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Chronique d'hiver, Paul Auster

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Mars 2013. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Roman, USA

Chronique d’hiver (Winter Journal 2012) trad. USA Pierre Furlan mars 2013. 252 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Paul Auster Edition: Actes Sud

 

Régulièrement, Paul Auster pose un regard dans son œuvre sur le chemin de vie parcouru. Dans l’invention de la solitude, le Carnet rouge, le diable par la queue il nous donnait des époques, des clés qui ouvraient à la fois la compréhension d’une vie mais aussi et surtout d’une œuvre. Chronique d’hiver est donc dans cette scansion itérative de l’œuvre d’Auster. Mais avec cette chronique, Paul Auster prend un chemin nouveau. Il semble clore comme un bilan. Qu’on se rassure, loin d’être complet, loin d’être systématique, loin même d’être ordonné !

Le premier trait de ce « bilan » est justement le désordre. Point de chronologie d’ensemble, des moments, pris semble-t-il au hasard mais on sait, avec Auster, que rien n’est au hasard. Disons qu’il s’agit plutôt d’une parole libre, à la façon de celle qu’on tient devant un psychanalyste. Un lien peu apparent, mais d’autant plus fort entre les séquences de parole. Paris, l’enfance, la mère, aujourd’hui, puis de nouveau Paris, les femmes – deux femmes surtout, La mère et Siri * – l’enfance encore … Auster enchaîne les bribes de souvenirs comme des inventaires : inventaires des lieux habités, inventaire des voyages à travers les USA et le monde, inventaire des femmes, des morts.

L'intensité secrète de la vie quotidienne, William Nicholson

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Mars 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Iles britanniques, Roman, Editions de Fallois

L'intensité secrète de la vie quotidienne, Trad. anglais Anne Hervouët, Février 2013, 410 p. 22 . Ecrivain(s): William Nicholson Edition: Editions de Fallois

 

Avis aux futurs lecteurs de ce roman : risque fort d’addiction ! Certes il s’agit bien de vie quotidienne et donc, globalement, d’événements qui ne dépassent que rarement le possible, voire le probable de tout un chacun. Et pourtant, le talent de William Nicholson, qui manie la narration écrite comme il a su le faire en tant que scénariste dans des films qu’on a adorés (Gladiator par exemple), fait ici encore merveille. Jamais la polyphonie n’a eu tant de réalité que dans ce récit. Plus de dix personnages, tour à tour, au cœur d’une Angleterre rurale, racontent, se racontent, dans une tranche de vie.

Au centre de ce microcosme, Laura. Elle a une quarantaine d’années, un mari, deux enfants, des parents riches, tout va bien. Sauf que. Sauf que 20 ans après une rupture brutale et douloureuse, Nick ressurgit du passé et ébranle la vie de Laura.

L’art de Nicholson n’est pas dans l’écriture elle-même. Il écrit, on lit, on n’en demande ici guère plus. Les petites et grandes misères de tous les jours des personnages, leurs joies aussi, se croisent et se décroisent avec une énergie de chaque instant, un rythme soutenu, une sorte d’évidence. Pas un chapitre qui ne nous captive pas, on veut la suite, comme les soirs de diffusion de nos séries télévisées favorites. Et pourtant, aucun doute, il s’agit bien de faits de la vie quotidienne.

La belle indifférence, Sarah Hall

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 13 Mars 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Iles britanniques, Nouvelles, Christian Bourgois

La belle indifférence. Trad. De l’anglais Eric Chédaille Février 2013. 170 p. 15 € . Ecrivain(s): Sarah Hall Edition: Christian Bourgois

 

Sarah Hall dans ce recueil se révèle sous un jour éblouissant et encore inconnu. On savait son talent de romancière depuis au moins le « Michel-Ange électrique ». Avec ces sept nouvelles, une nouvelliste exceptionnelle nous absorbe de bout en bout.

Sept histoires. Nous sommes dans un genre très éloigné des nouvelles de Carver ou de McGregor. Chaque nouvelle est un mini-roman, avec des personnages profonds et complexes, une narration captivante, un début, une fin. Sarah Hall déploie une formidable capacité à opérer une condensation narrative stupéfiante, dans un style étincelant. Une rivière de sept diamants taillés au millimètre.

Les personnages centraux de toutes les nouvelles sont des femmes. Sarah Hall annonce la couleur : ce livre célèbre la féminité. C’est incontestablement la trace la plus forte qui reste de cette lecture. Une féminité à l’image de l’écriture de Sarah Hall : à vif, d’une nervosité haletante, vibrant à chaque instant d’une tension extrême :

Ce qui est arrivé à M. Davison, Jon McGregor

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Mars 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Iles britanniques, Nouvelles, Christian Bourgois

Ce qui est arrivé à M. Davison. Trad. Anglais Christine Laferrière février 2013. 295 p. 17 € . Ecrivain(s): Jon McGregor Edition: Christian Bourgois

 

Jon McGregor est définitivement de la lignée des écrivains qui se coltinent avec la langue même, la matière de l’expression. Les nouvelles qu’il nous offre dans ce recueil constituent une sorte de laboratoire d’écriture nouvelliste. Aucun des textes ne ressemble à un autre par la forme : phrases brisées, répétitions, inventaires, documents administratifs ou techniques, et même listes de noms propres, tout y passe comme dans une sorte d’exploration des canons de l’écriture. Dans la deuxième nouvelle, on a même un brouillon de poème, celui qu’est en train d’écrire l’héroïne de l’histoire : page de gauche la nouvelle et son déroulé, page de droite le poème de la femme en « work in progress »

 

« Quand vient l’aurore

Quand la première lueur pénètre depuis l’est

Le ciel est de la couleur des billes.

D’un gris médiocre et vitreux » (En hiver le ciel)

La tragédie d'Arthur, Arthur Phillips

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Février 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, USA, Le Cherche-Midi

La tragédie d’Arthur, traduit de l'anglais (USA) par Bernard Hoepffner, janvier 2013, 617 p. 22 € . Ecrivain(s): Arthur Phillips Edition: Le Cherche-Midi

 

On sort de la lecture de ce livre avec le sentiment d’avoir passé des heures dans un labyrinthe et de n’être pas sûr du tout d’en être vraiment sorti ! La sortie utilisée est-elle la bonne, la vraie, une illusion ? Car tout ce livre a pour thème le faux. « F for fake » titrait Orson Welles dans le film qu’il dédiait à un grand faussaire pictural, Elmyr. Et ce film avait pour titre français « vérités et mensonges » qui conviendrait fort bien à cette variation sur le thème du faux littéraire.

Pour commencer qui a écrit quoi ? Ce livre est signé bien sûr par Arthur Phillips. Mais pas que. L’autre auteur s’appelle William … Shakespeare. Plus de cent pages placées à la fin du livre sont constituées de la publication d’un inédit du Barde : la tragédie d’Arthur. Vous avez bien lu, un inédit de Shakespeare. D’où vient cet OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) ?

C’est là le propos central de ce livre : Arthur Phillips nous raconte qu’il fut affublé d’un père improbable. Passionné de Shakespeare, il voulut transmettre dès leur enfance sa passion à ses enfants. Et ça marche plutôt bien pour la sœur d’Arthur, Dana, qui devient une fan et une spécialiste du Barde. Moins bien pour Arthur … jugez-en :