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La mort de près, Maurice Genevoix

Ecrit par Guy Donikian , le Dimanche, 11 Décembre 2011. , dans La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon, Les Livres, Recensions, Récits

La mort de près, La table ronde, "la petite vermillon", 141 p. 7 € . Ecrivain(s): Maurice Genevoix Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

« Une longue existence, lorsqu’elle approche de son terme, propose des perspectives plus spacieuses et plus simples, en quelque sorte désencombrées. »


C’est en ces termes que Maurice Genevoix, clôt son récit. Un récit qui paraît en 1972, alors que l’auteur est déjà âgé, et qu’il sent sa fin proche. Si « Ceux de 14 » était le récit cathartique du jeune normalien où le rythme du récit est lié au besoin de témoigner de l’horreur, « La mort de près » apparaît comme apaisé, débarrassé des scories de l’émotion, désencombrées dit-il. Et plus loin : « ce qui a compté s’affirme, s’impose, avec une évidence qui devient vite impérative, car la conviction l’accompagne que cet acquis ne nous appartient pas ». L’essentiel, voilà ce dont veut témoigner Genevoix. Foin des apitoiements, l’heure pour lui n’est plus à la plainte, à la dénonciation ou à l’expression de son indignation. Il s’agit plutôt de dire par le menu la souffrance, les blessures, la mort, à l’aide de descriptions minutieuses, l’écrit est plus méthodique, plus précis, au service de l’essentiel, de ce qui devra servir à la postérité.

Hymne, Lydie Salvayre

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 18 Octobre 2011. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Recensions, Récits, Seuil

Hymne, aout 2011, 240 pages, 18 euros . Ecrivain(s): Lydie Salvayre Edition: Seuil


Woodstock, 18 aout 1969, 9 heures du matin. Ils sont vingt mille, fatigués, endormis, là depuis trois jours, trois jours de fête, de musique. Ils sont vingt mille, sur les quatre cent cinquante mille, qui auront attendu. C’est la presque fin du festival, le premier du genre, trois jours dans la boue, les images qui existent l’attestent, trois jours  de  musique, Bob Dylan, Carlos Santana, les Who, bien d’autres encore. Jimi Hendrix entame, ce matin, ce qui restera un cri d’amour et de désespoir, The Star Spangled Banner, l’hymne national américain, et vingt mille personnes seront abasourdies par la puissance du cri, l’énormité du son, et la solitude du musicien.

C’est là l’origine du beau texte de Lydie Salvayre, ce matin duquel personne ne sera sorti indemne, texte écrit comme la musique de Hendrix, une respiration haletante, aux syncopes magistrales, aux harmonies rugueuses. Lydie Salvayre écrit sous la dictée de cette musique dont elle dit qu’elle fut « un cri insoutenable, insoutenablement beau, et paradoxalement libérateur ». Pour elle, ces trois minutes et quelque quarante secondes concentrent les blessures du musicien et « tous les refus d’une jeunesse que l’avidité, la brutalité et le prosaïsme de la société d’alors révulsaient jusqu’à la nausée ».

Le nain géant, Marc Petit

Ecrit par Guy Donikian , le Samedi, 30 Juillet 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman

Le nain géant, l’arbre vengeur, mai 2011, 408 pages 21 euros. . Ecrivain(s): Marc Petit

 

Il faut remercier les éditions de L'arbre vengeur pour la réédition du Nain Géant de Marc Petit.

Voilà bien un bon livre, un qui nous rassure et qui donne envie d’aller plus loin encore. Un roman populaire, pour sûr, mais un roman bien écrit, avec une érudition à peine voilée, présente donc, mais jamais ennuyeuse.

L’histoire, tout d’abord, parce qu’il y a une histoire. Nous sommes dans la seconde moitié du 19 ième siècle, à Paris, Albéric Lenoir a une petite fabrique de jouets mécaniques et il nomme sa boutique «  Au Nain Géant », oxymore qui interroge. Mais l’inventeur du «  Nain Géant » décède et ne lègue à l’un de ses deux fils, Benjamin, que ce fameux objet. Et c’est la recherche de cet objet qui nous conduit du fantastique au merveilleux, tout en ne se défaisant pas de l’humour.

La quête du Nain Géant peut d’abord se lire comme un roman, la trame ne laissant jamais le lecteur en panne d’émotions et de questions, et la question centrale posée au lecteur est l’existence même du Nain Géant.

Sur le haschich, Walter Benjamin

Ecrit par Guy Donikian , le Dimanche, 05 Juin 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, Langue allemande, Christian Bourgois

Sur le haschich. 2011. Traduit de l’allemand par Jean-François Poirier. 128 p. 6 € . Ecrivain(s): Walter Benjamin Edition: Christian Bourgois


Il faut saluer la réédition des textes intitulés « sur le haschich » de Walter Benjamin par Christian Bourgois dans la collection «Titres ». Ces textes sont des notes prises par l’auteur ou par les participants aux protocoles, séances durant lesquelles la prise de drogue, haschich ou mescaline, avait pour but l’observation et la retranscription des effets sur la pensée.

Derrière la description parfois aride de ces effets, ou derrière quelques fulgurances dans la succession des images et des pensées, on ne peut occulter « la volonté de savoir » qui aura animé le philosophe. Non pas un simple savoir répondant à une légitime curiosité, (on ne peut pas ne pas penser à Baudelaire) mais un savoir qui s’inscrit dans le projet révolutionnaire pour lequel il veut mettre en œuvre les « terra incognita » de la pensée que peuvent révéler ces expériences.

On est loin, ici, de la consommation actuelle du haschich, qui correspond plus à une volonté de « rêver la vie plutôt que de la vivre », la révolution de Benjamin se fondant essentiellement sur le renversement d’un ordre établi, ordre qu’aujourd’hui on ne remet pas en question avec le haschich, mais qu’on oublie grâce à l’euphorie qu’il engendre.

Azad et les Rolling Stones

Ecrit par Guy Donikian , le Dimanche, 24 Avril 2011. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture, Chroniques Ecritures Dossiers


Ce sont mes joues qui ne me plaisent pas. On dirait un hamster qui aurait fait des provisions, beaucoup de provisions comme pour passer un hiver rigoureux. Des joues grosses comme ça, ce n’est pas ce qu’on fait de mieux, et pourtant mon grand-père Iskender semble très fier de ce signe de bonne santé. Et puis, avec la tronche que ça me fait, comment devenir un chanteur de rock. Seul point positif, mes cheveux ; ils commencent à pousser, leur longueur est presque celle de mes maîtres et je vois bien qu’avec des cheveux plus longs, les rondeurs pitoyables de mes joues s’estompent quelque peu. J’ai horreur des cheveux plaqués sur le crâne, et le volume que je commence à avoir me plaît bien. Je m’observe souvent dans une glace, et en passant ma main dans ma chevelure, j’augmente un peu plus le volume et je me trouve plus esthétique, je crée comme ça un désordre dont parfois on se moque autour de moi. Mais franchement, autour de moi, dans ma famille, qu’est-ce qu’ils connaissent à l’esthétique, eux qui sont issus de contrées dont on ignore tout.