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La traversée, Murray Bail

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 04 Juin 2013. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Recensions, Océanie, Roman

La traversée, trad. De l’anglais (Australie) par Patrice Repusseau avril 2013, 196 p. 20 € . Ecrivain(s): Murray Bail Edition: Actes Sud

Ce livre porte en lui, par son rythme et sa prosopopée, son titre, la Traversée. Murray Bail, on le sait depuis au moins son somptueux « Eucalyptus » (Robert Laffont 1999), est d’abord un grand styliste. Ce livre en est une éclatante confirmation. Pas de chapitres, pas de paragraphes (ou presque pas) : une longue, sinueuse, fluide avancée narrative qui, peu à peu, nous imprègne, nous berce de son rythme, nous enivre et nous emporte enfin. On ne peut pas ne pas penser au flot proustien, à cette manière particulière de pétrir l’écriture avec le temps, dans un jeu permanent de va et vient entre les moments du présent, du passé, du futur. Le temps est la seule scansion véritable de ce roman. Car c’est un roman et comment ! Tout ici baigne dans un univers romanesque à la fois lyrique et moderne. Le chant proustien ? Qu’on l’écoute ici :

« L’économie de la comptable enceinte avait contraint Delage à repousser son départ, ce qui permit à Elisabeth de rejoindre le Romance au Pirée, bien qu’elle eût pu rattraper le navire plus loin, à Port-Saïd ou à Singapour, par exemple, Delage descendait la passerelle en tôle ondulée, pensant se promener dans Athènes, une ville qu’il avait si souvent vue en photo, ou au moins ses nobles ruines tenant bon contre le ciel bleu, un ciel toujours immaculé, le long des rues il observerait les nombreuses coutumes locales, il prendrait son temps – du haut de la passerelle il aperçut Elisabeth, la tête relevée, attendant que quelqu’un prenne ses trois valises. »

Nouvelles du New Yorker, Ann Beattie

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 28 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Nouvelles, USA, Christian Bourgois

Nouvelles du New Yorker, trad. (USA) par Anne Rabinovitch avril 2013, 379 p. 20 € . Ecrivain(s): Ann Beattie Edition: Christian Bourgois

 

 

Pour certains d’entre nous, Ann Beattie a accompagné nos années d’adolescence post soixantehuitarde. Elle est de ces plumes qui ont su capter une époque, un style, un mode de vie, des silhouettes, des mots : ceux de la « libération » des langues et des esprits. Du moins de la pseudo libération car elle cachait bien sûr d’autres enfermements, d’autres illusions, d’autres croyances imbéciles. Et ça aussi, Ann Beattie l’a saisi.

Vous l’avez compris, les nouvelles réunies ici, pour une large part d’entre elles, datent des années 70 et ont été publiées, dès leur naissance, par le célèbre New Yorker, magazine littéraire et culturel de Big Apple. Et on y retrouve tout cet univers d’alors : babas cool, chipoteurs psychologisants, fumeurs de joints, révolutionnaires de salon, nanas « libérées », gratouilleurs de guitares et de rimes approximatives, théoriciens nuls de l’avenir du monde, artistes dans un devenir qui ne viendra jamais.

Etranges Rivages, Arnaldur Indridason

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 22 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Pays nordiques, Roman, Métailié

Etranges rivages. Traduit de l’islandais par Eric Boury. Février 2013. 300 p. 19,50 € . Ecrivain(s): Arnaldur Indridason Edition: Métailié

S’il est encore des réticents qui considèrent le roman noir comme un genre « mineur » de la littérature, alors qu’ils viennent, avec leurs préjugés en bandoulière, lire le dernier opus en date d’Arnaldur Indridason. Ils y découvriront une œuvre magistrale qui compte de manière majeure dans le paysage littéraire d’aujourd’hui.

Ceux qui suivent les œuvres du maître nordique, se rappellent que son dernier livre nous avait privé de notre enquêteur favori, Erlendur. On y avait vaguement et mystérieusement appris qu’il était en « vacances » quelque part vers les fjords de l’Est. Et c’est là que ce livre nous permet de le rejoindre. Erlendur n’est pas en voyage organisé, c’est le moins qu’on puisse dire ! Il est seul, logeant dans une ferme abandonnée battue par les vents glacés, sans mobilier, dormant à même le sol dans un sac de couchage. Jugez donc du confort du séjour d’Erlendur :

 

« Il s’était mis à pleuvoir, le vent qui s’était levé hululait sur les murs nus qui offraient toutefois un abri suffisant contre ce frimas tout en grisaille. La petite lampe à gaz qu’il avait apportée lui procurait un peu de chaleur, il l’avait réglée au niveau le plus bas, de manière à ce qu’elle dure le plus longtemps possible. Elle projetait autour de lui une clarté blafarde, crépusculaire, et tout autour il faisait aussi noir que dans un cercueil. »

Stefan Zweig en La Pléiade Gallimard

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 16 Mai 2013. , dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Les Livres, Recensions, Langue allemande, Nouvelles, Récits, Roman

Stefan Zweig, Romans, nouvelles et récits. Avril 2013. 2 tomes. Prix de lancement 116 € (130 € après le 31 août 2013) . Ecrivain(s): Stefan Zweig Edition: La Pléiade Gallimard

 

L’arrivée en La Pléiade d’une œuvre est en soi, toujours, un événement. Pour le lecteur français, francophone, c’est une sorte de consécration éditoriale suprême d’un auteur et de ses œuvres. La publication de Stefan Zweig constitue donc un événement, et à plus d’un titre. Toute l’œuvre est là, bien sûr, mais aussi et surtout, dans son cas, la dernière demeure en fin de compte de celui qui n’en avait plus vraiment depuis l’exil et qui, en choisissant la disparition physique, disait au monde que son œuvre était son dernier refuge. Ecoutons à ce propos Jean-Pierre Lefebvre dans sa superbe préface :

« Il n’avait pas déserté le monde, (…) Il avait seulement fait « sécession », lui aussi. Non pas dans la rumeur dorée d’une architecture nouvelle fortement imprégnée de ses héritages, ni dans un repli religieux, mais dans le jardin d’un monde de demain, pour mettre un terme à la fuite infinie, et se replier avec armes et bagages dans la seule vie de ce qu’il avait écrit. »

La Sauvage, Jenni Fagan

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 14 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Iles britanniques, Roman, Métailié

La Sauvage (The Panopticon). Trad. de l'anglais par Céline Schwaller. Mars 2013. 312 p. 19 € . Ecrivain(s): Jenni Fagan Edition: Métailié

 

The Panopticon. C’est le titre original de ce livre. Les lecteurs français seront nombreux à se demander pourquoi l’éditeur a choisi de glisser l’axe central du livre de la machine infernale qui le structure à la jeune fille qui en est l’héroïne. Pour peu qu’on ait lu le formidable « Surveiller et punir » de Michel Foucault, on ne peut pas ne pas savoir ce qu’est le Panopticon : un aménagement d’espace carcéral (et/ou hospitalier) idéal, inventé par l’anglais Jeremy Bentham en 1791, et qui permet, à partir d’un seul lieu central, de voir l’absolue totalité de l’ensemble d’un lieu d’enfermement. Une sorte d’omnivision radicale, métaphore souvent utilisée pour évoquer les univers totalitaires.

 

" En plein milieu du grand C, aussi haute que le dernier étage, il y a la tour de surveillance. Je lève les yeux. Il y a une fenêtre panoramique qui fait tout le tour au sommet et si on voit rien à travers la vitre, celui - ou ce qui - se trouve là-haut, lui, peut voir à l'extérieur. Depuis la tour, on peut voir l'intérieur de chaque chambre, chaque étage, chaque salle de bains. Partout."