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Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, Imre Kertész (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 18 Mars 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Babel (Actes Sud), Pays de l'Est, Roman

Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, trad. hongrois, Natalia Zaremba-Huzsvai, Charles Zaremba, 142 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Imre Kertész Edition: Babel (Actes Sud)

Chaque livre d’Imre Kertész est un livre important, essentiel. On le sait bien sûr pour son Être sans destin, témoignage incroyable sur Auschwitz, regard radical et inattendu sur la plus vaste horreur que le monde ait produite dans les temps des temps. Ce Kaddish – qui en est vraiment un – ne fait pas exception. Le Kaddish c’est la prière que l’on fait pour les morts chez les Juifs. C’est une prière de peine et de renoncement aux vanités du monde. Ce livre – comment pourrait-on l’appeler roman ? – est complètement, définitivement un Kaddish : dans son propos et dans sa forme.

Yitgaddal vèyitqaddsh sh’meh rabba

Bè’alma di vèra khir’outeh

Vèyamlikh malkhouteh

Veytzmakh pourqaneh

Viqarev meshi’heh …

Diadorim, João Guimãraes Rosa (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 10 Mars 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Amérique Latine, Roman, Le Livre de Poche

Diadorim (Grande Sertão : Veredas, 1956), João Guimãraes Rosa, trad. portugais (Brésil) Maryvonne Lapouge-Pettorelli, 924 pages, 9,90 € Edition: Le Livre de Poche

 

Le Sertão, ravagé par la guerre des jagunços, est la niche même du Diable – celui-qui-n’existe-pas – qui s’y adonne à cœur-joie à la sauvagerie la plus terrifiante, aux limites de ce que les humains sont capables de produire dans l’horreur – tout en sachant que ces limites peuvent toujours être repoussées et elles l’ont été à maintes reprises depuis la Guerre de Canudos qui finissait le siècle XIX et annonçait l’immonde siècle XX. Ce roman entier se construit sur l’attente de la Fin du Monde. Le monologue de Riobaldo, sur plus de 900 pages, entre d’emblée dans les plus grands moments de la littérature, aux côtés de Absalom ! Absalom ! de Look Homeward, Angel, ou de Nostromo. C’est un déluge de mots, racontés à un auditeur qui restera mystérieux jusqu’au bout. Plonger dans le flot du monologue de Riobaldo, long de plus de 900 pages, est un voyage au bout de l’Enfer que les hommes, ses meilleurs artisans, sont capables de construire.

Todo Modo, Leonardo Sciascia (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 04 Mars 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Italie, Roman, Gallimard

Todo Modo, traduit de l'italien par François-René Daillie, 196 p. 7,50 € . Ecrivain(s): Leonardo Sciascia Edition: Gallimard

 

Quand le grand Leonardo Sciascia écrit un roman noir – un polar – c’est à un véritable phénomène de déplacement et de métamorphose que l’on assiste. Le genre est très vite subverti, oublié, et pourtant, point de doute, ce roman est bien policier. Un meurtre, deux meurtres (trois ?) dans une résidence réservée pour un temps à la méditation et la disputation théologique qui accueille hommes d’église, grands bourgeois, décideurs, et Sciascia nous offre un roman remarquable de réflexion sur le Bien et le Mal. Mais il le fait avec un œil pétillant de malice, une bonne dose d’anticléricalisme, une joie féroce et vengeresse à l’endroit des puissants de ce monde. Quand on entend Don Gaetano, l’hôte des lieux, c’est évidemment Leonardo Sciascia qui parle, lui qui a fait de ses romans une critique permanente de la classe politique, un regard acide et virulent sur les mœurs délabrées des puissants et des possédants dans son pays – qu’il s’agît de la mafia ou des politiques – on se rappelle le magnifique « Cadavres Exquis ».

Nord, Merethe Lindström (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 26 Février 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays nordiques, Roman, Cambourakis

Nord, Merethe Lindstrom, février 2020 Edition: Cambourakis

 

Bien sûr que La Route plane sur ce roman, mais pourquoi pas ? Quand l’écriture est belle et serrée, quand les personnages sont étranges et attachants, quand l’histoire est captivante, on est devant un beau roman. Et prendre modèle sur Cormac McCarthy n’est pas une faiblesse pour cet auteur mais la force de son talent et de son ambition qui nous offre un roman énigmatique et plein de poésie.

La route donc. Celle où chemine le jeune narrateur et son encore plus jeune compagnon – dont le nom sera tout au long du roman « le garçon ». Où vont-ils ? Au Nord. La dévastation du monde les pousse vers ce qui est autre chose qu’un pays ou une région : juste la pointe de l’aiguille d’une boussole, celle qui montre le Nord. Nous ne saurons jamais vraiment ce qu’ils espèrent y trouver mais au moins ils sortent des flots morbides de millions de déplacés qu’un Enfer inconnu a chassé de chez eux dans un monde désolé. C’est la présence du garçon qui donne à ce récit glacé une chaleur d’humanité. Et c’est aussi l’absence d’un chien dont le narrateur a perdu la trace.

September September, Shelby Foote (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 11 Février 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Gallimard

September September, Février 2020, traduit de l’américain par Jane Fillion, traduction révisée par Marie-Caroline Aubert. 431 p. 21 € . Ecrivain(s): Shelby Foote Edition: Gallimard

 

Ce roman du grand Shelby Foote, son dernier roman en date de 1978, a été publié pour la première fois en français sous le titre de « Septembre en noir et blanc », traduit par Jane Fillion pour les éditions 10/18 en 1985. Il est réjouissant de voir ce bijou réédité par Gallimard/La Noire, avec la traduction de Jane Fillion toujours, revue et corrigée par Marie-Caroline Aubert.

 

Décidément, Shelby Foote ne fait rien comme aucun autre écrivain. Dans ce roman, il s’attaque au genre « polar » mais aucun des codes connus de ce genre ne sont ici appliqués. Si bien que, si ce livre est un polar, alors tous les polars n’en sont pas. A travers l’intrigue qui tient September, September Foote va décliner toutes ses obsessions : le Sud bien sûr, son histoire, ses démons, les rapports entre blancs et noirs, la dérive des petits blancs pauvres vers le crime, les rapports sulfureux entre hommes et femmes et, toujours, en fond de tableau, l’Histoire des USA, la monographie du Delta, la mythologie sudiste.