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La voix des morts - à propos de Mère de guerre de Adolphe Nysenholc

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 03 Décembre 2015. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

Mère de guerre de Adolphe Nysenholc, éd. Lansman, 2006, 8 €

 

L’auteur belge, Adolphe Nysenholc, qui a été le premier à soutenir une thèse de cinéma en Belgique, écrit aussi pour le théâtre. Mère de guerre a été créé aux Ecuries de la Maison Haute, en 2006 à Bruxelles, dans une mise en scène de Jacques Neefs, et a fait l’objet d’une publication chez Lansman, la même année. Mais avant d’en venir à mon propos, c’est-à-dire le sujet de la pièce, je voudrais préciser que j’ai rencontré l’auteur à Bruxelles en octobre dernier et qu’il m’a, dans la confiance, livré son histoire personnelle, celle d’un enfant sauvé de l’extermination nazie par un couple de belges néerlandophones. Ses parents, juifs polonais, se sont ainsi tragiquement sacrifiés pour le sauver (quand il était petit), en le remettant entre les mains de ce couple de flamands, avant d’être gazés à Auschwitz. Adolphe Nysenholc est donc un miraculé de la Shoah.

Clore (4), par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 27 Novembre 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

On peut considérer que les paroles qui suivent sont du même ordre que les précédentes, avec quelque chose en moins, comme si le texte diminuant, se densifiait et allait vers l’essentiel. Donc, il est tout à fait envisageable que l’acteur s’adresse directement au public, par exemple depuis un proscenium, comme si l’acteur pouvait parler aux spectateurs sans la convention de la scène, un peu comme le font les orateurs des Speakers’ Corner à Hyde Park. En tous cas, on doit sentir que quelque chose a changé dans la manière dont évolue l’action.

J’ai un peu peur. Vous savez comme dans Vargtimmen, où le peintre écoute cette minute. Écoutez. Vous entendez ? Cette minute. Juste pour se contempler, les yeux dans les yeux. Pour être convaincant. De la dépression. C’est comme cela que ça s’appelle. Pour moi, il y a une force, un mouvement violent, une puissance en surcroît, qui permet de poursuivre, vous savez, quelque chose comme le struggle for life. Une lutte. Parce que la mort n’a aucun attrait. Non, c’est juste un peu de peur. Le trac. Pour finir, on a tous conscience que ce n’est pas une invention, je veux dire, mourir. Le trépas, c’est ça, en vérité, que l’on redoute. Toi ? Moi ? Nous ? Nous. D’accord, nous. Le trépas c’est le trépas et c’est justement ce qui fait peur parce qu’avec la mort, tout est déjà fini, on ne peut rien regretter, mais au moment de disparaître, on croit que l’on peut changer encore, que l’on peut reprendre souffle. Écoutez. Écoutez ! Cette vieille chanson irlandaise. L’univers est trop petit. Trop confiné. C’est moche, non ? De mourir. C’est moche, n’est-ce pas ?

L’œuvre poétique, Hart Crane

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 25 Novembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Arfuyen, Poésie, USA

L’œuvre poétique, octobre 2015, trad. Hoa Hôï Vuong, 378 pages, 23 € . Ecrivain(s): Hart Crane Edition: Arfuyen

 

Une poésie américaine ?

Entrer dans l’œuvre poétique de Hart Crane est une chance très grande, dans la mesure où il était peu traduit en France, et que le livre que publient les éditions Arfuyen, dans sa belle collection Neige bilingue, permet d’accéder à la presque totalité des poèmes de Crane. Poète complexe et angoissé dirait-on, jusqu’à son suicide dans le golfe du Mexique en avril 1932. Cette indication de lieu a son importance, car les trois grands recueils que laisse le poète, c’est-à-dire Bâtiments blancs, Le Pont et Key West participent de l’expression d’une géographie poétique du monde. Ils sont aussi une forme ambitieuse et réussie de poésie « américaine » venue de Whitman par exemple, car on va facilement d’est en ouest, comme des pionniers, et du nord au sud, comme des voyageurs d’un empire commercial.

Une terre de glace transversale

Embrassée par des arches célestes de plâtre gris

Se jette silencieusement

Dans l’éternité.

Clore (3), par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 24 Novembre 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

On comprend les personnages à mi-mots. Non, ce qui est intéressant, c’est l’énergie qui pousse les acteurs à se quereller pour des questions de virgule. Car il va de soi que les personnages sont peu ou prou concernés par le monde littéraire ou théâtral, voire artistique tout bonnement. On imagine ainsi que cette certaine violence est bien remarquable à ce groupe d’individus si particuliers que sont les artistes.

 

Ça va ?

Que veux-tu que je te dise, il boit.

Tu me suis ?

Oui. Viens.

Il me doit de l’argent.

Clore (2), par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 20 Novembre 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Comme dans les cloîtres italiens, là, autour d’un jardin. J’ai connu des difficultés morales très graves, et j’ai même été hospitalisé chez les aliénés durant mon voyage en Italie. Mais, ce qu’il me reste, ce sont des images extraordinaires, la chambre d’hôtel devant Pise, et la clarté de la Voie Lactée, l’impression d’être du cristal, moi-même, délicat comme du cristal. C’est évidemment impossible à connaître dans un état normal. Mais, là, tout paraissait vrai, beau et vrai, même si après j’ai été très malade et qu’il a fallu me désintoxiquer.

Téléphone ?

Je ne crois pas.

Si, téléphone. Téléphone !

Non, la pluie.

La pluie ? La pluie. Comme c’est drôle.