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Articles taggés avec: Ayres Didier

Le temps, la tempête, Igor Zidić (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 04 Mars 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Le temps, la tempête, Igor Zidić, éd. L’Ollave, décembre 2023, trad. croate, Brankica Radić, 89 pages, 15 €

 

Voir au-delà

Je me réjouis toujours de trouver au courrier le travail remarquable que fait Jean de Breyne et les éditions de L’Ollave. Chaque fois, j’avance mieux dans le continent des lettres croates, et bien souvent cela me renseigne et m’éclaire. J’ai même songé que le lectorat français pourrait avoir devant lui une nouvelle vague poétique croate, tant les talents foisonnent. Terre fertile donc que ce biotope littéraire.

Cette anthologie d’Igor Zidić nous rend témoin d’une œuvre qui a cheminé. Allant de l’époque soviétique jusqu’au libéralisme, vers la guerre et enfin en une intégration à l’Europe politique qui garantit tout de même la paix entre les peuples européens. Et cela ouvre les yeux. Oui, au sens presque premier : cette poésie nous propose de voir au-delà. Ainsi, au-delà du temps, de la durée qui s’exerce de toute façon, un pas vers la lumière, route incessante vers un certain optimisme, lequel se désagrège au long des années pour aboutir à la maturité.

Fille du chemin, Jean Pierre Vidal (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Février 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Fille du chemin, Jean Pierre Vidal, éd. Le Silence qui roule, janvier 2024, 95 pages, 12 €

 

Côte à côte

Le dernier livre de Jean Pierre Vidal ne se comprend que duel, en relation, dans un rapport à autrui. Un lien avec autrui, une autre, fût-elle inconnue. Pour paraphraser Paul Ricœur, ce livre aurait pu s’intituler « Soi-même comme un autre ». Grâce à cette intersection de deux parallèles (et l’on sait qu’elles se rejoignent à l’infini) on devine quelque chose de l’amour, sans doute profane mais qui semble, au-delà, un amour sacré, comme s’il fallait une forme à celle qui est absente, un accueil, une présence, la présence du poète.

Ce livre est aussi un texte sur l’abandon, sur la perte, là où le poète doit abandonner l’aimée, ou plutôt, la confiant au poème, lui donner une forme d’éternité. Une absente éternelle dans le poème, quittant son statut physique pour devenir une allégorie, un ensemble de métaphores de la femme. Du reste, on reconnaît parfois Sylvie, fille du feu de Nerval, apparaissant comme en palimpseste.

Innombrable en ta lumière, Nathalie Swan (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 05 Février 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Innombrable en ta lumière, Nathalie Swan, éd. de Corlevour, janvier 2024, 128 pages, 16 €

 

Corps

L’exercice du poème est tendu par la matière qu’il recouvre, dont il fait un sujet de chair, comme si la totalité du poème avait la nécessité d’une enveloppe physique. Ici, le recueil de Nathalie Swan ressemble à ce carrefour. Le corps/le poème, le corps au sens strict : main, voix, souffle, regard, souffle, bras, peau, bouche, yeux, artères, seins, reins, sang, salive, par exemple. Vertèbre, ossature du poème. Celui-ci peut se comprendre grâce à cette tension, ce long feu syntaxique, et sa souplesse descriptive, sans épopée, ni histoires simples ou compliquées. Juste le langage du corps aimant. De ce fait, si l’on considère le peu de qualificatif, nous sommes en présence d’une littérature maigre. Je m’explique : je crois que le poème doit être un lieu hivernal, devoir se comparer au blanc de la neige, à l’ossature de la forêt l’hiver. Moins il y en a, mieux c’est. Rien de superfétatoire, tout est affaire d’équilibre, équilibre des corps abouchés. Et pourquoi dès lors nous interdirions-nous les images de fluides, de passions, d’amour, presque d’effets glandulaires ?

L’iris sauvage, Meadowlands, Averno, Louise Glück (par Didier Ayres)

, le Lundi, 29 Janvier 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie, USA

 

Tintinnabulement

C’est à un fin tissage de la vie et de l’œuvre de la poète Louise Glück, Prix Nobel de littérature 2020, que nous sommes conviés ici dans l’édition bilingue de trois de ses recueils. Je dis cela car je trouve important cette coalescence de la poétesse et de son écriture, et déterminant pour ma lecture. Il s’agit d’une découverte car peu de traductions sont accessibles en français (j’ai d’ailleurs publié une traduction faite avec Michaël Taugis d’un de ses poèmes, pour la revue L’Hôte). Et cette vie en sous-texte qui gagne en grâce poétique grâce à un fond matériel et vivant, tend les poèmes, les étoffe, leur donne un mystère. Donc, des références mythologiques, ou bibliques, ou encore ici ou là des petits faits de la vie quotidienne. En tout cas, quelque chose altère la prosodie, laquelle confrontée à du connu et du surprenant, se dilate et se fait meuble, profonde et englobante. Cette littérature ne se conçoit que faite de ce mélange de la vie et de l’art, et sans doute de l’art et de la vie. Le mystère : un tintinnabulement grâcieux et prenant. Cette existence sonne comme point de mire, comme punctum.

Tous les chiens sont bleus, Rodrigo de Souza Leão (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 16 Janvier 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Tous les chiens sont bleus, Rodrigo de Souza Leão, éd. Le Lampadaire, novembre 2023, trad. portugais (Brésil), Émilie Audigier, 94 pages, 13 €

 

Morbidité

Ouvrir ce recueil de textes dont l’originalité réside dans la biographie même de l’auteur (lequel a subi de graves traitements psychiatriques) nous mène à son projet littéraire venant comme en surplomb à sa vie d’aliéné rayonnant. À quelque chose d’approchant quant au thème, du monde douloureux de la poète Béatrice Douvre. Expérience de l’enfermement, mais ici vécue et conçue par un créateur. Travaux qui n’excluent pas l’organicité, le caractère organique du corps malade. Fou, aliéné, voyant, souffrant, personne atteinte de schizophrénie, d’un mal-être général, à la limite de la destruction, de l’autodestruction.

Les schizophrènes au trouble délirant ne tiennent pas parole. Ils gardent en eux une immense haine de la maladie. Personne n’accorde d’importance à ce qu’ils disent. Je ne pouvais dire à personne que Rimbaud croyait que j’avais tué Redoutable Fou. Pas Baudelaire. Il savait que je n’avais rien fait.