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Articles taggés avec: Smal Didier

Aladin et Sindbad chez Libretto (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 01 Septembre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Le Roman d’Aladin, Phébus/Libretto, 2002, trad. arabe, René R. Khawam, 222 pages, 8,70 €

Les Aventures de Sindbad le Marin, Phébus/Libretto, 2001, trad. arabe, René R. Khawam, 256 pages, 9,50 €

 

Nous avons été dupés, dans notre grande majorité, et nous dupons de même nos enfants et nos petits-enfants. Cette duperie a pris et prend pourtant place à un moment de grande intimité, de grande confiance, celui de l’histoire avant d’aller au dodo. Que de versions avons-nous subies et faisons-nous subir, d’autant que l’industrie éditoriale s’en est mêlée (ah ! l’invention de la littérature enfantine !…) après que Walt Disney a déjà fait des ravages, de contes édulcorés, remaniés, arrangés à une sauce censément destinée à plaire aux enfants du XXIe siècle. Notre seule excuse est que ce n’est pas nous qui avons commencé, Perrault l’emperruqué poudré avait déjà commis quelques remaniements à destination de la Cour de Louis XIV, car il fallait plaire, et lorsqu’on veut plaire, on ment.

Le Fond du port, Joseph Mitchell, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 21 Décembre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques, Editions du Sous-Sol

Le Fond du port, Joseph Mitchell, Editions du Sous-Sol, octobre 2017, trad. américain Lazare Bitoun, 256 pages, 22 €

 

Joseph Mitchell (1908-1996) est un auteur américain, plus précisément un journaliste pour le New Yorker de 1938 à son décès, après avoir écrit pour diverses publications new-yorkaises à partir de 1929. Joseph Mitchell est une légende, et des « blurbs » en quatrième de couverture annoncent la dévotion de Martin Amis (« Voilà ce qu’aurait pu écrire Borges s’il avait été originaire de New York ») et Janet Malcolm, collaboratrice aussi du New Yorker (« Les autres livres de Joseph Mitchell – Le Merveilleux Saloon de McSorley, Old Mr. Flood, Le Secret de Joe Gould – sont superbes, mais ils sont au Fond du port ce que Tom Sawyer et Un Yankee du Connecticut à la cour du roi Arthur sont à Huckleberry Finn »). C’est peu dire qu’on sourit d’aise à l’avance en ouvrant Le Fond du port, recueil d’articles publié en 1959.

Le Maître de Ballantrae, Robert Louis Stevenson, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 12 Décembre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

Le Maître de Ballantrae, Robert Louis Stevenson, Gallimard/Folio, juin 2000, trad. anglais Alain Jumeau, 368 pages, 7,20 €

 

Un topos facile : dans l’œuvre de Robert Louis Stevenson (1850-1894) éclate une fascination certaine pour le mal, pour la part sombre de l’âme humaine, et voilà que s’embraye une lecture psychologisante s’appuyant sur la biographie de l’auteur, à toute fin utile, et voilà qu’un thésard s’en tire avec les honneurs, et voilà qu’un éditeur peut participer à la déforestation et encombrer les librairies. Certes, tout cela est bien beau, mais c’est faux.

Stevenson n’éprouve pas de fascination pour le mal ; il montre un homme complexe qui peine à s’avouer ses zones d’ombre, et il refuse de l’en juger. Car au fond, qu’est Mister Hyde si ce n’est un Docteur Jekyll sans surmoi, puisque tout lecteur attentif de la nouvelle les concernant aura constaté que le second possède en fait des caractéristiques (a)morales présentes chez le premier, mais décuplées, mais centuplées, et dépourvues de tout vernis de bienséance ?

Eugénie Grandet, Honoré de Balzac, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 05 Décembre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

Eugénie Grandet, Honoré de Balzac, Folio Classique, mai 2016, édition de Jacques Noiray, 384 pages, 3 €

 

 

Ce que je voudrais, dans ces quelques lignes, ce n’est pas abaisser Balzac à la modernité, comme l’a fait le pauvre Rochefort avec Flaubert dans une pathétique vidéo où il résume Madame Bovary à destination des non-lisants ; non, ce que je voudrais, modestement, avec maladresse, c’est élever la modernité à Balzac, la confronter à lui. Je voudrais m’écarter de tout ce que j’ai appris à l’université, et depuis, à force de lectures, de préparations de cours, d’une vie d’intellectuel, ne pas par exemple m’appesantir sur la structure de la Comédie Humaine, et ainsi oublier qu’il est question quelque part dans Eugénie Grandet d’une soirée chez Nucingen ; je voudrais faire ressentir Eugénie Grandet, mon roman favori de Balzac avec Illusions Perdues, dire la chance que c’est d’être tenu par l’actualité éditoriale de m’y replonger, d’en goûter les virulences et les partager.

Le Condamné à mort, Jeanne Moreau et Etienne Daho, Jean Genet, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 29 Novembre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques, Côté Musique(s)

Le Condamné à mort, Jeanne Moreau et Etienne Daho (Radical Pop Music/Naïve, 2010), Jean Genet, Gallimard/Poésie, 1999, 130 pages, 6,20 €

 

La poésie mise musique, on connaît, avec des réussites éblouissantes (John Cale et Do not go gentle into that good night, de Dylan Thomas, pour ne citer qu’un exemple), mais aussi des exercices intellectuels où certes la musique est d’une grande beauté, mais où la poésie, dans ce qu’elle a de plus formel, donne à l’ensemble un aspect guindé (rien à faire, Léo Ferré, c’est pour les connaisseurs, j’ai des difficultés à croire que ses enregistrements de Baudelaire et Rimbaud puissent donner un plaisir inconditionnel, une pure jouissance, à qui que ce soit) et des choses dont il vaut mieux feindre l’ignorance la plus totale (Mylène Farmer interprétant L’Horloge, à réserver aux sourds) ; l’interprétation du Condamné à mort de Jean Genet par Jeanne Moreau et Etienne Daho fait partie de la première catégorie, voire la sublime, et ce qui suit ne servira pas tant à le démontrer qu’à expliquer en quoi cette interprétation est bouleversante.