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Lean on me (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard 21.05.24 dans La Une CED, Ecriture, Récits

Lean on me (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! Ok let’s do it, I am gonna sing for you. Lean on me. When you’re not strong. And I’ll be your friend. I’ll help you carry on.

Ça, je suis sûre que tu connais. Aider l’autre ? Hum… Ce n’était pas tout à fait ce que j’avais dans le cœur, ce jour-là. Un 14 février un peu trop froid pour la Floride, trop de bruits dans les oreilles, trop seule et trop de monde dans le bus.

Le bus, je le prends tous les jours avec le sentiment que je suis bloquée dans un ascenseur. Tombée au pied de l’échelle sociale. Les gens comme moi, ils conduisent. Mais moi, je ne conduis pas. Je prends le bus pour aller poser nue devant un radiateur avec qui j’entretiens une relation amoureuse. Trop près, il me brûle les fesses, trop éloigné, il ne sert à rien. Je suis modèle pour une école d’art, je pose pour des élèves et pour des peintres. Je disparais. Je me défais de ma peau pour incarner leur toile. Ça fait moins mal. À Miami. Entre les quartiers de Hialeah et Doral où il est impossible de circuler autrement qu’en voiture et crois-moi, là-bas, les gens, ils ont autre chose à faire qu’à se prendre la tête pour une ombre, sur un morceau de chair.

Deux heures pour y aller, deux heures pour revenir au point de départ. Et c’est toujours la même histoire. Les gens qui ne conduisent pas tirent sur le cordon jaune toutes les trois minutes. Ici, on ne marche pas. On monte et on descend. Le trajet ressemble au point d’exclamation, en morse. Un trait, un point, un trait, un point, un trait, un point. Tu te tais. Surtout pas de gestes d’humeur, ici tu n’es pas chez toi et t’as rien à faire dans ce quartier. Tu es la seule à avoir la peau rose. Alors tu t’assois derrière. Et tu te fais toute petite.

Debout. Tu es en équilibre entre les gens du bus et les gens pour qui tu poses et c’est la même distance qu’entre la Terre et la Lune. Aucun n’a posé le pied sur le territoire de l’autre. En fait, les gens, tu vois, ils n’y pensent même plus. Ils ont trop de trucs dans la tête qu’ils vident dans leur téléphone ou en fumant un joint ou en tapant sur les autres. Lui, non, il n’est plus comme ça. Son téléphone, c’est de la musique à portée de main. An old man blues, lui c’est un chanteur qui a partagé la scène avec Bruce Springsteen ou Frankie Avalon. Je le crois sur parole. Et je l’écoute. Il chante. J’ose, je me joins à lui, comme toi tu monterais dans un train sans connaître la destination, et en première classe, de surcroît. D’abord le premier couplet, en chuchotant, le refrain puis toute la chanson et puis un peu plus fort et c’est tout le bus que tu oublies. T’es avec lui, tu chantes, il t’ignore puis il te regarde, tu continues alors il sourit, un peu. Et c’est toi qui baisse la tête. Les autres qui se retournent. An old man blues, les rides couleur marron et toi, la peau toute lisse et sans artifices. Son métier.

Ton métier veut des rides sur ton front, ça retient les ombres.

Vous chantez, le majeur et le pouce, les pieds, le rythme de Lean on me, entre les paumes. La playlist qui coule de son téléphone jusqu’au-devant du bus, jusqu’aux passagers qui descendent. Au terminus.

You have it, white Rosa Parks, you’re good, babe.

Vous chantez, a cappella. Les chansons qu’on chantait en sortant de la messe et qui, en quittant le bus, te poursuivent la journée entière, assez pour te porter jusqu’à ta destination, aller-retour, te donner ce qui te manque, le sens, ce qui leur manque à eux aussi. T’es venue aux États-Unis pour ça, pour ce moment-là. Pour ces gens-là.

Pour écouter les gens et les remettre sur la toile.

 

Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard

 

Lean on me

Hum…

Sometimes in our lives

We all have pain

We all have sorrow

But if we are wise

We know that there’s always tomorrow.

Lean on me

When you’re not strong

And I’ll be your friend

I’ll help you carry on

For it won’t be long

Till I’m gonna need somebody to lean on.

Please swallow your pride

If I have things you need to borrow

For no one can fill

Those of yours needs that you won’t let show

You just call on me brother

When you need a hand

We all need somebody to lean on.

Lean on me

When you’re not strong

And I’ll be your friend

I’ll help you carry on

For it won’t be long

Till I’m gonna need somebody to lean on.

You just call on me brother

When you need a hand

We all need somebody to lean on

I just might have a problem that you’ll understand

We all need somebody to lean on.

If there is a load you have to bear

That you can’t carry

I’m right up the road

I’ll share you load

If you just call me.

Call me

If you need a friend.

Call me.

Call me.

Call me.

Bill Withers

 

William Harrison Withers Jr (1938-2020), est né un 4 juillet à Slab Fork, West Virginia. Il a trois ans quand ses parents divorcent, élevé par la famille de sa mère, il a treize ans quand son père meurt. À dix-sept ans, il entre à la Navy et commence à écrire des chansons, il chante. Mécanicien ensuite. Il se produit dans les bars, il apprend et il continue à exercer son métier de mécanicien. Le succès avec Ain’t No Sunshine (1971), puis Lean on Me (1972), Just the Two of Us (1980). Trois Grammy Awards, nommé six fois.



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A propos du rédacteur

Jeanne Ferron-Veillard

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Jeanne Ferron-Veillard naît le 16 septembre 1975, à Lorient. Grandit en Bretagne puis à Albi. A l’âge des grandes mutations, part sur Paris : pensionnaire à l’école de La Légion d’Honneur. Les études ? Niveau licence, quelques souvenirs en Lettres Modernes. Puis ce sera l’Angleterre où elle restera quatre années. Retour en France, entre autres responsable d’une très jolie librairie à Paris. Petit tour de France puis du monde, lit, écrit et vit depuis au même endroit incognito.