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Les terres sans sommeil, Emmanuelle Grandjean (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 04 Septembre 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Les terres sans sommeil, Emmanuelle Grandjean, éditions de Corlevour, juin 2023, 96 pages, 16 €

 

Éléments

Avec le livre d’Emmanuelle Grandjean, j’ai traversé des thèmes qui me sont proches, notamment tout ce qui se rattache à la philosophie de Gaston Bachelard, et surtout ses découvertes de l’importance des quatre éléments d’Empédocle, à savoir : la terre, le feu, l’eau et l’air. Je n’ai cessé de rencontrer des gouttelettes faites de feu, des brumes humides, de la pluie, du travail de la lumière sur les choses, l’ombre, la clarté de certains ciels, et toutes les ambiguïtés inhérentes à ces mélanges.

Et pour résumer tout cela à un seul terme, je dirais : étoile, astre de feu pendu dans le vide de l’air, conglomérat de glaces martiennes, lumière tournoyant dans l’univers. Éther, vertige d’une espèce d’enivrement, qui semble venu de la nature, de l’océan – donc d’un espace maritime attiré et repoussé par l’astre lunaire, lumière blanche, éblouissement du ciel nocturne.

Jérusalem, William Blake (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 28 Août 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Arfuyen, Poésie

Jérusalem, William Blake, éd. Arfuyen, juin 2023, trad. anglais, Romain Mollard, 192 pages, 17 €

 

Énigme

Le voyage complexe qu’est le voyage du lecteur ici doit rester actif jusqu’à la fin du recueil, poursuivant une déambulation langagière pleine d’énigmes, de mots, d’épithètes et de noms propres qui dessinent comme une épopée tout autant articulée sur un récit que sur une musique ou un travail d’orfèvrerie au sein du langage. C’est en vérité une vision du monde – vision sujette à l’intellection. On ressent nettement que cette imagination est celle aussi d’un peintre, donc hanté par les images. On ressent nettement le peintre derrière le poète.

Oui, mais quelles images ? Breughel l’Ancien, Odilon Redon, toutes les versions classiques du thème de la Tentation d’Antoine, bien sûr Gustave Moreau. Enfin une peinture chargée de symboles et de clés subjectives. Et quels livres ? Un peu de l’Apocalypse, de la Légende des Nibelungen, d’Homère, de l’Enfer de Dante, et tout cela dans un art de la surcharge, un travail ressemblant en un sens à l’épopée de Milton.

La couleur du temps, Clarisse Nicoïdski (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 11 Juillet 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie, Gallimard

La couleur du temps, Clarisse Nicoïdski, Gallimard, mai 2023, Coll. Poésie, trad. judéo-espagnol, Florence Malfatto, 160 pages, 5,90 €

Mémoire

Mon incertitude sur le fond de ma lecture de ce recueil de poésie de Clarisse Nicoïdski s’est poursuivie jusqu’au bout sans que je ne perce le mystère de cette littérature. Je n’ai pu dégager des textes que de rares notions : mémoire, amour, langue. Mais en écrivant cette chronique, je m’aperçois que ces punctums sont d’une grande force. Peu de thèmes peut-être, mais valeur des fonds où s’arrime cette poésie. Et cette invisibilité, je crois qu’elle vient de la langue-source : le judéo-espagnol – ici consigné en alphabet romain –, langue qui se perd et disparaît, langue d’expression sépharade venue directement de la Reconquista de 1492, et du drame de l’exil forcé des Juifs d’Espagne. Donc, de l’effroyable, à la fois pour des raisons d’identité que de persécutions.

Ici, on pourrait théoriquement penser à Paul Celan. Là aussi la mémoire de la douleur s’engouffre dans le poème et, dans sa grande simplicité, parle de la brutalité du monde. Effroi, maléfice, épouvante, puits sans fond, mort, malédiction, venus sans doute de la Shoah. Et comme extrémité de cette expression poétique, on trouve l’amour, le doux et vrai amour, venu de la transcendance de la poétesse, de sa résilience.

Terres, Marwan Hoss (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 03 Juillet 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Arfuyen

Terres, Marwan Hoss, éditions Arfuyen, juin 2023, 96 pages, 13 €

 

Clarté

Si je pouvais retenir une seule impression sensible du dernier recueil de poésie de Marwan Hoss, je dirais : clarté. Clarté de la langue tout d’abord, hors des modes de l’instant, clarté du propos lequel se satellise sur très peu de concepts, juste assez cependant pour que l’on puisse réfléchir sur des questions graves : le désir, le destin, l’exil, la terre étrangère, le corps, la mort. Mais ceci dans une clarté, une transparence, une grâce (celle des Papiers Découpés de Matisse, ou la représentation des fleurs par exemple, chez Georgia O’Keeffe ; les roseaux, les étourneaux, les palmiers, etc., du poème, ici traités à la manière de ces peintres).

Cette expression cherche la légèreté, ne gardant aucune pesanteur idéologique, préférant le maigre que le gras, peu d’adjectifs préférés à l’ornementation. Se tenir devant une vision ductile qu’il faut saisir sans précipitation, et cela de deux manières : orientale et occidentale, mélange complexe et aventureux.

Contrepoints, Lucien Noullez (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Juin 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Contrepoints, Lucien Noullez, éd. Corlevour, mai 2023, 15 €

 

Souffle

Quand je dis souffle dans mon titre, il faut prendre ce mot à la lettre : la respiration humaine. De plus, le souffle de l’inspiration artistique est le souffle du poème, monde symbolique de la création. Donc expiration/inspiration dans la densité d’une écriture simple, presque naïve mais pleine de vitalité. Et si je peux filer la métaphore, je dirais souffle qui nécessite une excavation, là où l’inspiration fait poche. En fait, c’est comme aspirer et exhaler pour aller avec sagesse vers la mort, le dernier seuil. Un mouvement. Le besoin élémentaire de la vie, sans que l’on connaisse le travail de la respiration, qui, comme le cœur, est inconscient, non ressenti.

Je crois que le travail poétique revient à chercher dans le gouffre (l’inconscient du texte). Écrire de la poésie, c’est voir dans le gouffre, chercher dans le gouffre, aller vers le gouffre. Quoi de plus naturel dès lors que ce besoin de respirer, cette recherche pouvant se faire en apnée. Il suffit pour cela de se conformer au mouvement du souffle, à sa mécanique ondulatoire. Ici, au sein d’une écriture serrée, légèrement cursive, mais cultivée avec entrain, lucidité. Celle concernant la mort, essentiellement.