Par les baleines, Soline de Laveleye (par Didier Ayres)
Par les baleines, Soline de Laveleye, éd. Gallimard, 120 p., 2025, 16€

Le contenant
La chose la plus pertinente pour le lecteur que je suis, dans ce livre, c’est l’intrication du dedans et du dehors, du corps et de l’âme, monde plastique, sorte de terre glaise prête à la poterie, terre qui, séchée, devient vase, contenant, jarre, amphore, raku. C’est le corps accueillant l’âme. C’est le corps pris dans la terre du langage. C’est le poème qui fait pièce d’émail. C’est le poème qui contient simplement l’expression physique du corps dans sa forme, ainsi donc inscrit dans la bordure du corps. Nous sommes dans un univers concave, qui contient, concavité du poème, partie sèche de la terre glaise façonnée, travaillée par les doigts d’un potier.
Étioler : anagramme d’étoiler. On sent bien que ça tire. Qu’il y a un frottement, une contagion possible. Et qu’au bout de la corde, il y aura de la glaise, les débris de maisons minuscules et tenaces, et des mains modelées pour en tracer la perte. Il y aura celles pleines de galets et celles aux jambes serties de terre. Il y aura ces yeux noyés, où tournent les poissons-chats.
D’ailleurs les occurrences du corps sont nombreuses : hanches, langue, paumes, vertèbres, œil, os, cordes vocales, cœur, plexus, dentition, coccyx, gorge, peau, tissus, nerfs, viscères, mains, lèvres… Tout cela est introduit au troisième vers du premier poème, en faisant allusion aux bandelettes où l’on peut reconnaître les linges qui couvrent Lazare au moment de sa résurrection.
Plus généralement, je dirais que cette poésie s’appuie sur trois pôles : Corps/Temps/Matière ; ou, Esprit/Histoire individuelle/Métaphysique.
les gestes
une fois et mille
pour dire les sortilèges
ce que nous refusons :
le cœur au bord des lèvres
le ventre labouré
et le corps encastré
dans des châteaux de glace
C’est cette construction sur ces trois pieds qui m’a surtout plu. La construction, la charpente, le squelette, l’étiage. Cette maison poétique devient nôtre. Elle participe à la construction de la maison de soi, elle fait présence presque aimante, elle permet de se situer dans une ipséité, elle est transitive car elle a besoin d’un lecteur. Elle est poésie-nid, poésie-maison, poésie-demeure.
Didier Ayres
Soline de Laveleye est née à Bruxelles en 1980, elle a vécu en Italie et en Belgique et réside aujourd’hui en Tanzanie, où elle travaille à des projets socio-culturels. Elle a fait son entrée en littérature avec des poèmes publiés dans diverses revues et des nouvelles remarquées, dont certaines ont paru dans le revue Marginales que dirige Jacques De Decker.
Son texte poétique “La Chambre” est paru aux éditions du Tétras-Lyre en 2011.
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