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L’âme blessée d’un éléphant noir, Gabriel Mwéné Okoundji (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 05 Mai 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Afrique, Les Livres, Poésie

L’âme blessée d’un éléphant noir, Gabriel Mwéné Okoundji, Préface de Boniface Mongo-Mboussa, Gallimard Poésie, mars 2025, 208 pages, 9,30 €

 

Parole souveraine

Il y a deux manières d’aborder le poème, soit avec parcimonie, avec peu, simplement quelques images fortes, soit avec des croyances vastes, des images nombreuses et une certaine confiance dans la langue, en définitive. Ici, c’est à cette deuxième catégorie que nous avons affaire. Car la prosodie de ce recueil est dense, rassemble et remue des paysages, fait sonner des visions, s’étoffe du monde vivant, totémique, d’une Afrique, peut-être celle de l’enfance (il y a à ce sujet ce très joli film d’animation, Kirikou, qui dépeint bien le lien de l’enfant à l’Afrique), de la vie et des émotions qui deviennent presque étouffantes tant elles sont profuses, épaisses, feuillues, ramassées. De cette abondance, il y a une forme d’échec merveilleux à ne pouvoir dire la totalité. Par exemple, comment Gabriel Okoundji tient plus vaste en son cœur un sentiment pour écrire TOUT de l’Afrique qui l’a constitué, dire un poème en crue débordant de lui-même (un peu à la manière de la phrase de Proust qui ne sait parfois pas sa propre limite).

Labyrinthes, Christopher Okigbo (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 07 Avril 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Afrique, Les Livres, Poésie

Labyrinthes, Christopher Okigbo, Poésie/Gallimard, mars 2025, 224 pages, 10,30 €

 

Vortex

Pure découverte que ce recueil du poète nigérian, Christopher Okigbo. Non pas que pour la couleur locale, les noms toponymiques, ceux des animaux, les descriptions des paysages d’Afrique. Cela ne s’arrête pas là, mais cherche l’union de cultures totémiques et de la poésie occidentale (dans sa version initiale en anglais, ici dans une édition bilingue). Et surtout, le vortex des mots, des images, de l’angoisse, de la mort et de l’espoir politique.

Écrire c’est ouvrir la Boîte de Pandore des inquiétudes nouvelles et qui n’ont jamais été dites. Parole de la mort qui est à la fois essence et unique moment sans nomination. Et au fond de cette boîte gît le pauvre langage humain.

Les Cinquantièmes hurlants, Tom Buron (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 01 Avril 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Les Cinquantièmes hurlants, Tom Buron, Gallimard, février 2025, 80 pages, 17 €

 

Géographie du monde

Géographie du monde fut le titre de mon mémoire de troisième cycle sur Le Soulier de satin de Paul Claudel. Je dis cela à dessein, car j’ai retrouvé cette émulation des mers, des voyages et des désirs sacrés, ici, dans ce recueil que Tom Buron publie chez Gallimard. J’y ai été confronté à une sorte de dérive des continents, d’un glissement du poétique. Donc, à la fois une hospitalité et à une inhospitalité des régions australes. Quelque chose d’une matière sacrée que Claudel illustre avec la présence de la Croix du Sud. Donc, un mouvement habité, un récit fusionnel.

Sommes-nous dans la quête de Pequod de Tom Buron ? Et cela fait, quel voyage au milieu des mots et des embruns ? Sommes-nous plus dans L’Odyssée que dans Moby Dick ? Dans le transport vidéographique d’Ocean Wuong ? Oui, nous demeurons en poésie.

Paroles du silence, Jeanne Tsatsos (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 24 Mars 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Paroles du silence, Jeanne Tsatsos, Éditeur Le Bois d’Orion, août 2024, trad. grec moderne, Bernard Grasset, édition bilingue, 220 pages, 19 €

 

Parole de lumière

Ce qui est très perceptible de suite, dans la poésie de Jeanne Tsatsos, c’est la qualité religieuse de cette traduction du grec moderne de Bernard Grasset. Au long des pages, l’on perçoit nettement l’engagement religieux de la poétesse. Et ce qui est littéraire ici, c’est la capacité de l’écrivaine à subsumer la question de la foi et des vertus théologales, en une croyance forte, ou plus généralement au sein de l’être dans l’Être. Oui, une épiphanie.

 

Étoile, Toi qui viens

à ma rencontre,

montre-moi la voie.

Et pourtant, Pierre Dhainaut (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 18 Mars 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Arfuyen

Et pourtant, Pierre Dhainaut, Arfuyen, janvier 2025, 140 pages, 15 €

 

Cercle du temps

Le dernier recueil de poésie de Pierre Dhainaut mène à un travail de réflexion, de question ouverte, d’interrogations sur le chant (et sur le champ) du poème. C’est ainsi que le temps devient une délibération primordiale. Quel est donc le sens de la durée, est-elle linéaire ? Procède-t-elle par cycle ? Existe-t-il un éternel retour, où aboutit-il ? Devons-nous faire confiance à la théorie de la relativité ? Et en fin de compte pourquoi vivre ou survivre ?

Peut-être la métaphore de la neige (métaphore filée dans l’ensemble du texte) nous découvre-t-elle un secret, le sens d’un mystère. Car la neige est sujette, comme la vie, à la brièveté, au silence, à l’extraordinaire diversité de la composition de chaque flocon, jamais le même. Chaque instant donc ne ressemble qu’à lui-même. Et cette effloraison de cristaux aqueux ressemble bien à la condition précaire de nos existences.