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Soleil patient, Gabrielle Althen

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Août 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arfuyen, Poésie

Soleil patient, juin 2015, 142 pages, 14 € . Ecrivain(s): Gabrielle Althen Edition: Arfuyen

 

La quête d’un pays

J’aborde la rédaction de ces lignes avec émotion, car Gabrielle Althen est une proche et je connais ainsi sa sensibilité et sa manière, pour finir, particulière, de vivre en écrivant. C’est d’ailleurs le cœur de ce nouveau livre, vivre en écriture, séjourner dans l’univers en écrivain. Je n’insisterai pas sur les propos de Heidegger analysant la poésie d’Hölderlin, pour ne garder que la réalité de cette locution : « habiter le monde en poète », c’est vivre le monde pour le ramener à la poésie, et inversement, poétiser le monde extérieur par la faculté un peu magique du poème.

La poésie de Gabrielle est une quête. Quête du vide ? Effacement ? Théologie négative ? Telles sont les questions qui m’ont tout de suite saisi à la lecture du premier recueil du livre : Trouver manque. Et même si l’on sait – et surtout le sachant – que cette locution vient de la mère de notre poétesse, l’intrigue demeure, et ce rapprochement entre l’action de trouver, qui est transitive, et celle du manque, entre la possession et l’absence donc si l’on peut résumer hâtivement, interroge sur le monde et sur ce qui l’évide, donc interroge le langage et sa possession, sa maîtrise aléatoire du réel.

A propos de "Presque l’oubli", Jean Maison

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 08 Juillet 2015. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Presque l’oubli, Jean Maison, éd. Ad Solem, juin 2015, 80 p., 19 €

 

 

Une poésie du labeur


Le dernier livre de Jean Maison est constitué de trois parties égales par le style. L’ouvrage s’ouvre sur la partie la plus « animée » de l’œuvre, poèmes courts, voire très courts, qui saisissent une brindille, un brin, un tout petit quelque chose, le « presque rien » de la philosophie.

On y voit des ouvriers au labeur de la cueillette, des paveurs loués, sorte d’aubains de la campagne, qui flambent à la lueur des torches, les corvées inhérentes au travail des champs, des manœuvres confrontés aux questions de l’âme, parfois, de simples soldats/paysans et maçons/ [qui] marchent à la journée.

Autres courants, Philippe Jaffeux

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 02 Juillet 2015. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Autres courants, Philippe Jaffeux, éd. Atelier de l’agneau, 2015, 80 pages, 16 €

Je me retournai ensuite, et ayant

levé les yeux, je vis un livre qui volait.

Et l’ange me dit : Que voyez-vous ?

Je lui dis : Je vois un livre volant,

long de vingt coudées, et large de dix.

Zacharie, V - 1., 2.

Le Livre nombre

Je ne suis parvenu à déchiffrer la prosodie complexe de ce livre que vers la toute fin de ma lecture. Je résume le projet du livre : vingt-six lignes pour soixante-dix pages, équivalentes à 1820 phrases qui occupent un carré géométrique, voilà pour en finir avec la description physique de l’ouvrage. Si j’en crois la quatrième de couverture, le livre a été écrit par une dictée au dictaphone numérique, ce qui est intéressant à plusieurs égards, et notamment par le rapport chiffré de l’écriture – rapport « numérique » –, et aussi pour l’impression de souffle, de prise d’air, qui arrive à construire la phrase de bout en bout.

Fatras du Soi, fracas de l’Autre, Stéphane Sangral

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 11 Juin 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Editions Galilée

Fatras du Soi, fracas de l’Autre, avril 2015, 224 pages, 18 € . Ecrivain(s): Stéphane Sangral Edition: Editions Galilée

 

Matière et révolte

Laisser entendre ce que dessine le dernier livre de Stéphane Sangral qui me questionne, m’encourage à écrire ces quelques lignes. Et même si pour beaucoup je vois que je suis peut-être partial dans cette lecture, rien ne m’empêche de parler de la couleur idéologique qui rend l’accès de ce livre complexe et intéressant – comme couleur, je prendrais le noir. Nonobstant, j’ai fini par trouver un titre à ma chronique, titre qui résume selon moi le projet éditorial de l’ouvrage. Car il s’agit bien de trouver comment un monde sans dieu qui est totalement livré ici à un « matérialisme-réalisme », comment donc on peut parler de militarisme pour en faire la critique, de la connaissance de dieu pour le nier ou encore de la judéité d’un juif tunisien d’origine, livré à une profonde révolte qui confine dans le livre à de longues dissertations innovantes et inhabituelles. Un exemple :

J’ai peur d’avoir besoin que le Néant, tel un dieu, me prenne dans ses bras pour apaiser ma peur d’avoir besoin que le Néant, tel un dieu, me prenne dans ses bras pour apaiser ma peur du néant.

Petites proses plus ou moins brisées, Jacques Abeille

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 15 Mai 2015. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Petites proses plus ou moins brisées, Jacques Abeille, Arfuyen, avril 2015, 128 pages, 12€

 

Peintures figurées

Au milieu de la lecture des Petites proses de Jacques Abeille, j’ai songé très vivement au tableau de Max Ernst, Deux enfants sont menacés par un rossignol, de 1924. Sans doute, le poète, qui est aussi plasticien, a dû rencontrer cette image un jour ou l’autre, même si je crois que le rapport est plus profond. Car cette peinture à construction de bois représente des figures surréalistes qui sont enclines à la violence et à l’esthétique, donc à la fois à l’art et au corps, au principe spirituel et à l’activité charnelle. Du reste, ce petit tableau me fait penser aussi au décor du rêve du film La maison du docteur Edwardes, d’Alfred Hitchcock. Cinéma et peinture liés ici dans des figures de crainte et d’enfance, en même temps que de rêve et de poésie.

Comme le peintre dans sa vision lointaine des événements de la vie, à plusieurs périodes de son existence, le poète lutte contre le temps. À la fois le corps, la sexualité (avec des textes sur la prostitution), et le langage, lequel permet de signifier le passage du temps. Car, c’est, dans ce travail de dépouillement, qui devient presque hivernal, le combat contre le corps physiologique.