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Par les baleines, Soline de Laveleye (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 10.06.25 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Par les baleines, Soline de Laveleye, éd. Gallimard, 120 p., 2025, 16€

Par les baleines, Soline de Laveleye (par Didier Ayres)

 

Le contenant

La chose la plus pertinente pour le lecteur que je suis, dans ce livre, c’est l’intrication du dedans et du dehors, du corps et de l’âme, monde plastique, sorte de terre glaise prête à la poterie, terre qui, séchée, devient vase, contenant, jarre, amphore, raku. C’est le corps accueillant l’âme. C’est le corps pris dans la terre du langage. C’est le poème qui fait pièce d’émail. C’est le poème qui contient simplement l’expression physique du corps dans sa forme, ainsi donc inscrit dans la bordure du corps. Nous sommes dans un univers concave, qui contient, concavité du poème, partie sèche de la terre glaise façonnée, travaillée par les doigts d’un potier.

Étioler : anagramme d’étoiler. On sent bien que ça tire. Qu’il y a un frottement, une contagion possible. Et qu’au bout de la corde, il y aura de la glaise, les débris de maisons minuscules et tenaces, et des mains modelées pour en tracer la perte. Il y aura celles pleines de galets et celles aux jambes serties de terre. Il y aura ces yeux noyés, où tournent les poissons-chats.

D’ailleurs les occurrences du corps sont nombreuses : hanches, langue, paumes, vertèbres, œil, os, cordes vocales, cœur, plexus, dentition, coccyx, gorge, peau, tissus, nerfs, viscères, mains, lèvres… Tout cela est introduit au troisième vers du premier poème, en faisant allusion aux bandelettes où l’on peut reconnaître les linges qui couvrent Lazare au moment de sa résurrection.

Plus généralement, je dirais que cette poésie s’appuie sur trois pôles : Corps/Temps/Matière ; ou, Esprit/Histoire individuelle/Métaphysique.

les gestes

une fois et mille

pour dire les sortilèges

ce que nous refusons :

le cœur au bord des lèvres

le ventre labouré

et le corps encastré

dans des châteaux de glace

C’est cette construction sur ces trois pieds qui m’a surtout plu. La construction, la charpente, le squelette, l’étiage. Cette maison poétique devient nôtre. Elle participe à la construction de la maison de soi, elle fait présence presque aimante, elle permet de se situer dans une ipséité, elle est transitive car elle a besoin d’un lecteur. Elle est poésie-nid, poésie-maison, poésie-demeure.

 

Didier Ayres

 

Soline de Laveleye est née à Bruxelles en 1980, elle a vécu en Italie et en Belgique et réside aujourd’hui en Tanzanie, où elle travaille à des projets socio-culturels. Elle a fait son entrée en littérature avec des poèmes publiés dans diverses revues et des nouvelles remarquées, dont certaines ont paru dans le revue Marginales que dirige Jacques De Decker.
Son texte poétique “La Chambre” est paru aux éditions du Tétras-Lyre en 2011.

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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.