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Zone d'Education Prioritaire, Sonia Chiambretto

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 25 Septembre 2012. , dans La Une Livres, Actes Sud/Papiers, Les Livres, Recensions, Théâtre

Zone d’Education Prioritaire, 67 p. 12 € . Ecrivain(s): Sonia Chiambretto Edition: Actes Sud/Papiers

 

Sonia Chiambretto a-t-elle été marquée durablement par la Légion étrangère stationnée à Aubagne et agrémentée d’un improbable musée ? Elle revient souvent dans ses textes sur la violence des guerriers, pantins sanguinaires au service des politiques. Dans Zone D’Education Prioritaire comme déjà dans Mon képi blanc, ils sont des personnages centraux. La guerre et le théâtre, c’est peut-être la même chose.

Le texte dont il est ici question pourtant, comme son titre l’indique, s’inscrit dans l’espace scolaire au départ. Nous sommes au lycée V Hugo de Marseille, établissement classé ZEP situé derrière la gare St Charles. Il est l’unité de lieu cerné par son système d’entrée et de sortie géré par une caméra de surveillance. Elle sert aussi de première de couverture à l’édition Actes Sud-Papiers : elle regarde vers nous, lecteurs menacés par son œil électronique. Deux jeunes filles Kate et Bone vont en quelque sorte nous faire la visite guidée du lycée suivant le plan inaugural (avec ses pictogrammes). L’architecture du lycée ressemble fort à celle d’une prison organisée avec ses cours, sa vie rythmée par des sonneries et sirènes (cour A et C). Elles décrivent tour à tour le quotidien de l’établissement avec ses élèves aux origines multiples. Elles se moquent de l’inepte sortie « pédagogique » à la fête des citrons à Menton, ou des « gothiques ».

L'été sarde - I Kallisté

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 14 Septembre 2012. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

 

I Kallisté

 

Elle est à bord du Kallisté. Ligne Marseille/Porto-Torres. Elle est à bord de ce bateau qu’elle n’a jamais pu prendre avec Jean. Grève dure des marins. Pirates. Elle monte sur le pont supérieur pour assister au départ,  à l’arrachement de la terre du continent, à l’arrachement de son immense chagrin. Le bateau pilote, petit jouet si puissant, conduit le ferry ; vers le large. Arenc. Les lignes verticales, horizontales de la ville sont un mur de décor. Elles se croisent ; s’harmonisent ; se brisent : tour de verre irakienne au milieu du flot des voitures, cheminée bleue aux tuyaux noirs du Kallisté, orgues industrielles de la nef ; grues rouges qui tournent sur les chantiers, lignes d’immeubles. Défilent les façades de la ville qui sont des blocs de sa mémoire des anciens docks à la corniche vers Endoume. Une amante n’est jamais veuve, la femme au long voile noir qui pleure, qui pleure. Elle est seule. Le bateau dépasse les feux noirs et jaunes qui clignotaient devant sa fenêtre, puis les rochers de Malmousque qu’elle gagnait à la nage. Elle se reposait sur l’îlet et ses pieds se blessaient sur les coquilles des petites moules devenues lames de couteau.

Le cimetière monumental

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 03 Septembre 2012. , dans La Une CED, Ecriture, Récits

 

A l'entrée d'Iglesias, apparaît l'enceinte, la haute ceinture qui emmure les trépassés. Les cigales stridulent. Est-ce bien le cimitero ? Ou un jardin de sculptures ? La mort est si belle. Le marbre vient de Carrare. La mort est un signe ostentatoire. Dans l'éclat de juillet, des promeneurs suivent les sentes entre les tombes. Les proches fleurissent, entretiennent les architectures post mortem. Une femme se tient immobile devant la tombe de son époux. Elle lui raconte que la vie continue après lui mais que rien ne compte. Elle porte le deuil : voyez, je suis de noir vêtue  pour lui, vierge à nouveau sans homme. Il ne reconnaît plus sa voix.  Parle-t-elle trop bas ? Elle sait que les morts restent avec nous. Elle s'attendrit en pensant à tous ceux qui sont réunis dans cette ville à l'écart de l'autre ville. Deux photos. Etre à nouveau jeunes mariés. Elle a lu maintes fois l'histoire de Giuseppe rejoint par sa veuve. Leurs enfants les pleurent. Un peu plus loin ; contre le mur de l'enceinte, elle passe souvent devant le jeune Lecca 1903 à l'air canaille des années trente, la main gauche sur la hanche et un chapeau citadin sur la tête, à la conquête de la vie. Elle sourit toujours en pensant aussi à Sergio qui aimait le foot. Il n'a pas eu le temps de se fiancer. A-t-il eu un accident de voiture sur une mauvaise route de montagne ; avait-il une maladie incurable malgré sa vigueur sportive ? Ses parents ont dépensé une petite fortune pour son monument.

La fille aux tongs (3)

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 17 Juillet 2012. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis, Création poétique

Les tongs du peintre s’enrubannent. Fils d’Ariane.

 

Un autre jour, le peintre a fait marcher dans les rues des hommes et des femmes dans un mouvement de va-et-vient, de superposition. Ils n’ont pas de visage même lorsqu’ils sont de face. La fille avance, statique. La part de sa réalité réside dans la chaussure minimale : une tong rouge. On pourrait à travers ses vêtements voir la vie de la rue en transparence. Jeune fille ; je portais de telles robes. Entre mes jambes se devinaient les éclats de la lumière. J’imagine tout, en emboîtant le pas du modèle du peintre.

 

Encore. Une autre passante en tongs noires monte une volée d’escalier. La lanière des tongs est la seule géométrie pure, mesurable ; tout le reste est flou ; une sorte de fondu enchaîné : le corps de la jeune femme ; l’architecture des marches, le sommet de l’escalier et le ciel. Où cela s’arrête-t-il ? La tong limite, arrête l’esprit.

Dénommé Gospodin, Philipp Löhle

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 11 Juillet 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Langue allemande, Théâtre

Dénommé Gospodin, (traduction All. Ruth Orthman), bilingue Presses Universitaires du Mirail, 2010, 151 p. 13 € . Ecrivain(s): Philipp Löhle

Pièce présentée au festival d’Avignon en 2011 et reprise au théâtre des Ateliers à Lyon en avril 2013. Mise en scène de Benoît Lambert.

 

La pièce de Löhle, aux accents beckettiens, créée à Bochum en 2007 au théâtre unter Tage/ Schauspielhaus, est bel et bien un texte de théâtre. Au seuil du texte, Sie (elle) parle d’un homme à l’abandon du monde : Tja, seine… Welt stand Kopf / Ouais son… monde est sens dessus dessous. Succession de monologues à la manière du chœur antique, portés tantôt par une voix féminine, tantôt par une voix masculine ; dialogues-scènes au nombre de treize que les noirs séparent. Tout se construit autour du drôle de gars qu’est Gospodin (Monsieur en russe) et à qui Greenpeace (« une organisation merdique ») a enlevé son cher lama. Il croise tour à tour des amis, des gens de sa famille qui ne le comprennent pas, et qui eux, s’inscrivent dans la logique sociale de notre époque : Anette, sa petite amie, Andi, le pilote, Norbert l’artiste, Sylvia la bobo… Aux yeux de Gospodin, ils incarnent ce qu’il appelle les petits-bourgeois « die Spiesser ». Ils cherchent à persuader Gospodin à rentrer dans le rang, parfois avec des arrière-pensées cupides mais en vain. Gospodin alors se réfugie dans le sommeil ou le silence.