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Georges Bernanos, Folio : La Liberté, pour quoi faire ? et Français, si vous saviez, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 25 Octobre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Georges Bernanos, Gallimard/Folio, janvier 2017 : La Liberté, pour quoi faire ?, 256 pages, 9,30 € ; Français, si vous saviez…, 496 pages, 11,10 €

 

J’aime bien les diacres de la paroisse où je vis et dans l’église de laquelle je me rends chaque dimanche matin pour tenter de me réconcilier avec la foi en Dieu au lieu de me battre comme un chiffonnier avec, ce que je devrais arrêter de faire à quarante-quatre ans, mais bon, je n’arrive pas à devenir un adulte raisonnable ; ils sont doux, ils sont gentils, ils sont pour la paix dans le monde, et les intentions qu’ils lisent durant la messe regorgent d’une bonté délicate. Mais ils m’énervent. Mais ils énerveraient Bernanos. Ils sont pour toutes les bonnes causes, celles vues au journal télévisé, ils sont contre la misère désignée par le même journal télévisé, contre la pauvreté de ceux qui vivent seuls, et bla-bla, mais ils passent à côté de la plus grande misère qui soit, la seule qui devrait être consolée car d’elle découlent toutes les autres : les âmes modernes sont vides.

L’Incendie de la Maison de George Orwell, Andrew Ervin

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 17 Octobre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Roman, USA

L’Incendie de la Maison de George Orwell, trad. anglais (USA) Marc Weitzmann, janvier 2016, 248 pages, 22 € . Ecrivain(s): Andrew Ervin Edition: Joelle Losfeld

 

Andrew Ervin (1971) a eu une activité de critique avant de publier quelques nouvelles dans diverses publications et L’Incendie de la Maison de George Orwell, son premier roman, en 2015, roman dont Gallimard a aussitôt acquis les droits de traduction, générant ainsi une relative attente : que contient donc de si crucial ce roman américain pour qu’il génère de la sorte l’envie d’un éditeur francophone ? Il contient en germe deux grands romans, dont malheureusement aucun des deux n’est vraiment abouti, malgré des passages excellents d’une très grande justesse.

L’Incendie de la Maison de George Orwell, c’est l’histoire de Ray Welter, publicitaire génial parti de Chicago pour s’installer sur l’île de Jura, dans les Hébrides. Plus précisément, il désire occuper Barnhill, la maison où Eric Blair, mieux connu sous son nom de plume, George Orwell, écrivit son ultime roman et son grand chef-d’œuvre, 1984. Ce roman obsède Welter au point qu’au détour d’une crise existentielle et professionnelle à la fois (il a réussi à faire vendre des véhicules 4X4 en créant de toutes pièces un faux mouvement protestataire, et cela l’incite à se poser des questions, d’autant que son père meurt dans l’explosion d’une usine ; accessoirement, il divorce), il décide donc de vivre là où Orwell l’a écrit.

Fragments d’un voyage immobile, Fernando Pessoa

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 11 Octobre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Rivages poche, Langue portugaise, Poésie

Fragments d’un voyage immobile, précédés d’un essai d’Octavio Paz, trad. portugais Rémy Hourcade, 128 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Fernando Pessoa Edition: Rivages poche

 

Lit-on vraiment l’œuvre de Fernando Pessoa (1888-1935) ? Oui, et non. Oui, une première fois, on se laisse porter par les poèmes ou la prose ; non, parce qu’ensuite on ne cesse d’y revenir, suivant les signets ou attendant du vent qu’il ouvre le volume écorné, à force, à une page quelconque qu’on lira puis qu’on rêvera. On sirote, on picore au final plus Pessoa qu’on ne le lit, en somme. Ce picorage, cette maraude quasi, c’est exactement ce que propose le petit volume Fragments d’un Voyage Immobile réédité ces jours-ci par les éditions Rivages dans leur collection de poche – avoir toujours Pessoa à portée de la main, même sous forme de « fragments », en tout lieu, tout moment, ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité.

Avant d’aborder les « fragments » en question, considérons la préface, en fait un essai signé Octavio Paz (1914-1998), long d’une quarantaine de pages, intitulé « Un Inconnu de lui-même : Fernando Pessoa » et daté de 1961. Le poète mexicain, lauréat du Prix Nobel de Littérature, s’y livre à une analyse de l’œuvre de Pessoa, éclairant entre autres la notion d’hétéronyme, indispensable pour appréhender les différents recueils du Portugais, signés aussi bien Fernando Pessoa qu’Alberto Caeiro, Ricardo Reis ou encore Alvaro de Campos.

A propos de Villa Vortex, Maurice G. Dantec, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 03 Octobre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

Villa Vortex, Maurice G. Dantec, Folio/Policier, 1008 pages, 13,99 €

 

Le 25 juin 2016, le cœur de Maurice Georges Dantec a cessé de battre, et la littérature en français a perdu l’une des plus puissantes plumes contemporaines, ni plus, ni moins. On peut préférer les chipoteries stylistiques au bouillonnement de Dantec ; on peut préférer l’étalage d’états d’âme individuels à son envie d’embrasser le monde moderne tel qu’il est à pleine bouche, quitte à vomir à cause de son haleine puante ; on peut préférer les pensées bien rangées, avec des petits a et des petits b fleurant bon le politiquement correct post-sartrien à sa pensée-fleuve, sauvage, alimentée par des sources peu recommandables pour qui aime penser droit dans ses chaussons le soir au coin du feu. On peut, tout cela, on le peut – mais est-ce bien de littérature en tant que déchirement du voile du réel que l’on parle, en ce cas ? Non, c’est de littérature en tant qu’objet salonnard, que l’on parle. En soi, ce n’est pas grave, c’est même très bien, il en faut, et on en lit aussi – mais que cela n’empêche en rien la fréquentation des romans de Dantec et la reconnaissance de leurs qualités émérites.

L’Etang et Félix, Robert Walser

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 27 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue allemande, Récits, Zoe

L’Etang et Félix, juin 2016, trad. suisse allemand et allemand Gibert Musy, 96 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Robert Walser Edition: Zoe

 

Débutons, une fois n’est pas coutume, par la célébration d’un métier en voie de disparition, comme tous ceux qui font intervenir de l’humain dans le commerce, voire font passer l’humain avant le commerce : bouquiniste. Dans la vie de tout lecteur, il y a un bouquiniste au moins, parce qu’on cherche un livre rare, épuisé, ou parce qu’on est sans le sou, et ce bouquiniste, par son manque total de lien à l’actualité (peu lui chaut la dernière sortie à la mode journalistique, de toute façon, il ne l’a pas en rayon), s’avère un véritable amoureux de la chose écrite, et un précieux conseiller en défrichage et en visite de sentiers peu battus. A titre personnel, j’ai connu deux bouquinistes de cet acabit : le lecteur que je suis devenu leur est redevable de beaucoup.

Un des deux, aujourd’hui décédé, a un jour attiré mon attention sur Robert Walser (1878-1956), en me citant la première phrase de son roman L’Institut Benjamenta (1909) : « Nous apprenons très peu ici, on manque de personnel enseignant, et nous autres, garçons de l’Institut Benjamenta, nous n’arriverons à rien, c’est-à-dire que nous serons tous plus tard des gens humbles et subalternes ».