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Les poèmes sans fin - à propos de Ceux qui s’éloignent, de Serge Meurant

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 22 Août 2016. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Ceux qui s’éloignent, de Serge Meurant, éd. Le Cormier, Bruxelles, 2016

J’ai choisi de titrer ma chronique sur le dernier livre de Serge Meurant, avec cette locution, « poèmes sans fin », car elle figure bien l’ensemble de mon point de vue. Au propre, ces poèmes ne finissent pas et ne sont pas ponctués de point finaux, mais par contre s’ouvrent sur un surcroît où le lecteur reste en suspens dans l’air au milieu de la phrase, juste en équilibre sur le dernier vers, et déjà penché sur le premier vers du poème suivant. D’ailleurs cette impression de quelque chose qui ne finit pas, s’accentue dans le vers du dernier poème du recueil qui laisse le lecteur aux prises avec des gestes nouveau-nés qui closent sans point final, qui ferment l’ouvrage sur un halètement – ou allaitement d’ailleurs.

Et encore, un « sans fin » au figuré. Car si j’ai bien compris le fond du livre, il s’agit pour le poète de dire quelques mots aux absents, à ceux qui se sont éloignés dans la mort, mais qui ne s’oublient pas. Ces disparus laissent une empreinte dans la mémoire du poète, et grâce à lui revivent une seconde vie, renaissent en un sens. Il ne s’agit plus dès lors que de décrire en quoi ce qui reste est susceptible de faire matière à la combustion d’une sorte de Phoenix. Où la mort n’est pas une fin, mais une frontière que le travail d’écrire transgresse et améliore. Poèmes pour autrui, pour un autre post-mortem.

L’écriture comme expérience - à propos de Ecrit parlé de Philippe Jaffeux

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 18 Août 2016. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

à propos de Ecrit parlé de Philippe Jaffeux, Passages d’encre, mai 2016, 37 pages, 5 €

 

En détournant légèrement les propos d’Allan Kaprow qui prônait Art as experience (de Dewey), je voudrais dire quelques mots sur le dernier livre de Philippe Jaffeux, Ecrit parlé. Mais comment qualifier l’ensemble de ses remarques sur la question d’écrire – sur sa propre interrogation – en une simple chronique qui ne peut envisager au mieux que de donner des pistes de réflexion ?

Ce que je peux dire cependant, c’est que la question d’écrire est pour lui une affaire réfléchie, et qui surgit au croisement de puissances contraires : vie/mort, oral/écrit, disparition du sujet/empreinte de l’écriture, dépersonnalisation/conscience de soi. Toutes ces ambiguïtés agissent sur les propos de l’auteur en son « continent intérieur inexploré ».

Je poursuis une aventure qui s’appuie sur des risques, des décalages ou des contrepoints afin d’insuffler un mouvement et un rythme à un bricolage plus ou moins créatif.

À propos de Ainsi parlait Emily Dickinson (Arfuyen), par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 06 Juillet 2016. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

Portrait de femme en artiste

à propos de Ainsi parlait Emily Dickinson, Arfuyen, 2016, trad. Paul Decottignies, 13 €

 

Ma relation avec la poésie d’Emily Dickinson est complexe et a eu recours à trois moments de trois lectures, dont la dernière est publiée ces jours-ci par les éditions Arfuyen dans sa nouvelle et belle collection « Ainsi parlait ». En effet, j’ai trouvé avec cette édition, une Dickinson très incarnée et en lutte avec ce qui me paraît le plus important, c’est-à-dire la vie, son au-delà, et la pensée. Il faut d’ailleurs savoir que la poétesse, si célèbre aujourd’hui, n’a volontairement rien publié de son vivant. Elle ressemble à cet égard, dans un tout autre registre, à Fernando Pessoa qui, grâce à son hétéronomie, si je puis dire, a su conquérir la célébrité de son œuvre après sa mort. Il est donc très important ici de voir combien l’immortalité tient une place importante pour ces 1789 poèmes, 1049 lettres et 124 fragments que nous laisse la grande poétesse américaine.

Le présent sacré à propos de Tracé du vivant de Marie-Claire Bancquart

Ecrit par Didier Ayres , le Samedi, 02 Juillet 2016. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

Tracé du vivant de Marie-Claire Bancquart, Arfuyen, 2016, 11€

 

Comme j’essayais d’aborder ce livre reçu il y a peu, j’ai cherché une manière originale de l’atteindre. Pour finir, j’ai agi tout simplement en considérant la couverture. Car ce Tracé du vivant s’ouvre sur un fac-similé d’une partition manuscrite d’Alain Bancquart, l’époux de la poétesse. J’étais ainsi déjà d’emblée en compagnie d’une écriture sobre et élégante. Mais, pas seulement, car cette lecture du recueil que publie Marie-Claire Bancquart dans la collection des Cahiers d’Arfuyen, cette année, recèle de grandes questions métaphysiques, essentiellement sur le temps et la mort. D’ailleurs ce goût de mort pousse à la sagesse ; là, l’écoulement du temps revient à observer le temps qui passe, heures, jours, années, saisons qui se reflètent et s’entremêlent au point de laisser le poème encore assez ouvert à la vie – comme l’y invite Levinas par exemple, au sujet de soi, d’un soi-même étant toujours ouvert, jusqu’à la blessure, jusqu’à autrui.

A propos de Lettres imaginaires de Mary Butts, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Samedi, 11 Juin 2016. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

Un certain amour

à propos de Lettres imaginaires de Mary Butts, éd. Le lavoir Saint-Martin, 2016, dessins de Jean Cocteau, 15 €

 

J’ai quitté avant-hier le film de Xavier Dolan, Les Amours imaginaires, pour lire les Lettres imaginaires de Mary Butts illustrées par Jean Cocteau. Je sais, par ailleurs, de la bouche de Marie-Noëlle Chabrerie, la directrice des éditions Le lavoir Saint-Martin, que ce livre ne trouve pas suffisamment son public malgré le niveau d’exigence très élevé et la possibilité assez rare de feuilleter des dessins de Cocteau, inédits en France. Ces deux choses – la proximité du film et celle de Cocteau – m’incitent à essayer de déceler dans ce texte de M. Butts les clés de l’esprit « Queer », tel que l’envisagent les défenseurs des droits des homosexuels. Donc, regarder dans ce texte l’homophilie, car certaines lettres de l’ouvrage portent directement sur un jeune homme aimant les hommes.