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A propos de "Le Dernier qui s’en va éteint la lumière", Paul Jorion, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 11 Février 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

Le Dernier qui s’en va éteint la lumière, Paul Jorion, Fayard, mars 2016, 288 pages, 19 €

 

 

Paul Jorion (1946) a touché un peu à tout ce qui a fait avancer la connaissance de l’homme et sur l’homme durant les dernières décennies : sociologie, psychologie, intelligence artificielle, finance (il fut le premier à annoncer la crise des subprimes), et aujourd’hui qu’il a soixante-dix ans, il livre une réflexion ultime – bien qu’évidemment il soit tout à fait le bienvenu pour continuer son œuvre, forte déjà d’une vingtaine d’ouvrages et d’une pléthore d’articles, sur tous les sujets évoqués ci-dessus – ; cette réflexion ultime a un titre à la douce ironie, une recommandation presque délicate : Le Dernier qui s’en va éteint la lumière. On croirait presque la tendre parole d’une institutrice au moment de quitter la classe… A ceci près que, à en croire Jorion, dans deux ou trois générations, il n’y aura plus classe, ni institutrice – ni même d’enfants, d’ailleurs. Car c’est bien ce qu’annonce cet essai aussi bref que percutant : l’extinction prochaine de l’espèce humaine.

Ivanhoé, Walter Scott

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 03 Février 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Iles britanniques, Roman

Ivanhoé, avril 2016, trad. anglais Henry Suhamy, 880 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Walter Scott Edition: Folio (Gallimard)

 

Dans un texte qui ne cesse de remuer les neurones du lecteur amateur (au sens premier, celui qui aime), Calvino posait la question cruciale : pourquoi lire les classiques ? Sa réponse finale est satisfaisante : pour le plaisir de les avoir lus. Mais franchement, pourquoi se taper les huit cents pages d’Ivanhoé (1819), le neuvième roman de Walter Scott (1771-1832) alors qu’il suffit de regarder les cent quarante minutes de Robin des Bois, d’un autre Scott (Ridley de son prénom), pour avoir grosso modo la même histoire ? Car après tout, on la connaît par cœur, l’histoire de Richard Cœur de Lion qui revient de Palestine pour détrôner son félon de frère, ce Jean qu’une enfance passée sous influence disneyienne incitera à tout jamais à voir sous les traits d’un lion aussi malingre que sournois sous sa couronne trop richement ornée pour être honnête, et ce avec l’aide d’un Robin des Bois que Kevin Costner dans une autre adaptation n’interprétait pas trop mal, à la réflexion. D’autant que, finalement, ce roman intitulé Ivanhoé raconte une histoire qui se déroule pour l’essentiel sans son personnage principal, puisque celui-ci est blessé quasi à sa première apparition et reste allongé durant plus de cinq cents pages. Bref, aussi classique qu’il soit, la question se pose : pourquoi lire Ivanhoé en 2016 alors qu’on sait depuis longtemps que les usurpateurs sont au pouvoir et que, comme chantait le groupe anglais Housemartins sur Flag Day, « too many Florence Nightingale, not enough Robin Hoods » ?

Notre-Dame-des-Fleurs, Jean Genet

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 24 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

Notre-Dame-des-Fleurs, décembre 1976, 384 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Jean Genet Edition: Folio (Gallimard)

 

Jean Genet prévient dès les premières pages de Notre-Dame-des-Fleurs (publié d’abord en 1944, révisé pour Gallimard en 1951) : « Il se peut que cette histoire ne paraisse pas toujours artificielle et que l’on y reconnaisse malgré moi la voix du sang : c’est qu’il me sera arrivé de cogner du front dans ma nuit à quelque porte, libérant un souvenir angoissant qui me hantait depuis le commencement du monde, pardonnez-le-moi. Ce livre ne veut être qu’une parcelle de ma vie intérieure ». La formule est modeste, mais soutenue par une écriture forte, à la syntaxe et au lexique riches, et surtout feignant que ce récit n’est pas grand-chose alors qu’il est une explosion, une super-nova comparé aux pétards mouillés littéraires d’une pauvre auto-fiction contemporaine qui se revendique de Genet sans l’avoir lu et donc sans rien y avoir compris.

A titre personnel, je ne peux pas prétendre être un spécialiste de Genet, n’ayant lu que Les Bonnes, Querelle de Brest, et le présent roman, mais j’ai été emporté par ses phrases, par ces cascades verbales dans lesquelles on ne peut se baigner qu’au risque d’être emporté. Un autre exemple :

L’histoire de ma femme, Milan Füst

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 20 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays de l'Est, Roman, Gallimard

L’histoire de ma femme, janvier 2016, trad. hongrois Elisabeht Berki, Suzanne Peuteuil, 504 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Milan Füst Edition: Gallimard

 

Milan Füst (1888-1967) est un écrivain hongrois, et l’un des plus importants qui soient, à en croire la préface de L’histoire de ma femme (1942), signée Albert Gyergyal, un sien compatriote. Cet aimable préfacier prend de nombreuses précautions, craignant de la part du « public lettré français » un franc « dédain » pour les chefs-d’œuvre de la littérature hongroise ; cette crainte était peut-être valable en 1958, date de traduction et de première publication de ce roman en français, mais c’est depuis affaire réglée et L’histoire de ma femme n’a pas été massivement rejeté par le public francophone, puisque ce roman connaît même en 2016 une réimpression bienvenue.

Dès le premier paragraphe, tout le propos du roman est offert :

« Ma femme me trompe. Bon. Je m’en doutais depuis longtemps. Mais vraiment, avec celui-là… Moi, je suis haut de six pieds, un pouce, je pèse deux cents livres, je suis donc, comme on dit, un authentique géant : si je crache sur ce type-là, il en claquera ».

La Science du Disque-Monde IV : Le Jugement Dernier, Terry Pratchett, Ian Stewart & Jack Cohen

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 11 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Science-fiction

La Science du Disque-Monde IV : Le Jugement Dernier, L’Atalante, La Dentelle du Cygne, avril 2015, trad. anglais Patrick Couton, Lionel Davoust, 432 pages, 21 € . Ecrivain(s): Terry Pratchett, Ian Stewart & Jack Cohen

 

Pour apprécier La Science du Disque-Monde IV : Le Jugement Dernier à sa pleine et juste valeur, il conviendrait de réunir deux conditions : 1) être amateur des Annales du Disque-Monde ; 2) être amateur de vulgarisation scientifique (accessoirement, une troisième condition pourrait s’imposer : avoir lu les trois premiers volumes de La Science du Disque-Monde).

Si l’œuvre de Terry Pratchett (1948-2015), le plus grand auteur humoristique anglais depuis P.G. Wodehouse (dixit la formule promotionnelle habituelle), cette fantasy à la délirante inventivité verbale et scénaristique, laisse indifférent, autant passer son chemin ; si l’idée de lire des pages où il est question de théorie des cordes ou de la place de l’être humain dans l’univers révulse, idem. Par contre, si l’on est atteint de curiosité intense incurable, avec un esprit suffisamment retors pour rire en apprenant, alors, même si le nom de Pratchett est inconnu, il faut lire La Science du Disque-Monde IV : Le Jugement Dernier, au risque d’y prendre un plaisir sans mélange.