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Récits

Colis piégé (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 01 Juillet 2024. , dans Récits, Ecriture, La Une CED

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning !

J’ai toujours la même émotion lorsque j’aperçois ma valise, sur le tapis roulant. À l’aéroport. Après l’angoisse de l’avoir perdue, la joie de la retrouver, je suis comme les parents qui attendent leur gamin à la sortie de l’école. Je suis comme ça. Ma valise s’appelle Loulou et elle a déjà fait deux fois le tour du monde, parfois même en solitaire. Vol Miami/Paris. L’aéroport, puis le bus puis le métro, je viens de débarquer à Orly. Avec vingt-cinq kilos à porter, en montant, en descendant, pas d’escalators, ou juste à la sortie, c’est pratique, alors je traîne, je tire, je porte ma valise. En solitaire. Je supporte. Debout. L’affluence. Elle, elle est assise. Elle est furieuse. C’est une honte de monopoliser autant d’espace, les gens comme moi devraient prendre un taxi, on n’a pas idée de se déplacer avec une valise si imposante, je suis bien d’accord mais en quoi je la dérange. Elle bafouille, là n’est pas la question, c’est un scandale voilà tout. Je la remercie pour son amabilité, je suis moqueuse, je souris et je lui réponds que c’est mon ex petit ami qui est découpé en morceaux dans ladite valise.

Lean on me (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mardi, 21 Mai 2024. , dans Récits, Ecriture, La Une CED

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! Ok let’s do it, I am gonna sing for you. Lean on me. When you’re not strong. And I’ll be your friend. I’ll help you carry on.

Ça, je suis sûre que tu connais. Aider l’autre ? Hum… Ce n’était pas tout à fait ce que j’avais dans le cœur, ce jour-là. Un 14 février un peu trop froid pour la Floride, trop de bruits dans les oreilles, trop seule et trop de monde dans le bus.

Le bus, je le prends tous les jours avec le sentiment que je suis bloquée dans un ascenseur. Tombée au pied de l’échelle sociale. Les gens comme moi, ils conduisent. Mais moi, je ne conduis pas. Je prends le bus pour aller poser nue devant un radiateur avec qui j’entretiens une relation amoureuse. Trop près, il me brûle les fesses, trop éloigné, il ne sert à rien. Je suis modèle pour une école d’art, je pose pour des élèves et pour des peintres. Je disparais. Je me défais de ma peau pour incarner leur toile. Ça fait moins mal. À Miami. Entre les quartiers de Hialeah et Doral où il est impossible de circuler autrement qu’en voiture et crois-moi, là-bas, les gens, ils ont autre chose à faire qu’à se prendre la tête pour une ombre, sur un morceau de chair.

Haute résolution (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mardi, 23 Janvier 2024. , dans Récits, Ecriture, La Une CED

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! Tu n’as décidé qu’une seule chose cette année, tu dis oui à la vie. Tu ne diras plus jamais non. Tu dis oui à toutes les opportunités, à toutes les rencontres, à toutes les épreuves. Prends garde. Car l’Univers avec une majuscule va exaucer tes vœux.

Première aventure, ton partenaire (genre neutre. Mot actuel pour désigner la seconde entité du couple) depuis six mois, avec qui tu crois filer le parfait amour, vient de t’annoncer qu’il est polylovers. Polyquoi ? Tu n’es pas la seule sur son profil WhatsApp-agenda-galerie photo. Tu es une femme, il est un homme. Sept polycopies dans le salon pour ne pas dire dans le lit. Polygame, si tu préfères. Et t’as de la chance, ce n’est pas en simultané. Réjouis-toi, car toi t’es unique. Naturellement. Une par soir. Il faut de l’organisation et beaucoup d’énergie, t’es d’accord. Tu pleures ou tu restes, tu pleures aussi et t’attends ton tour. Tu dis oui à la vie, souviens-toi. Tu te documentes, tu regardes des séries sur Netflix. Me, You, Her. Tu t’instruis, tu essayes de comprendre, tu apprends des nouveaux mots. La compersion. Question de valeurs ou de convictions. Je t’expliquerai.

ON AIR (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 14 Décembre 2023. , dans Récits, Ecriture, La Une CED

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning !

As-tu passé dix-sept heures dans un aéroport, à vider les testeurs de parfums et les échantillons de crèmes, à cent dollars les 30 ml ; deux heures, assis, dans un avion sur le tarmac pour finalement être débarqué, réembarqué sept heures plus tard, trois jours et quatre avions pour traverser les États-Unis et trois nuits en chien de fusil dans trois aéroports à réciter des mantras en élaborant des scénarios de meurtre ?

Voilà à quoi ressemble le monde merveilleux des vols intérieurs américains. Dédommagements, hébergements, bons repas, que nenni, ça, c’est si tu as le temps de faire la queue au service commercial de ladite compagnie aérienne qui pratique le débarquement, le surbooking, le burn-out, le work-more/win-less et toutes les réjouissances du low-cost. Slogan subliminal, Tu ne sais pas quand tu pars, tu ne sais pas quand tu arrives, si c’est toi ou ta valise qui part.

Chantier interdit au public (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mardi, 19 Septembre 2023. , dans Récits, Ecriture, La Une CED

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! Vous aimez les petits trains ou les petites voitures, n’est-ce pas, comme celles que vous poussiez enfant, sur le tapis dans votre chambre, couleur béton, en imitant les bruits du moteur. Ou les petits camions. Les engins de chantier comme la grue, la pelleteuse, le bulldozer ou le rouleau-compresseur, pour bâtir votre petit monde à votre hauteur et en toute légalité.

Ici, à Miami, pas de petits trains. Des petites voitures, des petits camions et des borborygmes. Des machines à profusion. À Miami, c’est le terrain de jeux, taille adulte. Ou le bac à sable. Ici, les chantiers ne s’arrêtent jamais. Nuit et jour. Le béton grimpe. Les stars architectes gravent leur nom dans la pierre, l’idée n’est pas nouvelle, ils comblent les trous dans le sol et plus personne, pas même les gosses, ne jouent dedans. Ici, on fore, on drague, on ne rénove pas, on rase et on refait en mieux. Ça coûte moins cher. Investissement à moyen terme, bénéfices à court terme, le long terme, c’est bon pour le virtuel. Miami sous les eaux d’ici un demi-siècle, on modélise mais au fond personne ne veut vraiment y songer. Du rêve, du soleil, du sable et du vent. Point. Les plages seront vidées de leur sable, ratissées jusqu’à l’écorce pour bâtir les immeubles, lesquels immeubles seront rendus à Mère Nature, désagrégés dans cinquante ans. Merci. Retour à la case départ.