jeu intellectuel à destination de ceux qui sachent ou une petite suite d’histoires sordides aux personnages bidimensionnels, c’est un compliment absolu. Damasio, c’est l’auteur absolu pour dire le monde dans lequel nous vivons – et ses cauchemars à venir, mais aussi, surtout ! son désir poétique, virulent, enflammé.